Les évêques de France étudient la place des traditionalistes Ecclesia Dei dans leurs diocèses (Analyse) |
21 octobre 2006 - DICI - dici.org |
Les évêques de France tiendront leur Assemblée plénière du 4 au 9 novembre à Lourdes. Ils y entendront les membres de la commission qu’ils ont créée, en avril dernier, sur la question de la place à accorder aux traditionalistes dans leurs diocèses. Cette commission est composée du cardinal Panafieu, ancien archevêque de Marseille, de Mgr Aubertin, archevêque de Tours et de Mgr Planet, évêque de Carcassonne. On peut se demander si les évêques qui ont dans leurs diocèses d’importantes communautés traditionalistes dans la mouvance de la Commission romaine Ecclesia Dei, n’ont pas déjà mis au point une attitude commune pour l’insertion – voire la récupération - de ces fidèles attachés à la messe de Saint Pie V et opposés à la Fraternité Saint Pie X depuis les sacres de 1988. On se souvient des préoccupations exposées par le cardinal Ricard, président de la Conférence épiscopale de France, à l’issue de la précédente Assemblée de Lourdes (7 avril 2006) : « Notre échange a montré que beaucoup (d’évêques) portaient la préoccupation de bien articuler l’accueil de la diversité avec la sauvegarde de l’unité de l’Eglise diocésaine : comment reconnaître la place dans l’Eglise d’une diversité de sensibilités liturgiques et d’animations ecclésiales, sans pour autant contribuer à faire naître des Eglises parallèles qui n’auraient pas de liens entre elles ? Nous sentons qu’il y a là un enjeu ecclésiologique et pastoral important. Nous sommes prêts, comme évêques, à nous engager dans ce vrai travail de communion. C’est pourquoi la mise en place d’une structure juridique qui risquerait de distendre les liens de ces fidèles avec leur pleine appartenance à leur Eglise diocésaine ne nous paraît pas opportune ». Le souci des évêques était de ne pas compromettre l’unité de leurs diocèses par la mise en place d’une structure juridique qui confèrerait un statut particulier aux traditionalistes Ecclesia Dei. On pouvait y voir une critique transparente de toute proposition romaine en direction d’une administration apostolique, d’une prélature personnelle ou d’un institut de droit pontifical… Sans attendre les conclusions de la commission chargée de cette question, quelques évêques semblent avoir adopté une même solution. Il s’agit de ne confier les églises où est célébrée la messe tridentine qu’à des prêtres en plein accord avec l’ordinaire du lieu, sans avoir affaire avec une « structure juridique » plus ou moins exempte de la juridiction de l’autorité locale. Ainsi à Lyon, depuis le dimanche 1er octobre, trois des cinq prêtres de la Fraternité Saint Pierre qui desservaient l’église saint Georges ont quitté leur fraternité tout en gardant, en accord avec l’archevêque de Lyon, la charge de l’église lyonnaise. Les deux prêtres restant à la Fraternité Saint Pierre n’ont plus accès à l’église. En outre, la maison Padre Pio installée à Francheville n’est plus entre les mains de la Fraternité Saint Pierre. Les jeunes séminaristes qui devaient y faire leur entrée en première année ont dû partir pour Wigraztbad. - On pourrait également examiner la situation des fidèles Ecclesia Dei à Versailles, à Orléans, à Angers, à Strasbourg… Nul doute que l’élection à la tête de la Fraternité Saint Pierre, cet été, d’un supérieur général peu enclin au bi-ritualisme, l’abbé Berg, aura précipité dans les bras des évêques diocésains les prêtres de cette fraternité qui avaient adressé à Rome, le 29 juin 1999, une lettre où ils envisageaient favorablement la concélébration. Mais il faut reconnaître que leur opposition au nouveau supérieur général coïncide avec le désir actuel des évêques de trouver une solution gallicane - et non romaine – au problème que leur posent les traditionalistes Ecclesia Dei. La récente érection de l’Institut du Bon Pasteur, société de droit pontifical, a