La FSSPX doit accepter la solution romaine une Administration Apostolique |
Abbé Paul Aulagnier - 14 mars 2006 - "Regard sur l’actualité politique et religieuse" - n°82 - http://la.revue.item.free.fr |
Je reçois ces jours-ci beaucoup de lettres d’amis qui s’inquiètent de la situation que connaît actuellement la FSSPX. Ils me demandent mon avis sur les « accords » avec Rome. Voici la réponse que je leur adresse. Je la publie surtout pour mes confrères. Je souhaite qu’ils y réfléchissent. Ils sont à la « croisée des chemins ». L’heure est extrêmement importante pour l’avenir de ceux qui ont toujours aimé la Tradition et qui veulent en vivre. C’est le moment d’ouvrir les yeux…Demain il sera trop tard… Voilà comment je résume la pensée de Mgr Lefebvre sur ce sujet important. Je l’ai beaucoup étudiée et analysée, plus que d’autres…Je garde un souvenir toujours actuel de Mgr Lefebvre sans faire pour autant de « lefebvrisme ». Comme Mgr Lefebvre, je ne parle pas d’ « accord » mais bien de « réintégration» et de « normalisation » de notre situation avec les autorités romaines. Ce n’est pas la même chose…Loin s’en faut. 1- Tout en reconnaissant que la crise dans l’Eglise est essentiellement doctrinale, - Mgr Lefebvre en cherchait les raisons et les trouvaient dans le libéralisme et le modernisme qui s’étaient tout particulièrement manifestés dans l’Eglise à l’occasion du Concile Vatican II et de « toutes les réformes » issues du Concile - de la résolution de cette crise doctrinale, Mgr Lefebvre n’en faisait pas un préalable à cette « normalisation » et à cette « réintégration ». La meilleure preuve c’est qu’il envisageait une « normalisation » alors que nous étions en plein « débordement » moderniste avec l’affaire d’Assise en 1986 et de cette réunion inter religieuse, scandale pour la chrétienté. Voir le pape, vicaire du Christ, ravalé au même niveau que les chefs des fausses religions avait quelque chose de choquant…Le scandale d’Assise se perpétuait encore en 1987 et Mgr Lefebvre acceptait pourtant en 1988 de s’asseoir à une table pour « négocier ». Oui ! Quoiqu’il en soit de cette crise doctrinale, Mgr Lefebvre a toujours cherché à normaliser sa situation avec les autorités de l’Eglise. Il était favorable à cette « normalisation » et à cette « réintégration ». Il voulait trouver une solution. Et il s’est toujours trouvé disposé et disponible pour envisager la solution et la concrétiser. « Que Rome ait changé ou non » n’était pas pour Mgr Lefebvre, le problème pour régulariser la situation, comme cela semble être le cas pour Mgr Williamson (cf. Minute du 8 mars 2006) Le moindre « mouvement » de Rome était pour lui occasion d’espérance et de grande disponibilité. Il était romain et savait que l’on ne peut se passer de Rome, « Mère et Maîtresse de toutes les églises » de qui nous recevons tout. Il ne faudrait pas l’oublier. Moi je ne l’oublie pas. Romain je le suis et le resterai avec la grâce de Dieu. Dire cela n’est pas, de soi, être « rallié » ni favoriser le « ralliement ». Sur ce sujet, force est de constater que Mgr Fellay et Mgr Williamson, les deux évêques qui s’expriment publiquement sur cette « affaire », pensent différemment. Peut-on parler de fidélité à la pensée de Mgr Lefebvre et à sa romanité ? 2- Avant même la résolution doctrinale de la crise dans l’Eglise, Mgr Lefebvre était donc favorable à une normalisation de la situation de la FSSPX avec Rome. Mais pas à n’importe quelle condition. Il fallait que la « liberté » ou mieux la « certitude » nous soit donnée de pouvoir poursuivre notre apostolat « tels que nous sommes ». Il n’a cessé de demander que Rome nous prenne « tels que nous sommes », avec la possibilité de garder certainement la messe tridentine comme un « droit propre » et inhérent à notre sacerdoce. C’était là une résolution ferme. Qu’on se souvienne de la conclusion de son homélie lors de son jubilé sacerdotal, à la porte de Versailles en 1978. Il ne pouvait et ne voulait tergiverser sur ce point. Ce droit à la messe dite de saint Pie V était pour lui absolu. Quant au problème du Concile Vatican II, il demandait qu’il soit reçu « à la lumière de la Tradition », ce que reconnaissait à l’époque le pape Jean-Paul II, (même s’il ne donnait pas le même sens au mot) et que l’on puisse en discuter les résolutions. Ce qui est possible parce que Vatican II est un Concile pastorale a-typique et que cela lui fut accordé dans le protocole du 5 mai 1988. Sous ce rapport, Mgr Williamson et Mgr Fellay, en demandant à Rome la déclaration du droit pour tout prêtre à la messe dite de saint Pie V demandent trop et pensent différemment de Mgr Lefebvre. Peut-on dire qu’ils soient fidèles à la pensée et à la pratique de Mgr Lefebvre ? 3- Or la solution romaine aujourd’hui proposée par Rome à la FSSPX, une Administration Apostolique, celle-là même que Rome donna à nos amis de Campos, - ce qui suppose bien sûr la levée de l’excommunication -, satisfait à ces deux exigences : « nous prendre telles que nous sommes » dans une structure canonique qui nous assure une bonne liberté et la « certitude » de nos droits à la messe tridentine et à la garde de la doctrine catholique avec nos sacrements, notre catéchisme, notre apostolat et son « style ». 