6 février 2009





Le “cardinal” Neyrinck à la Radio Suisse Romande, une arme de destruction massive contre le pape
6 février 2009 - Vincent Pellegrini - lenouvelliste.ch
Mon métier m’oblige à écouter attentivement la radio le matin. Mais ce matin, j’ai très mal commencé la journée. Comme chaque jour depuis le 24 janvier, la radio Suisse Romande parlait du pape et de l’affaire que vous savez. Et elle disait comme tous les jours en substance la même chose. Aujourd’hui donc, l’invité du “journal du matin” n’était autre que le conseiller national démocrate-chrétien Jacques Neyrinck qui se définit lui-même comme un laïc catholique croyant pratiquant, tandis que les journalistes ajoutent pudiquement “et “critique”. Rappelons que M. Neyrinck a écrit et joué une pièce de théâtre - habillé en prélat (Le manuscrit du Saint-Sépulcre) - qui a tourné dans les paroisses, ce qui lui a donné encore plus d’assurance pour prêcher ex-cathedra dans les médias, même en civil (je ne lui en veux pas, car j’ai tendance à avoir le même défaut). Reste que j’ai rarement entendu comme ce matin à la radio un tel lynchage verbal du pape (si vous ne me croyez pas allez sur www.rsr.ch puis la 1ère, réécouter, journal du matin, détails, l’invité du journal). Même Terras, le red en chef de Golias, ne fait pas forcément plus de dégâts au catholicisme quand il en parle aux médias. Une chose est sûre, avec de tels catholiques, le catholicisme n’a plus besoin d’ennemis idéologiques. Même les athées anticléricaux peuvent abandonner le front. Bref, la conclusion de l’émission était que la tête de l’Eglise était malade. Et le sommet paroxystique de cette même émission a été atteint lorsque les journalistes, prenant des accents jubilatoires, ont salué en Jacques Neyrinck le genre d’homme avec qui, en s’y mettant tous, l’on réussira à organiser la contre-attaque contre ce pape rétrograde. Un Jacques Neyrinck visiblement en forme qui a même réussi à dire que la suite logique de Vatican II aurait dû porter à la papauté Hans Küng. Bref, j’étais déprimé et je me suis juré de faire la grève de la Radio Suisse Romande ce week-end. J’ai besoin de retrouver la sérénité dans la prière et la méditation (au besoin sur un champ de neige). Et je décerne au passage un bonnet d’âne aux paroisses catholiques du Val de Bagnes qui ont eu l’idée lumineuse, avec l’UNIPOP, d’inviter Jacques Neyrinck à faire le 28 janvier une conférence sur la politique et la religion. Moi, quand je vois cela, j’ai l’envie de fermer ce blog car manifestement il ne sert à rien. Neyrinck est plus fort que moi.
Voilà pour le coup de gueule. Et maintenant l’analyse. La levée des excommunications d’évêques traditionalistes par Benoît XVI – qui n’est pas encore une réhabilitation – a provoqué un climat totalement irrationnel autour de Benoît XVI. On demande au pape de faire de la communication en temps réel comme s’il était un politicien ou un journaliste de radio. L’affaire Williamson (j’en profite au passage pour redire que je condamne ses propos négationnistes) a par ailleurs fait oublier le principal dans ce feuilleton. A savoir que Benoît XVI a fait un geste extrêmement audacieux de miséricorde. Et qu’il a fort bien joué tactiquement car les traditionalistes vont devoir se positionner. Quelle que soit leur réponse, la situation sera ensuite très claire pour tout le monde. Le pape se souvient aussi qu’une autre excommunication, en 1054 contre le patriarche de Constantinople, se traduit aujourd’hui encore par le schisme orthodoxe. Même si les congrégations traditionalistes non encore ralliées à Rome ne représentent «que» 600 000 personnes, il faut se projeter sur un temps long. Benoît XVI veut l’unité, et il va faire à l’adresse d’une fraction de quelque 400 000 Anglicans un geste aussi spectaculaire que pour Ecône. Ceux qui en Suisse et ailleurs font circuler des pétitions contre Benoît XVI oublient que ce pape n’est pas en rupture avec Jean Paul II. Au contraire puisqu’il a rédigé pour le pape polonais de nombreux documents importants. C’est aussi le cardinal Ratzinger, toujours soucieux d’œcuménisme, qui a mené le dialogue théologique ayant conduit voici dix ans à la «Déclaration commune» avec les luthériens sur la doctrine de la justification. Benoît XVI multiplie par ailleurs les contacts œcuméniques avec les orthodoxes. Il veut arriver à des résultats (l’an dernier des rapprochements ont été réussis sur la doctrine de la primauté) et il a déjà rencontré à plusieurs reprises celui qui est devenu la semaine dernière le nouveau patriarche de Moscou. Or, les orthodoxes ont notamment fait comprendre au pape qu’ils le jugeraient aussi sur sa manière de traiter les catholiques latins sensibles à la tradition liturgique (ancienne messe). Même le contestataire Hans Küng a salué l’ouverture d’esprit du pape après un tête-à-tête qui a duré exceptionnellement plusieurs heures! Alors, ne cherchons pas des crosses au pape parce qu’il cherche logiquement à restaurer l’unité intra-ecclésiale, préliminaire nécessaire à l’œcuménisme extra-ecclésial. Et enfin, je suis heurté de voir un chroniqueur associer Ecône à la rafle du Vel d’Hiv. C’est blesser inutilement des fidèles traditionalistes – souvent traités comme des pestiférés durant des décennies – qui cherchent dans leur immense majorité uniquement la tranquillité de l’ancienne liturgie. D’ailleurs, saviez-vous que le père de Mgr Lefebvre avait fait de la résistance en France durant La Seconde guerre mondiale et était mort dans un camp de concentration de Sonnenburg?
Vincent Pellegrini