SOURCE - Jean Madiran - Présent - 11 mai 2006
PARLANT au nom de l’épiscopat, son président le cardinal Ricard déclare éventuellement « possible » un « retour » des traditionalistes à « la pleine communion » de l’Eglise, si Benoît XVI donne, comme il en est question, des « directives » en ce sens « dans les semaines ou les mois qui viennent ».
Il avertit cependant. Il stipule ce que la communion « ne saurait tolérer ».
Ah, bon !
Elle « ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée ».
Cela paraît anodin. Il va de soi que le refus « systématique » et le « dénigrement » ne sont jamais les bienvenus en aucun domaine.
Mais on aurait tort d’en conclure que le cardinal-président accueille comme légitimes un refus du Concile qui serait partiel et circonstancié, ou une critique de la réforme liturgique si elle est argumentée plutôt que systématique, motivée plutôt que dénigrante.
Il nous est bien précisé à quoi, selon notre épiscopat, se limite ce qui est tolérable :
« La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement. »
Et pas plus.
Seulement des « questions ».
Des « demandes de précision ».
Mais plus d’objections ? Plus de réfutations ? Plus de débats désormais ? Plus de discussions ? Dans l’Eglise, plus de « questions disputées » ?
Je suppose qu’il faut entendre, ou plutôt je constate que seuls les traditionalistes en sont ainsi privés.
Sinon, à ce compte, quand Jérôme et Augustin s’opposaient avec la vivacité que l’on sait, quand Bossuet réprimandait Fénelon, quand Guéranger affrontait Félix Dupanloup, lequel des deux aurait dû ne pas être « toléré » par la communion ? Et quand le futur cardinal Congar vilipendait l’« ecclésiologie » du concile de Trente ?
# Le refus du Concile, tel qu’il existe chez les traditionalistes, n’est pas le refus de tout le Concile, mais de ses innovations. Le refus de les recevoir aveuglément et sans critique. Autrement dit, le refus de leur sacralisation. Le refus de considérer que Vatican II aurait autant d’autorité et plus d’importance que le concile de Nicée. Le concile Vatican II n’a été infaillible dans aucune de ses décisions, aucun de ses décrets. Il s’est voulu pastoral par distinction d’avec dogmatique et même d’avec doctrinal. Le considérer comme ayant autant d’autorité et plus d’importance que les décisions dogmatiques définissant la foi de l’Eglise, c’est une insupportable exagération, pour ne pas dire une imposture. Prétendre qu’on ne peut à son sujet formuler rien de plus que des questions ou des demandes de précision est un misérable abus d’autorité.
# La critique des innovations de Vatican II n’est pas infaillible elle non plus, bien sûr. Mais elle est licite. Elle relève d’une éventuelle réfutation mais non pas d’une censure ; non pas d’une exclusion de la communion ecclésiale. A cet égard l’épiscopat français pourrait utilement s’interroger sur ce qu’a été sa responsabilité, pendant et après Vatican II, dans l’injuste apartheid qui a frappé les traditionalistes et qui n’est toujours ni vraiment supprimé ni réparé. A ne considérer que les propos du cardinal-président, le temps de cette repentance-là ne paraît pas encore venu pour le noyau dirigeant de notre épiscopat.