Les intégristes cherchent le pape - Le Vatican a reconnu que des contacts formels étaient en cours. |
Michel Holtz, dans Libération, le 29 mars 2001 |
Le temps de la réconciliation n'est pas encore venu, tout juste celui du dialogue. Depuis quelques mois, le Vatican tente de renouer les liens avec ses dissidents de la fraternité sacerdotale Saint-Pie-X : les "lefebvristes", les "intégristes", " les intégralement catholiques, plutôt ", corrige l'abbé Sellier, l'un de leurs porte-parole en France. Des liens rompus depuis le schisme de 1988 et l'excommunication de quatre évêques ralliés à monseigneur Lefebvre, évêque d'Ecône (Suisse), ex-communié lui-même et fondateur de la fraternité. Mais si le Vatican a officiellement reconnu la semaine passée que des "contacts formels" étaient actuellement en cours, les premières rencontres remontent à l'été dernier, au 8 août précisément. Et elles sont le fait des intégristes eux-mêmes. C'était le temps des JMJ et du jubilé. Les jeunes catholiques de tous les pays prenaient le chemin de Rome, en autocars, en short et en chantant en choeur des chansons modemes. Eux aussi sont venus en cars, mais tout de noir vêtus. Ils chantaient, comme les autres, mais des kyrie latins. Ils étaient 6000 pèlerins français pour une tournée solennelle des basiliques. Et leur geste eut l'heur de plaire au Saint-Père. Mi-novembre, le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la congrégation pour le clergé, était officiellement mandaté par Jean Paul II pour aller à la rencontre des dissidents. La réunion eut lieu les 29 et 30 décembre 2000. Depuis, d'autres rendez-vous ont été organisés, jusqu'à cette communication officielle du Vatican. Et monseigneur Bernard Fellay, actuel supérieur des lefebvristes se targue même d'avoir "entrevu le pape" au cours de ce premier séjour romain, auquel ont succédé deux autres rencontres, au mois de janvier et février. Prie-dieu et PC. A la maison du district de Suresnes, QG français de la fraternité, cette affaire occupe évidemment les conversations de la dizaine d'abbés en résidence. Dans cet hôtel particulier, racheté grâce aux dons des fidèles, qui seraient près de 100000 en France, les prie-dieu recouverts de velours rouge cohabitent avec des PC reliés par des kilomètres de câbles : " On est en train de monter un site Internet", s'excuse l'abbé Sellier, guide des lieux et responsable de Fideliter, revue de la confraternité, où se mélangent allégrement les entretiens théologiques et la défense d'"une certaine idée de la France", plutôt antiPacs, antiavortement, antifrancs-maçons et antigaulliste. Combats de quelques vieilles lunes? L'abbé Sellier prétend le contraire. " Les traditionalistes d'aujourd'hui sont de la deuxième génération, les dirigeants de la fraternité ont mon âge (42 ans, ndlr) en moyenne et les jeunes prêtres sont de plus en plus nombreux à nous rejoindre. La plupart d'entre nous n'ont pas connu le traumatisme du schisme de 1988. On n'a pas de passif avec le Vatican. " Ce qui facilite la rapprochement avec Rome. Non-interdiction. Mais les lefebvristes ont des exigences. Et en premier lieu, " la liberté de la messe ", comme l'écrit Bernard Fellay, dans le texte préalable à toute négociation qu'il a envoyé aux 20000 prêtres français "papistes". Cette messe, il souhaite évidemment la dire en latin, dans un rite immuable depuis 1534. "Et même plus, précise un abbé historien résident de Suresnes. Certains éléments de notre messe n'ont pas changé depuis le IVe siècle. " Et puis, les traditionalistes veulent continuer d'officier en tournant le dos aux fidèles. " Nous nous adressons à Dieu, et non au peuple. " Selon les représentants français de la fraternité, les " négociations " seraient en bonne voie. "Nous irions vers une non-interdiction de notre célébration, plutôt que vers un accord, mais c'est déjà énorme, résume Grégoire Sellier. Quant aux excommunications, il n y en a pas eu une seule depuis 1988. " " Messe maçonnique ". Mais certains adeptes d'Ecône en veulent beaucoup plus. Dans une homélie prononcée dimanche dernier à léglise Saint-Nicolas-du Chardonnet, fief de la fraternité à Paris, l'évêque excommunié Bernard Tissier de Malerais a carrément demandé à Rome d'oublier la messe moderne, celle de Vatican II, mise en place après le concile de 1965; racine selon lui du schisme actuel. " Ils ne peuvent garder la nouvelle messe, oecuménique, ambiguë, protestantuée et maçonnique. " Rien que ça. Et de demander au pape " de faire repentance " . Evidemment, de telles salves risquent de hérisser quelque peu Dario Castrillon Hoyos. Mais, à Suresnes, on est confiant. " Jean Paul II est à la fin de son pontificat et il ne veut pas partir sur un schisme. Et puis, vu l'état des troupes, Rome a besoin de nous. Dans dix ans, ils auront deux fois moins de prêtres et encore moins de fidéles. " Cent prêtres français, cinquante nouvelles recrues chaque année et 100000 fidèles très fidèles sont toujours bons à prendre. Quitte à faire quelques énormes concessions? |
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