Pourquoi nous est-il toujours aussi difficile de dialoguer avec nos Pasteurs ? |
Lettre 117 - 4 juillet 2008 - paixliturgique.com |
1 – Négociation(s), dialogue(s) et rencontre(s) : d’abord quelques rappels Une rencontre, fortuite ou arrangée, permet à deux parties de se faire face. La rencontre, hostile ou conviviale, stérile ou porteuse d'espérance, permet la reconnaissance de "l'autre". Le dialogue ne nécessite pas la volonté de parvenir à un accord, mais, en revanche, ne se justifie que si l'on cherche à mieux faire comprendre sa position et à mieux appréhender la position de son interlocuteur.En cas contraire, on parlera de "dialogue de sourds". L'art de la négociation réside dans la capacité du négociateur à définir l'attente de l'autre partie et les conditions que cette dernière est susceptible d'accepter afin d'obtenir satisfaction. Ceci présuppose que l'on souhaite parvenir à un accord y compris en concédant certains avantages à la partie adverse. 2 – Une situation étonnante pour les hommes ordinaires que nous sommes Force est de constater que des milliers de fidèles attachés au rite extraordinaire de l'Eglise,depuis plus de 20 ans , ont en vain, chacun avec son charisme, essayé de rencontrer les autorités ecclésiastiques, d'amorcer un dialogue, de négocier l'application du Motu Proprio. Comment expliquer cette situation sans jeter l'anathème sur ceux qui se dérobent à leur mission de Père, de Pasteur ? Pour certains de nos interlocuteurs, la stratégie consiste à nous nier : "Je n'ai aucune demande... ou peut-être une ou deux". Pour d'autres, à nous discréditer : "On ne peut pas dialoguer avec vous". Un grand nombre de prêtres interrogés se déclarent non concernés : "... essayez de voir à l'Evêché" ou peureux : "Je ne peux pas proposer ça à mon conseil paroissial". Certains interlocuteurs plus diplomates proposent, faute de possibilité dans leur paroisse, d'aller voir "ailleurs" ou de revenir en septembre prochain, "le temps d'y voir clair". D’autres enfin profitent du premier haussement de voix habituel dans la vie courante pour se déclarer attaqué, agressé, violenté, insulté... donc enfin en bonne position pour légitimement... cesser un dialogue qui n’avait pas commencé. S'agit-il d'une stratégie concertée imposée par leurs auteurs à tous leurs confrères ou d'une attitude propre au clergé ? Nous ne pouvons pas nier que l'épiscopat français ne partage pas notre sensibilité et que peu d'évêques souhaitent le succès d'une application généreuse des dispositions du Motu Proprio. Cependant, réduire la position de nos interlocuteurs à une sombre théorie du complot n'explique pas leur "comportemental". En fait, le refus de nous "rencontrer" relève d'une manière générale d'un état proche de la paranoïa, caractérisé par la surestimation pathologique du moi, la méfiance, la fausseté du jugement et l'inadaptation sociale et, pour certains d'entre eux, d'une perte du contact avec la réalité de nature schizophrène. Ce constat est patent : Comment "nous" rencontrer, si "nous" n'existons pas ?. Comment accepter que nous existions alors qu'ils avaient décidé que nous n'existerions plus après quelques années d'interdiction de la Messe Tridentine ? Vous pouvez les inviter aux pèlerinages de Chartres, à de grands rassemblements scouts… Ils ne voient qu'une assemblée de pauvres jeunes manipulés par des vieillards d’extrême droite. Vous pouvez recueillir plus de 1 000 signatures sur une seule paroisse (comme à Versailles...) pour l'application du Motu Proprio Summorum Pontificum… Vous serez, au mieux, « pas représentatifs ». LEUR PATHOLOGIE DU MOI NECESSITE NOTRE NEGATION En leur imposant de NOUS voir, de NOUS rencontrer, nous déclenchons chez eux un mécanisme de méfiance maladive. Qui êtes-vous ? De quelle paroisse dépendez-vous ? Où allez-vous à la Messe ? Vous habitez où ? Vous appartenez à quel groupe? Qui vous envoie ? Qui vous manipule ? Cette méfiance est d'autant plus aiguë que leur fausseté de jugement nous avait "caractérisé" faussement. Ainsi, dans l'évêché de Nanterre, les fidèles qui depuis des années demandaient l'application du Motu Proprio (d'abord de 1988 puis de 2007) avaient été traités soit "d'anciens