Un nouveau Secrétaire d’Etat du Vatican Le cardinal Tarcisio Bertone |
Abbé Barthe / Olivier Figieras - Présent - 24 juin 2006 |
Un nouveau Secrétaire d’Etat du Vatican Le cardinal Tarcisio Bertone L’abbé Claude Barthe* répond aux questions de “Présent” Benoît XVI a nommé jeudi le cardinal Tarcisio Bertone, actuel archevêque de Gênes, et l’un de ses plus proches collaborateurs à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, comme successeur du cardinal Sodano, démissionnaire, à la tête de la Secrétairerie d’Etat. Le Pape a également nommé son actuel ministre des Affaires étrangères, Mgr Giovanni Lajolo, au gouvernement de la Cité du Vatican, où il succédera au cardinal américain Szoka. Nous avons demandé à M. l’abbé Barthe, qui connaît le cardinal Bertone, qui était le nouveau Secrétaire d’Etat. — Qui est le cardinal Bertone ? — Le cardinal Tarcisio Bertone est un Italien du Nord, du diocèse d’Ivrea, près de Turin, cinquième enfant d’une famille qui en compte huit. C’est un homme de 71 ans, sérieux mais plein d’humour, d’une forte stature physique et de grande capacité intellectuelle. Religieux salésien (Don Bosco), ordonné en 1960, il a étudié à Turin, avant d’enseigner à l’Université salésienne de Rome (dont il est devenu « Recteur magnifique »), tant la morale que le droit de l’Eglise. C’est donc tout à la fois un canoniste et un moraliste, spécialiste de droit public ecclésiastique, qui connaît bien le domaine de la liberté religieuse. Sa dissertation de licence avait d’ailleurs pour thème : Tolérance et liberté religieuse. — C’est un proche du cardinal Ratzinger ? — C’est un des plus proches, sinon le plus proche parmi les hauts personnages ecclésiastiques. Quand a-t-il été remarqué par le Cardinal, qui avait les yeux toujours fixés sur le personnel professoral romain ? Je ne saurais dire. Il s’occupait déjà de la rédaction du Nouveau directoire œcuménique de 1993. Et même avant, en 1988, il faisait partie du groupe qui assistait le cardinal Ratzinger dans la tentative de réconciliation avec Mgr Lefebvre. Il est devenu secrétaire de la Congrégation de la foi (le secrétaire est le second personnage d’une Congrégation, après le préfet) de 1995 à 2002. C’est l’époque de la déclaration Dominus Iesus sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise (6 août 2000). Il a notamment suivi plusieurs dossiers français très inquiétants. Il « collait » parfaitement à la ligne Ratzinger, étant en outre de formation théologique plus classique. C’est pour cela qu’il est aujourd’hui choisi pour remplacer le cardinal Sodano à ce poste de « Premier ministre ». Au début du pontificat, la rumeur le voyait à la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il semble qu’il ait refusé ce poste. Mais, depuis l’élection de Benoît XVI, il n’a cessé de faire des allées et venues entre Gênes et Rome. Il est consulté constamment. — Plutôt connu à la Curie comme un homme de doctrine, le voici à la Secrétairerie d’Etat… — Oui ! et c’est très intéressant, car cela confirme que Benoît XVI veut redonner à la doctrine la première place dans le gouvernement de l’Eglise. Il faut se rappeler que, jusqu’à Paul VI, le Saint-Office (devenu ensuite Congrégation de la doctrine de la foi) était dit la Suprême (congrégation) : c’était le premier de tous les dicastères du Saint- Siège. Le préfet du Saint-Office était d’ailleurs le Pape lui-même. La Congrégation avait donc une indépendance certaine. Un des effets de Vatican II a été de réduire cette puissance. Le Secrétaire d’Etat a certes, toujours eu une très grande importance, celle d’un Premier ministre qui coordonne les autres et qui s’occupe de toutes les affaires de poids. Mais depuis Paul VI, celui-ci avait acquis encore plus d’importance. On dit que Benoît XVI veut rendre à la Congrégation pour la doctrine de la foi sa suprématie. Mais déjà, en prenant pour premier collaborateur celui qui l’a secondé au palais du Saint-Office, le Pape donne un signe d’un rééquilibrage en ce sens. — En effet, la Secrétairerie d’Etat n’était pas connue jusqu’ici comme très proche du cardinal Ratzinger. — Jusqu’à présent, non. Le cardinal Sodano, dans les temps qui ont précédé le dernier conclave n’était certes pas un « ratzinguérien ». Mais les choses changent très vite. Aujourd’hui, les membres de la Secrétairerie connus pour leur sympathie à l’égard de celui qui était le cardinal Ratzinger n’ont plus à se garder prudemment. Et le nouveau Secrétaire d’Etat a la capacité de se donner rapidement les coudées franches. — Le cardinal Bertone a été en relations suivies avec sœur Lucie, à Fatima. Mais nos milieux le connaissent peu. — Le monde traditionnel d’une manière générale ne le connaît pas ; c’est dommage, car c’est un personnage intéressant. Il faut ainsi savoir qu’il a célébré récemment, et pontificalement, la messe de saint Pie V. Sur les questions liturgiques, je pense qu’il est en parfaite syntonie avec Benoît XVI. — Et en ce qui concerne les relations avec les religions non chrétiennes et l’œcuménisme ? — Il est extrêmement sensible comme Benoît XVI, et comme le cardinal Ruini, autre « ratzinguérien » de poids, au danger de l’islamisme, et à celui du terrorisme. Quant à l’œcuménisme proprement dit, il s’est notamment beaucoup intéressé, quand il était à la Congrégation pour la doctrine de la foi, à la question anglicane. Sur ce sujet, sa position est fermement traditionnelle : il n’est pas question de reconnaître la validité des ordres anglicans. — Que peut-on donc espérer de cette nomination ? — Tout simplement que l’ensemble de la Curie soit davantage dans la ligne du Pape, à commencer par la Secrétairerie d’Etat, ce qui n’était pas acquis au premier abord. Au reste, les manœuvres d’opposition et de sape vont continuer, s’amplifier peut-être. D’autres nominations vont suivre. La rumeur actuelle veut que Mgr Baldelli, l’actuel nonce à Paris soit nommé à la place de Mgr Lajolo (aux relations avec les Etats), ou à celle de Mgr Sandri comme substitut à la Secrétairerie d’Etat. Le premier vient de recevoir une nouvelle nomination… Il se dit aussi que Mgr Comastri, actuel vicaire général de la Cité du Vatican, serait nommé pour remplacer le cardinal Castrillon Hoyos à la tête de la Congrégation pour le clergé. Le départ de Joaquín Navarro Valls, directeur de la Salle de presse est imminent : tout porte à croire que l’ensemble du système de communication du Saint-Siège : radio, TV, salle de presse, Osservatore Romano, va être « resserré ». Pour en revenir au cardinal Bertone, c’est un personnage qui, compte tenu de ses capacités et de la confiance que lui porte Benoît XVI, va jouer un rôle important dans le pontificat, et compter pour l’Eglise dans les années à venir. Propos recueillis par Olivier Figueras * Auteur d’un certain nombre d’ouvrages de réflexion sur la crise actuelle de l’Eglise, l’abbé Claude Barthe vient de publier, aux Editions François-Xavier de Guibert (www.fxdeguibert.com), une nouvelle édition de son Trouvera-t-il encore la foi sur la terre ?, dans laquelle il prolonge son étude jusqu’aux nouveaux développements mis en place par Benoît XVI dans la perspective d’une réforme de la réforme. |
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