Rome: Le Vatican entend réaffirmer le besoin de discipline liturgique Le pape veut mettre fin aux "abus, assure Mgr Malcom Ranjith Rome, 13 juillet 2006 (Apic) Le pape Benoît XVI va mettre fin aux "abus" dans la célébration de la messe et faire cesser "les affrontements" avec les partisans de la messe en latin, a déclaré jeudi un responsable du Vatican à l'agence I.Media, partenaire de l'Apic à Rome. Selon l'évêque sri-lankais Albert Malcom Ranjith Patabendige Don, nouveau secrétaire de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le pape va "prendre des mesures" car la liturgie de l'Eglise catholique serait trop souvent "un signe de scandale". Mgr Albert Malcom Ranjith Patabendige Don, secrétaire de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, entend rappeler l’importance de la discipline en matière de célébration liturgique. Selon le prélat Sri Lankais, Benoît XVI “va prendre des mesures“ pour indiquer avec quel sérieux il convient de célébrer a expliqué le prélat à son retour du Ghana où il a participé à un congrès consacré à la promotion liturgique en Afrique et à Madagascar. Q.: Vous avez récemment affirmé dans le quotidien catholique français La Croix que la réforme liturgique du Concile Vatican II n’avait “jamais décollé“. Ces mots ont surpris de nombreuses personnes… R.: Je suis surpris, car je ne l’ai pas dit ainsi et ce n’est pas vrai. Je voulais dire que la réforme conciliaire - avec le renouveau spirituel attendu, avec les catéchèses profondes qui devaient relancer l’Eglise face au contexte séculariste - avait donné des résultats qui ne sont pas si positifs que cela. La réforme a bien décollé. Ainsi, l’utilisation de la langue vernaculaire est une chose positive, car tout le monde peut comprendre ce qui se passe à l’autel ou lors des lectures. De même, pour le sens de communion qui s’est développé. Mais ces éléments ont parfois été un peu trop accentués en abandonnant certains aspects positifs de la tradition de l’Eglise. Le cardinal Ratzinger lui-même, dans la préface du livre Tournés vers le Seigneur - l’orientation de la prière liturgique du père Uwe Michael Lang, a rappelé que l’abandon du latin et l’orientation du célébrant vers le peuple ne faisaient pas partie des conclusions du Concile.
Q.: Pour certains, qui ont fidèlement suivi le Concile, vos propos surprennent… R.: Il ne s’agit pas d’abandonner le Concile, car il a déjà beaucoup influencé l’Eglise, comme dans son ouverture au monde. Mais, dans le même temps, il aurait fallu approfondir ce que nous possédions déjà. Il aurait fallu, comme dit le Concile, un changement ‘organique', sans brusquerie, sans abandonner le passé. L’Encyclique Ecclesia de Eucharistia de Jean Paul II (publiée en avril 2003, ndlr), et l’Instruction Redemptoris Sacramentum (avril 2004) qu’il avait demandée à la Congrégation, indiquent bien que quelque chose n’allait pas. Le pape parlait alors avec une certaine amertume de ce qui se passait. Ainsi, on ne peut pas dire que tout s’est bien passé, mais on ne peut pas dire non plus que tout s’est mal passé. Les réformes du Concile, par la façon dont elles ont été traduites et mises en place, n’ont pas porté les fruits espérés.
Q.: Concrètement, que faut-il faire? R.: Il y a deux extrêmes à éviter: permettre à chaque prêtre ou évêque de faire ce qu’il veut, ce qui crée la confusion, ou, au contraire, abandonner complètement une vision adaptée au contexte moderne et s’enfermer dans le passé. Aujourd’hui, ces deux extrêmes continuent de croître. Quel est le juste milieu ?… Il convient de réfléchir un moment, de célébrer sérieusement et d’améliorer ce que nous faisons actuellement.
