Après avoir reçu Mgr Fellay, le supérieur de la Fraternité St Pie X, le19 août 2005 dans sa résidence d’été de Castelgandolfo, après avoir le 22décembre 2005 « relativisé » la tradition du concile Vatican II enlui contestant sa qualité d’ « aggiornamento » et de « tournant »comme l’avait qualifié à l’époque le pape Jean XXIII, à l’initiativede sa convocation, il y a juste 50 ans, Benoît XVI avait convoqué le 13 février2006 une réunion des cardinaux responsables des différents « dicastères »(ministères) du Vatican, afin de réfléchir sur la manière d’aborder laquestion du schisme intégriste lefebvriste (voir Golias n°106).
Au cours de cette réunion au sommet, Benoît XVI avait largement invoqué laquestion de l’évolution des relations du St Siège avec la Fraternité St PieX. Et d’envisager, déjà, la possibilité de retirer l’excommunication desévêques lefebvristes. Rappelons pour mémoire les écrits de l’alorscardinal Ratzinger en 1985 : « Nous devons tout tenter en vue d’uneréconciliation autant qu’il est possible et, pour cela, profiter de toutesles occasions » avait-il affirmé, dans son livre « Entretiens surla Foi », en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de lafoi, à propos justement du mouvement Lefebvriste qui devait devenirschismatique trois ans plus tard. Le cardinal Ratzinger avait cependant déclaréqu’il ne voyait « aucun avenir pour une position de refus fondamental àl’égard de Vatican II , en soi illogique ». Une vision des choses quitransparaît parfaitement dans le protocole d’accord du 5 mai 1988 entre leSaint-Siège et la Fraternité, protocole rédigé par … le cardinal Ratzingeret que nous publions ci-contre.
Rappelons aussi que Mgr Lefebvre rompra au dernier moment les négociationset ne signera pas ce document. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts de laRome pontificale. A l’automne 2006, le pape Ratzinger-Benoît XVI offre autransfuge de l’intégrisme lefebvriste – l’abbé Laguérie - un statut surmesure avec son Institut (sacerdotal) du Bon Pasteur. En passant outre l’avisdes évêques de France.
En juillet 2007, le pape publie son « Motu proprio » (décisionpersonnelle) « libéralisant » la messe en latin qui, au passage,n’avait jamais cessé d’être célébrée.
En juin 2008, par l’intermédiaire du cardinal Castrillon Hoyos, en chargede la Commission « Ecclesia Dei » qui gère les relations avec lestraditionalistes, Benoît XVI pose cinq conditions aux responsables lefebvristespour une réintégration dans la giron de l’Eglise. Or, pour « ménager »ses interlocuteurs, dans les cinq points énoncés, l’adhésion du concileVatican II n’est pas explicitement demandée. Sont exigés le fait « d’évitertoute intervention publique qui ne respecte pas la personne du Saint Père etqui serait négative pour la charité ecclésiale et aussi « d’éviterla prétention d’un magistère supérieur au St Père et ne pas proposer laFraternité un magistère parallèle de l’Eglise ».
Nous insistons sur ce point capital, il n’était donc pas explicitementdemandé aux évêques intégristes de reconnaître le dernier concile et lavalidité de la messe selon le rite désormais ordinaire de l’Eglise.
Rome avait alors présenté ce geste comme une proposition de « retourdans la communion ». Les Lefebvristes refuseront cette « main tendue ».Le Vatican avait fait l’erreur de faire ses propositions à l’occasion du 20èmeanniversaire du schisme. Il n’était pas question alors pour la Fraternité StPie X d’accepter un tel accord en fidélité à la mémoire de Mgr Lefebvre.
Les ponts n’étaient toutefois pas coupés. Ainsi, les négociationsreprirent et au début de l’automne 2008, Mgr Fellay , le patron de laFraternité, demandait à ses fidèles de réciter 1 million de chapeletsjusqu’à Noël pour le soutenir dans ses efforts.
Le 13 novembre 2008 dans Golias Hebdo n°54, nous annoncions que la levéedes excommunications des évêques intégristes était imminente. C’étaitchose faite le 21 janvier 2009 par le décret signé par le pape et le cardinalRe, préfet de la congrégation pour les évêques, Un décret que ce prélatsignera à contre cœur et qui lui vaudra prochainement son « déplacement »…
Or, force est de constater que dans ce document du 21 janvier levantl’excommunication , les termes à partir desquels le cardinal Ratzinger -patron de l’orthodoxie romaine sous Jean Paul II envisageait, en 1985 et 1988,un accord avec les Lefebvristes ; ces termes donc ont complètementdisparu. Seul en effet, est demandé aux évêque intégristes le fait dereconnaître la primauté du siège de Pierre.
Quant aux questions théologiques et doctrinales de fond, elles sont reléguéesaux accessoires liturgiques sous formes de futurs « entretiens » ;entretiens sur lesquels pèse le flou le plus complet. Aucune repentance des évêquesintégristes, aucune parole pour les insultes et les procès en inquisitionqu’ils n’ont eu cesse de faire contre les prêtres, les évêques et les laïcsqui ont donné leur vie pour mettre en œuvre les réformes de Vatican II. Aucontraire, une posture arrogante et hautaine, comme le laisse transpirer lecommuniqué de Mgr Fellay du 24 janvier, communiqué où il dira ce qu’il fautentendre par la vraie foi catholique.
En inscrivant un schisme au cœur de l’Eglise catholique, le pape BenoîtXVI a pris une lourde responsabilité : celle de vouloir régler un schismeintégriste tout en provoquant un autre.
Celui-là ne se mettra pas en scène, ne pratiquera pas le lobby incroyableque les intégristes n’ont eu de cesse de mener au près du Vatican depuis 20ans pour arriver à leur fin. Ce schisme rampant sera celui des membres duPeuple de Dieu, qui, en partant sur la pointe des pieds, sans bruit, sans éclats,videront une dernière fois l’Eglise de sa substance la plus évangélique etla plus missionnaire, ne se reconnaissent plus dans une Ecclesia qui pour« sauver » moins de 100.000 personnes d’un schisme intégriste enperdra dans les mois prochains 10 fois à 20 fois plus…
Cette décision constitue un point de non retour dans la confiance quecertains gardaient encore dans les responsables de l’Eglise. En ce sens BenoîtXVI en cédant aux pressions des intégristes, engage désormais l’Eglisecatholique sur une voie de division. En effet, la volonté du pape de favoriserl’unité au sein de l’Eglise catholique, que l’on peut considérer légitimeen soi, s’appuie sur des bases tellement faussées qu’elles ne peuvent queprovoquer de nouvelles déchirures : déchirures beaucoup plus grandes et béantesque celles qu’il veut justement réparer. En l’espèce, la décision du papede lever l’excommunication des Lefebvristes est d’abord une victoireposthume de Mgr Lefebvre. |