militants de l’Action Française, de Vichystes ou de Pétainistes, de nostalgiques de l’OAS à relents d'antisémitisme" soit, ailleurs, « de provocateurs » ou « de simples d’esprit ». Étonnant quand on sait que la plupart de ces demandeurs n'ont pas trente ans... Subitement confronté à des "Tradis" polymorphes, l'interlocuteur, bloqué dans ses certitudes, ne peut que refuser le dialogue. Nous n'existions pas, voilà que nous sommes différents de ce que nous devrions être ! "Vous êtes des Trotskystes" déclarait voici plus d'un an un jeune curé de Boulogne peu désireux d’entrer en dialogue avec ceux qui n’existaient pas ! Comment peuvent-ils comprendre qui nous sommes quand, autorisant "à titre testuel" une Messe, ils voient une assemblée jeune, socialement représentative de l'environnement, culturellement mélangée ? Ils nous voulaient sectaires, ils découvrent des familles issues de leur paroisse qui viennent leur demander l'application du Motu Proprio. Ils nous imaginaient introvertis, ils voient des assemblées conviviales qui ne refusent pas de boire un kir après la Messe. Ils nous croyaient "hors du monde", ils font face à des gens responsables et dont certains sont emblématiques de leur métier. Ils croyaient aussi, peut-être, que nos femmes, nos filles, nos sœurs portaient le voile ? La confrontation à la réalité conduit nos interlocuteurs à pallier leur inadaptation sociale par une attitude réactionnaire : "Comprenez que l'Eglise n'est pas une démocratie" ; "ce n'est pas parce que vous souhaitez me rencontrer, que je suis obligé de vous recevoir" ; "je suis le Curé, je suis seul à décider" ; "depuis quand les fidèles décident ?" Cette attitude réactionnaire présente l'avantage de la confrontation à la réalité. Pour agressante qu'elle soit, cette phase est nécessaire à la reprise du contact avec le réel. Nous pouvons observer des décisions mettant en évidence une perte du contact avec la réalité. Tel, voici un an, l'arrêt de "l'expérience" de Sainte-Marie-de-Fontenelles à Nanterre ; des lieus de cultes, chichement accordés ces derniers mois, vont être suspendus comme à Saint Pierre de Montrouge "afin de permettre une analyse de la situation et de prendre les décisions qui en découleront". Ces attitudes sont d'un autre temps et disqualifient les néo-cléricalistes qui en usent. Que faire ? Continuer à se faire connaître, en famille, individuellement, en groupe constitué. Ne pas les abandonner à leur malaise existentiel. Oublier leur colère, leur sursaut d'autorité, leurs erreurs de jugement passées et les conduire à nous aimer dans notre diversité pour réapprendre à vivre ensemble. Ne pas oublier que pour nous, tout est plus facile. Nous avons vécu depuis des années dans un bi-ritualisme PAS EUX. Nous assistons parfois, dans nos familles ou durant les vacances, au rite ordinaire, la réciproque n'était PAS VRAIE POUR EUX. Nous sommes demandeurs d'unité dans la diversité PAS EUX. Nous les connaissons, nous connaissons nos paroisses, ils ne nous connaissent pas... Pour eux, l'accueil des différences, l'enrichissement mutuel va devoir passer de la théorie... à la réalité bien matérielle. Bien sûr, ils devraient le faire, gageons que cela leur est le plus souvent impossible ! Les rares cas où le dialogue s’instaure rend notre réflexion plus cruelle encore, lorsque nous voyons un homme cultivé et intelligent ne pas parvenir à sortir du carcan des modèles construits, ne pas être capable, ou très difficilement, de saisir le réel… Mais que cela ne nous freine pas : des rencontres providentielles avec des hommes brillants qui se situaient aux antipodes de nous, ont montré que rien n’est impossible ! Ceux qui ont participé aux premiers colloques du C.I.E.L. et ont eu le privilège de dialoguer avec le père Gy peuvent en témoigner : lorsque la bonté et la charité sont au rendez-vous, le dialogue est non seulement possible mais fécond… D’autres rares exemples le confirment. Ainsi, avec la prière, il n’y a pas d’autre issue pratique pour sortir de cet enfermement. Henriette Oulès Membre du bureau du Mouvement pour la Paix liturgique et la Réconciliation dans l’Église. |
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