fortement indisposé les évêques de France, parce qu’ils n’ont pas été consultés, ni les trois membres de la commission créée en avril, ni même le nonce à Paris, Mgr Baldelli. Le cardinal Ricard, membre de la Commission Ecclesia Dei, a fait savoir qu’il n’avait été informé que la veille de la fondation de cet institut par un journaliste de Rome. Mais surtout l’Institut du Bon Pasteur est le type même de la « structure juridique qui risquerait de distendre les liens des fidèles (traditionalistes) avec leur pleine appartenance à leur Eglise diocésaine », et dont le cardinal Ricard disait qu’elle ne paraissait pas « opportune ». C’est pourquoi il a tenu à préciser le 6 octobre 2006 dans le journal officiel de son diocèse, repris aussitôt par La Croix : L’Institut du Bon Pasteur est « une société de vie apostolique de droit pontifical. (…) Comme les autres sociétés de vie apostolique de droit pontifical, elle dépend de Rome pour tout ce qui concerne la vie interne de l’Institut. Par contre, elle a besoin de l’autorisation de l’évêque diocésain pour toute activité apostolique dans son diocèse et à plus forte raison pour avoir la charge pastorale de fidèles. Cet Institut a une caractéristique propre : il lui a été accordé ‘l’usage exclusif’ des livres liturgiques de 1962, c’est-à-dire des livres utilisés avant le Concile Vatican II et la mise en œuvre de la réforme conciliaire. Les prêtres de cet Institut ne concélèbreront pas. Ceci dit, personne ne peut interdire à un prêtre de concélébrer avec l’évêque du diocèse ou avec le pape lui-même. » On peut lire dans cette dernière phrase une remise en cause de « l’usage exclusif » accordé à l’Institut du Bon Pasteur, dans la ligne de la réponse que fit la Congrégation du Culte divin, le 3 juillet 1999, aux autorités de la Fraternité Saint Pierre, rappelant que le droit de célébrer l’ancienne messe n’ôtait pas à leurs membres le droit de célébrer la nouvelle messe. Et pour dissiper tout malentendu, le cardinal Ricard rappelle - dans son communiqué du 7 avril, à l’issue de l’Assemblée de Lourdes, comme dans son éditorial du 6 octobre consacré à l’Institut du Bon Pasteur -, que le rapprochement avec les traditionalistes Ecclesia Dei se fera « dans la charité et la vérité ». « Dans la vérité » signifie pour lui « dans la fidélité à Vatican II ». 7 avril : « Cette communion doit être recherchée dans la charité et la vérité. (…) La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile Vatican II et des papes de ces dernières décennies. La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée ». 6 octobre : « Dans quel esprit allons-nous vivre ce rapprochement ? Dans la charité et la vérité. (…) Une réconciliation véritable ne saurait s’effectuer dans un climat d’esprit de revanche, de clair obscur des convictions ou de pratique d’un double langage. Saint Jacques nous rappelle : « Que votre oui soit oui et votre non, non, afin que vous ne tombiez pas sous le jugement. » (5, 12) Il est important que les préalables mis à la reconnaissance de cet Institut soient mieux connus. J’aurai l’occasion moi-même d’aller à Rome et de demander une information complémentaire sur ce point. L’entrée dans une pleine communion implique, en effet, la fidélité au Magistère actuel du pape et des évêques et une position claire vis-à-vis de l’acte magistériel qu’ont été le Concile Vatican II et la promulgation de ses textes. Certes, les questions et les difficultés ne disparaissent pas pour autant. Mais la communion implique que ces questions soient partagées fraternellement, dans un climat de respect mutuel et d’obéissance filiale au Magistère, et non pas exprimées dans un climat de polémique aussi lassant que stérile. Oui, la communion implique accueil de l’autre, connaissance mutuelle, volonté de se mettre ensemble à l’écoute de ce que « L’Esprit dit aux Eglises » (Ap. 2, 29) Cet appel s’adresse vraiment à tous. Il implique une conversion de chacun ». |
▼