26 janvier 2009





Excommunication levée pour Ecône
26 janvier 2009 - Vincent Pellegrini - lenouvelliste.ch
VATICAN Le pape Benoît XVI a levé l'excommunication qui pesait sur les évêques consacrés par Mgr Lefebvre en 1988.
C'est un énorme coup de théâtre dans les relations entre Rome et Ecône: Benoît XVI vient de faire lever les excommunications qui pesaient sur les quatre évêques consacrés en 1988 par Mgr Marcel Lefebvre. Sont ainsi libérés des foudres de Rome le Valaisan Bernard Fellay (51 ans), le Français Bernard Tissier de Mallerais (64 ans), l'Argentin Alfonso de Galarreta (52 ans) et l'Anglais Richard Williamson (69 ans). Tous quatre font partie de la Fraternité Saint Pie X. Personne ne s'attendait à ce geste de magnanimité papale et la nouvelle balancée discrètement sur l'internet par deux vaticanistes a pris tout le monde de court. Elle n'a été rendue publique que samedi alors que le décret était signé depuis plusieurs jours. On a bien cru un moment que sa publication serait différée à cause des propos négationnistes de Mgr Williamson. Ils ont provoqué un tir de barrage planétaire de la communauté juive et ont obligé la Fraternité Saint Pie X à prendre ses distances d'avec les propos de Mgr Williamson. Mais cette polémique est intervenue après la signature de la levée de l'excommunication, laquelle ciblait exclusivement des consécrations schismatiques d'évêques et ne signifiait pas réintégration puisque d'autres sanctions canoniques pèsent toujours sur les évêques et prêtres d'Ecône tant qu'un accord global ne sera pas passé.

Benoît XVI tenace

Il faut admettre en cette affaire que le pape Benoît XVI est tenace. Depuis vingt ans, il cherche en effet à ramener dans le giron de l'Eglise officielle les brebis égarées de la nébuleuse traditionaliste. En 1988, alors qu'il était encore cardinal préfet de la Congrégation de la foi, il avait réussi le tour de force de faire signer à Mgr Lefebvre un accord dans lequel le prélat dissident admettait accepter le Concile Vatican II «interprété à la lumière de la Tradition». La réintégration des traditionalistes avait cependant finalement échoué par absence d'accord sur le nom et sur la date de consécration du successeur de Mgr Lefebvre. Vingt ans plus tard, Benoît XVI essaie de réitérer le même «coup». Lui, le pape de la «réforme de la réforme», espère amadouer les jusqu'au-boutistes de la contre-réforme catholique contemporaine. Il faut bien le reconnaître, c'est Benoît XVI qui a fait jusqu'ici toutes les concessions de manière unilatérale. Ce que les évêques suisses qualifient de main tendue est sans doute la dernière perche de salut que le pape tend aux traditionalistes qui n'ont fait jusqu'ici aucune concession sérieuse. C'est pourtant une lettre de Mgr Bernard Fellay (supérieur de la Fraternité Saint Pie X) qui a fait en décembre dernier office de repentance et provoqué le geste du pape. Le prélat traditionaliste y réitérait son attachement au magistère et à la primauté du pape. C'est tout ce que l'on sait.

Le temps des discussions

La levée des excommunications a été saluée de manière contrastée dans le monde catholique. Le courant plus progressiste y a vu un grave retour en arrière. Il est vrai que l'acte pontifical est symbolique d'une volonté de faire cesser la querelle des anciens et des modernes sans donner raison ni aux uns ni aux autres. Peut-être pour dépasser tout cela. La Conférence des évêques suisses, par Mgr Kurt Koch, «espère une réconciliation». En fait, cette levée d'excommunication ne fait qu'ouvrir des discussions pour un éventuel accord de réintégration d'Ecône dans l'Eglise officielle.
Or, Ecône reconnaît la validité de la nouvelle messe mais pas sa licéité et comme l'a redit ce week-end Mgr Bernard Fellay émet des «réserves» sur le Concile Vatican II.
Le consensus théologique sera semble-t-il difficile à trouver si les deux camps ne se limitent pas aux formules basiques du credo. C'est en tout cas le tout début d'un chemin qui ne débouchera donc pas forcément sur une réconciliation. D'autant plus que durs (par exemple Mgr Williamson) et moins durs (par exemple Mgr Fellay) ne font pas toujours chorus dans le mouvement traditionaliste. Après les incroyables concessions de Benoît XVI, Ecône devra cependant choisir une fois pour toutes s'il veut ou non une place dans l'Eglise.