À l'instar d'une partie de l'Église catholique allemande, la chancelière a critiqué l'attitude de Benoît XVI concernant la levée d'excommunication d'un évêque négationniste. L'intervention, très inhabituelle, de la chancelière marque l'ampleur de la consternation suscitée outre-Rhin par la décision de Benoît XVI de réintégrer un évêque négationniste. Mardi, Angela Merkel a réclamé des «clarifications» au Souverain Pontife, né en Bavière et dont l'élection à la tête du Saint-Siège, en avril 2005, avait fait la fierté de tous les Allemands. Elle faisait ainsi écho à la fronde de plusieurs responsables de l'Église catholique allemande, qui ont critiqué la décision de Benoît XVI.
«Il faut que, de la part du pape et du Vatican, il soit clairement établi qu'il ne peut y avoir de négation de l'Holocauste, a déclaré Merkel. Si l'attitude du Vatican peut donner l'impression que l'Holocauste peut être nié, alors il s'agit de questions fondamentales concernant la relation avec le judaïsme.» C'est la première fois qu'un chancelier allemand critique ouvertement un souverain pontife. Merkel a souligné qu'«en règle générale» elle n'avait pas à commenter les décisions de l'Église catholique romaine. Cependant, elle dit avoir jugé «insuffisante» la clarification du Pape. Après le tollé déclenché par les propos de Mgr Richard Williamson, l'un des quatre évêques intégristes de la Fraternité Saint-Pie-X dont l'excommunication a été levée par Benoît XVI, le Pape a exprimé sa « solidarité » avec les juifs et condamné la négation de la Shoah. Williamson avait nié l'existence des chambres à gaz. L'onde de choc provoquée par ces propos a été particulièrement forte en Allemagne, que la honte du régime nazi a vacciné conte l'antisémitisme et l'intolérance en général.
«S'il veut rendre un service à l'Église, il devrait se retirer»
Benoît XVI a semé la discorde chez les catholiques allemands, très affectés par la réaction des institutions représentatives juives, qui ont décidé de rompre le dialogue avec l'Église. La conférence des évêques allemands continue de soutenir le Pape. Cependant, Mgr Hans-Jochen Jaschke, évêque de Hambourg, juge qu'« une faute a été commise en son nom». Il recommande de «limiter les dégâts en stoppant le processus de réintégration» des évêques excommuniés. «La réhabilitation d'un négationniste est une mauvaise décision. Cela entraîne une perte de confiance dans le pape», déplore l'archevêque de Hambourg, Mgr Werner Thissen. Le cardinal Karl Lehman, ancien chef de la Conférence des évêques allemands, estime que «le Pape a tendu les deux mains à une organisation extrémiste. Williamson a frappé le Pape au visage. »
Le très réputé théologien de Tübingen, Hermann Häring, est allé jusqu'à réclamer la démission de Benoît XVI. «Si ce pape veut rendre un service à l'Église, il devrait se retirer, tranche Häring. Il n'y aurait pas de honte : les évêques doivent quitter leurs fonctions à 75 ans et les cardinaux perdent tous leurs droits à 80 ans. Il n'y a aucune raison pour que le Pape (Benoît XVI est âgé de 81 ans, NDLR) ne se plie pas à cette très sage règle.»
Célébré par toute l'Allemagne après son élection, le Pape n'a plus la cote. Dans une Une restée célèbre, le quotidien populaire Bild, le plus lu du pays, s'était enthousiasmé en titrant : «Nous sommes pape !» Lundi, le quotidien contestataire Tageszeitung titrait : «Nous sommes pathétiques !» Le prestigieux hebdomadaire Der Spiegel consacre son dernier numéro au très dogmatique Joseph Ratzinger, sous le titre «Celui qui plane», et tente d'analyser pourquoi «un pape allemand fait du mal à l'Église catholique».
La presse lui reproche d'avoir ramené l'Église catholique en arrière au lieu de la faire entrer dans le XXIe siècle. «Avec son parcours antimoderne, Benoît a déjà heurté les musulmans, les protestants, les juifs et les homosexuels, écrit la Westdeutsche Zeitung.Maintenant, il sème le trouble dans sa propre Église. Les évêques, les prêtres et les paroissiens souhaitent une foi tolérante et ouverte sur le monde.» |