Q.: Doit-on attendre un document pontifical ou de votre Congrégation à ce sujet ? R.: Dans son livre L’esprit de la liturgie (publié en allemand en 2000, puis en français en 2001, ndlr), le cardinal Ratzinger avait présenté un cadre très complet de la question. Je crois que le pape est très conscient de ce qui se passe, qu’il étudie la question et qu’il faut faire quelque chose pour aller de l’avant. Il va prendre des mesures pour nous indiquer avec quel sérieux nous devons célébrer la liturgie. Il a la responsabilité que la liturgie devienne un signe d’édification de la foi et non un signe de scandale. Car, si la liturgie n’est pas capable de changer les chrétiens et de les faire devenir des témoins héroïques de l’Evangile, alors elle ne réalise pas sont but véritable. Celui qui a participé à la messe doit sortir de l’église convaincu que son engagement social, moral, politique et économique, est un engagement chrétien.
Q.: Les abus liturgiques sont-ils réellement si nombreux ? R.: Chaque jour, nous recevons tellement de lettres, signées, où les gens se lamentent des nombreux abus : des prêtres qui font ce qu’ils veulent, des évêques qui ferment les yeux ou, même, justifient ce que font leurs prêtres au nom du ‘renouveau’… Nous ne pouvons pas nous taire. Il est de notre responsabilité d’être vigilants. Car, à la fin, les gens vont assister à la messe tridentine et nos églises se vident. La messe tridentine n’appartient pas aux Lefebvristes. C’est le moment de cesser les affrontements et de voir si nous avons été fidèles aux instructions de la Constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium . C’est pourquoi il faut de la discipline pour ce que nous faisons sur l’autel. Les règles sont bien indiquées dans le Missel romain et les documents de l’Eglise.
Q.: Vous rentrez à peine de Kumasi, au Ghana, où vous avez dirigé les travaux du congrès organisé par votre congrégation sur la promotion liturgique en Afrique et à Madagascar. En quoi cela consistait-il ? R.: Il y avait des représentants de 23 pays africains, dont de nombreux évêques. Nous leur avons présenté le travail de la Congrégation, les mises à jour nécessaires. Nous avons aussi évoqué la façon de traduire les textes liturgiques et le besoin de reconnaissance de ces textes par la Congrégation. Nous avons consacré une journée entière à l’inculturation dans la liturgie, et nous avons aussi étudié la question de la formation liturgique des fidèles.
Q.: Quelles questions ont été particulièrement évoquées concernant l’inculturation ? R.: Nous avons surtout parlé des problèmes de langage dans les traductions liturgiques, comment y introduire les langues locales, et aussi des adaptations de la liturgie. Les évêques sont conscients, d’un côté, du danger d’arriver à un certain syncrétisme religieux et culturel, et d’un autre ils ont conscience de la nécessité absolue que la liturgie soit compréhensible par tous. Nous avons discuté de la question de l’identité universelle de la messe, des choses qui ne peuvent être changées et de celles qui peuvent l’être, des valeurs africaines du sacré, du mystère, de la famille, du respect des anciens, et de comment les introduire dans la liturgie.
Q.: Quelles recommandations sont issues de ce premier congrès continental ? R.: 25 points différents ont été approuvés par les participants au terme du congrès. L’essentiel étant de ne pas trahir la forme universelle des sacrements, surtout ses aspects ‘catholiques’. Dans le même temps, il convient de chercher à engager une inculturation plus profonde, non seulement externe mais de mentalité, de façon de voir, de façon de prier, etc. Beaucoup d’évêques ont pris connaissance de nombreux points de la liturgie de l’Eglise qu’ils ignoraient auparavant. Cette rencontre, d’un côté, a donc permis à la Congrégation d’écouter les évêques, de connaître leurs difficultés, et, de l’autre côté, elle a aidé les évêques à comprendre les nécessités universelles de la liturgie.
Q.: Vous attendez désormais des textes provenant de pays africains pour les reconnaître ? R.: Oui, car beaucoup d’évêques ignoraient qu’il fallait que leurs textes soient reconnus par la Congrégation. Ils continuaient en effet d’utiliser des textes rédigés sans aval de Rome. Il est bien possible que cette situation existe sur d’autres continents.
(Propos recueillis à Rome par Antoine-Marie Izoard/apic/ami/pr) 13.07.2006 - Apic |