Le blog collectif lancé sur le site Internet de « La Croix » à la suite de la levée des excommunications accueille depuis un mois un débat passionné
La crise intégriste a suscité une prise de parole sans précédent dans l’Église de France et au-delà. Le seul chiffre des commentaires publiés sous les 29 billets du blog de débat collectif lancé par la-croix.com, le 30 janvier dernier suffit à lui seul à l’illustrer : 900 réactions en un mois, rédigées par des habitués des forums de La Croix, mais aussi des internautes de tous horizons, y compris juifs et protestants.
Autant dire que le débat a été nourri, vigoureux, parfois virulent. « Hors de question de rester les bras croisés devant des personnes qui rejettent le dialogue avec notre monde actuel, la liberté de conscience, la liturgie actuelle, le dialogue interreligieux », s’insurge J.-F. Gaffiéri, tandis que Romane Fleuriel stigmatise une « diffusion de la peur, de l’anathème, de l’exclusion ». « Je ne suis pas favorable à toutes les orientations du concile Vatican II, c’est vrai, rétorque Pierre. Je demande simplement à pouvoir discuter, critiquer de façon constructive Vatican II. »
Vatican II… C’est bien autour de ce concile que le débat s’est concentré. Si les réactions furent dans un premier temps des cris du cœur, bien souvent des « coups de gueule » contre la levée des excommunications et surtout contre les propos négationnistes de Mgr Williamson, les commentaires ont manifesté dans leur ensemble un souci de réflexion et d’argumentation sur les enjeux doctrinaux. "Certains clivages se sont estompés"
« L’espace de dialogue inédit constitué par ce blog montre bien, de fait, que certains clivages se sont estompés, que plusieurs sensibilités sont prêtes à travailler ensemble et à se parler », se réjouit Philarète, en réponse à un billet dans lequel Christophe Geffroy, directeur du mensuel La Nef, appelle à dialoguer sans « tenir aucun compte des étiquettes a priori ». « Il est facile d’affirmer que les intégristes ne disent que des bêtises lorsqu’ils rejettent une partie du concile Vatican II. Mais qui a pris la peine d’examiner leurs objections et d’y répondre ?, interroge-t-il. Leurs objections ont ceci d’utiles qu’elles nous obligent à faire notre propre autocritique… »
« La vérité, c’est qu’il y a plusieurs lignes, avec sans doute un jeu d’influence entre elles », analyse pour sa part Isabelle de Gaulmyn, l’envoyée spéciale permanente de La Croix à Rome. Des divergences au Vatican, mais aussi au sein de la Fraternité Saint-Pie-X : dans un billet daté du 6 février, Koz, avocat et célèbre blogueur, fait ainsi état de deux versions de la lettre de Mgr Fellay aux fidèles de la FSSPX, la version retenue s’arrêtant strictement à Vatican I.
Cette modification de taille « mérite en tout cas une rapide clarification car il est pour le moins délicat d’envisager un dialogue sérieux et constructif si l’une des parties modifie sa position en cours de dialogue… », constate-t-il. Un scepticisme partagé par Nicolas Senèze, journaliste au service religion de La Croix, qui commente le 18 février une interview au quotidien valaisan Le Nouvelliste dans laquelle Mgr Fellay maintient de sérieuses réserves sur Vatican II : « Le fossé théologique est si large entre Écône et Rome, qu’on ne voit pas comment un accord serait possible(…) La porte ouverte par le pape n’a pas encore claqué, mais on sent comme un petit courant d’air(…) »
Pietro de Paoli, écrivain catholique qui publie sous pseudonyme, appelle, lui, à dépasser les peurs : « Faut-il nous battre pour Trente, Vatican I ou même Vatican II ? C’est ‘‘Vatican III’’ qui devrait nous passionner ; un concile pour le monde qui vient, pour l’humanité de demain .» Céline Hoyeau |