SOURCE - Luc Perrin - Le Forum Catholique - 2 août 2008
1. comme je l'ai souligné dans mon interview, reprenant les propos identiques sur ce point des 4 évêques, il est désormais vain de lier le Motu proprio et la relation Rome-Menzingen. Cette étape est dépassée. Du côté de Menzingen, on parle : des excommunications à effacer unilatéralement et surtout, de la liste des sujets doctrinaux qui fâchent, liste donnée par Mgr Tissier de Mallerais et qui n'a pas varié depuis le début.
Donc répondre "Motu proprio" aujourd'hui, cher Adso, à une question portant sur la FSSPX, c'est être déconnecté de l'actualité ... le schmilblik n'avancera pas d'un millimètre par cette voie. Sauf revirement aussi spectaculaire qu'imprévu de la position de la FSSPX.
Il y a maintenant d'autres voies à explorer.
2. Comment, en revanche, le schmilblik peut-il avancer dans nos paroisses, dans les Eglises locales en pleine communion avec Rome, disent-elles ?
On peut noter que du côté de Rome :
- la rumeur pressante en janvier 2008 d'une Instruction qui était annoncée comme imminente a, depuis, entièrement disparu : plus personne ne parle de cette Instruction ... alors qu'on la disait, il y a 6 mois, sur le bureau du Saint-Père pour signature.
Soit le projet a sombré dans l'eau du Tibre ? Soit il est efficacement enrayé comme l'a été le Motu proprio lui-même pendant plus d'un an ...
- la PCED n'est quasiment pas intervenue en dépit des articles 7, 8 et 12 de Summorum Pontificum depuis un an : l'intervention du cardinal Castrillon Hoyos dans l'affaire Scouts et Guides d'Europe est la seule que je connaisse et elle s'est traduite par un échec dans l'immédiat, la précédente direction ayant fait la sourde oreille. Quasi inaction d'un côté, alors que le changement de la prière du Vendredi Saint a été opéré à la vitesse de l'éclair. Tout ne va forcément à allure d'escargot en ce pontificat, même si cet animal sympathique semble devenu une mascotte.
- très significativement, le Cardinal-président de la PCED a repris, en juin en Grande-Bretagne, le langage habituel depuis 1988 de l'incitation, du voeu, du souhait à l'égard des évêques britanniques, particulièrement tenaces dans la non-application ... Ils ont, depuis 1971, une longue expérience des tactiques dilatoires il est vrai.
Tout cela irait plutôt dans le sens d'une inaction romaine prolongée à l'égard des épiscopats rétifs. La mention, par le même Cardinal aux ordinations de la FSSP aux USA, du voeu de concélébration - posé dès 1999, repris par le pape dans la lettre d'accompagnement - montre qu'on ne se dirige pas vers un acte d'autorité à Rome, à mon sens.
Sauf revirement là encore qui sait ? Il y a des oscillations dans la politique de la Curie et la ligne ne semble pas très bien arrêtée entre les différents courants contradictoires.
On peut noter du côté des Églises locales, des positions qui varient : la politique de "containment" domine certes en France pour le moment mais jusqu'à quand ? Tous les évêques français ne s'y soumettent pas, tous les prêtres ne capitulent pas - il y a ici et là des don Camillo -, toutes les communautés religieuses ne sont pas insensibles. Aux Etats-Unis, une partie des évêques pratiquent le "containment" mais la majorité au contraire est plutôt bienveillante. J'ai cité le cas exemplaire du cardinal de Chicago, l'exact pendant de Mgr Vingt-Trois., dont l'action est à l'opposé de celle qui prévaut à Paris. Je précise que le Cardinal-président de la Conférence épiscopale américaine n'a rien d'un fan de la Forme Extraordinaire : il a toujours mis l'accent, à l'image de son confrère parisien, sur une bonne célébration de la Forme ordinaire et s'est engagé pour corriger les erreurs de la version anglaise du missel romain paulin. Mais il s'est peu à peu ouvert à un accueil sincère des fidèles traditionalistes, en comprenant la légitimité de leur demande : dès 2002, il s'était prononcé pour la libération de la Messe.
3. A tout attendre du pape, on risque fort d'oublier que le Motu proprio incite d'abord les prêtres puis nous autres simples baptisés à agir, en incluant les religieux et religieuses [on a très peu parlé de l'application du Motu proprio chez ces derniers/dernières, article 3 pourtant]. "Nous sommes l'Eglise", proclame un mouvement néo-moderniste ... pour en dénaturer sa doctrine et sa structure. Toutefois, il rappelle qu'en effet nous sommes l'Eglise, chacun a sa place dans la "communion hiérarchique" (Nota explicativa praevia à Lumen Gentium, Vatican II).
En d'autres termes, comme pour le régime précédent de 1984-1988, l'application de Summorum Pontificum réside pour beaucoup dans les initiatives, principalement, des laïcs (hommes et femmes), dans leur constance, dans leur énergie à réclamer à temps et à contre-temps, sans jamais se lasser.
Sachant que quand la Messe peut être célébrée, cela demande de la constance et de l'engagement pour qu'elle puisse continuer à l'être dignement.