4- C’était du reste ce que demandait Mgr Lefebvre le 21 novembre 1987, ( voir sur cette lettre : Regard sur le monde du 1 mars 2006) dans la lettre qu’il remettait au cardinal Gagnon à l’issu de sa visite apostolique. Mgr Lefebvre n’a pu, lui-même, obtenir ces conditions de liberté et de certitude, en 1988 alors qu’il négociait avec Rome et le cardinal Ratzinger. Il ne put obtenir en effet ni la majorité dans la « commission romaine » qu’il suggérait à Rome de créer pour présider à l’harmonieux développement de la Tradition dans l’Eglise ni la certitude concrète du sacre épiscopal dans la FSSPX, deux choses qui permettaient certainement et à elles seules l’exercice concret de cette liberté de mouvement. Mgr Lefebvre n’était pas un « doctrinaire » ni un « idéologue ». Mais il avait une pensée très concrète et pratique, juridique même. L’expérience qu’il eut en Afrique dans l’organisation des conférences épiscopales africaines qu’il créa, lui donna l’expérience des organisations pratiques qui permettent la réalisation de buts voulus et souhaités. Il savait l’importance de la pratique pour obtenir une fin particulière. Il aimait le « pragmatisme organisateur », l’art des chefs. 5- Mais depuis 1988, le temps passa. Rome s’approcha petit à petit et de plus en plus de la solution demandée par Mgr Lefebvre dans sa lettre du 21 novembre 1987. Nous pouvons le constater dans la solution proposée, en 2001-2002, à Mgr Rangel, évêque sacré par Mgr Tissier de Mallerais dans le cadre de l’association sacerdotale saint Jean Marie Vianney, sis au diocèse de Campos, au Brésil. Là, dans le cadre d’une nouvelle Administration Apostolique, Rome a reconnu pour ses prêtres et membres le droit à la messe dite de sainte Pie V, un droit propre. Ce droit propre fut même confirmé par écrit officiellement par le secrétaire de la Congrégation du Clergé. Rome, en acceptant de mettre un évêque à la tête de cette Administration avec pleine juridiction sur ses membres, une juridiction ordinaire, propre, personnelle, et cumulative avec l’ordinaire du lieu, assurait pleine liberté à ses sujets. Les prêtres et les membres de cette Administration Apostolique dépendent totalement et exclusivement de leur propre évêque, qui a été ordonné « dans la Tradition et pour la Tradition », Mgr Rifan. « Dépendance » dans le cadre évidemment de la société hiérarchique qu’est l’Eglise. Si l’on veut s’en affranchir, alors on cesse d’être catholique. Mgr Williamson et Mgr Fellay, en refusant pour l’un et en tergiversant pour l’autre, d’accepter ces propositions romaines d’une Administration Apostolique universelle et nullement limitée à un diocèse comme dans le cas de Campos, - un pas supplémentaire fait par Rome -, pensent différemment de ce que Mgr Lefebvre formulait dans sa lettre du 21 novembre 1987 et de ce qu’il voulait. 6- Il est évident que la crise doctrinale dans l’Eglise ne sera pas finie parce que notre situation sera normalisée. Mais cette normalisation nous permettra, il est vrai, un meilleur et plus facile apostolat. Le fait que l’on nous considère comme « excommuniés et schismatiques » même s’il n’en est rien, ne facilite pas les choses. Que craindre si nous sommes bien « bordés »…Craindre d’être envahi par une foule de « libéraux »… ? Ce n’est pas une sainte crainte. Il est clair que Mgr Lefebvre ne la partagerait pas, lui qui avait soif des âmes et de leur salut tel que NSJC le manifesta sur le bois de la Croix : « Ce soir même tu seras avec moi dans mon royaume ». Il s’adressait à celui qui était pourtant un grand malfaiteur…et qui, in extremis, eut un bon mouvement. 7- La normalisation de la situation de la FSSPX dans l’Eglise est aussi une question de foi et d’amour de l’Eglise. Comment attendre plus longtemps alors que Rome nous appelle et propose une solution raisonnable qui satisfait toutes les exigences de Mgr Lefebvre. ? Comment ne pas chercher, comme le voulait Mgr Lefebvre, toujours dans cette même lettre du 21 novembre 1987 au Cardinal Gagnon, à mettre nos forces au service de l’Eglise et à collaborer à l’œuvre de l’Evangélisation. Dans ces conditions, rester à l’extérieur et attendre que la crise soit résolue, ne me paraît pas être une solution de respect ni filiale. Sous ce rapport encore, Mgr Fellay et Mgr Williamson pensent différemment de Mgr Lefebvre. 8- Enfin la normalisation de notre situation dans l’Eglise est aussi une question de « stratégie ». Mgr Lefebvre était un grand « stratège »…Qu’on veuille bien l’imiter ! 9- Le « mal » que connaît aujourd’hui la FSSPX vient, pour une grande part, d’une mauvaise appréciation des « enjeux » mis en cause et de l’oubli de la position de Mgr Lefebvre et de sa pratique constante au cours de son propre supériorat. Et même quelques années après encore. |
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