La polémique qui a fait suite à la levée de l'excommunication des quatre évêques lefébvristes par Benoît XVI a été l'occasion, pour la presse spécialisée comme pour certains membres de la curie, de remettre en cause la gestion et la communication du Saint-Siège, dont la première victime serait le pape. Certains médias vont jusqu'à évoquer un désordre créé en toute connaissance de cause par des membres de la curie ou des milieux anticléricaux français. Selon l'hebdomadaire italien L'Espresso, on aurait assisté au Vatican à un «double désastre», «de gouvernement et de communication», dont Benoît XVI serait la première victime.
Le vaticaniste Sandro Magister juge «inexcusable» que le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques, et le cardinal Dario Castrillon Hoyos, président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, n'aient pas pratiqué «un examen approfondi» du profil personnel de l'évêque négationniste Mgr Richard Williamson.
Le lancement médiatique de la décision de levée des excommunications a également été «tout à fait déficient», selon Sandro Magister, pour qui le cardinal Walter Kasper, principal responsable de l'unité des chrétiens et du rapport avec les juifs au sein de la curie, aurait été «l'homme idéal pour présenter le décret». Ce dernier a pourtant affirmé qu'il avait été tenu à l'écart de la délibération.
Mais plus que quiconque, le principal responsable de cette communication «désastreuse», tout comme de la mauvaise gestion des affaires du Vatican, serait le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'Etat du Saint-Siège, selon le vaticaniste.
«Avec le cardinal Bertone, confie Sandro Magister, la curie paraît plus désorganisée qu'avant, peut-être parce qu'il ne s'y est jamais vraiment consacré pour en corriger les dysfonctionnements».
L'amateurisme de la curie
De son côté, le quotidien catholique français La Croix va plus loin dans son diagnostic de la curie, dont il souligne «la grande pauvreté de moyens» et «l'amateurisme».
Un des derniers exemples en date du manque de coordination entre les différentes instances a eu lieu lors de l'audience générale du 24 janvier 2009, rappelle alors la vaticaniste Isabelle de Gaulmyn.
«Quelques minutes avant de prononcer sa condamnation du négationnisme, écrit-elle, le pape se retrouvait à caresser un lionceau présenté par des gens du cirque, simplement parce que le passage du cirque avait été programmé par la préfecture de la Maison pontificale et le discours du pape par la secrétairerie d'Etat».
Selon le quotidien italien Il Sole 24 ore, le problème de gestion serait lié à un trop grand nombre de «chaînes» qui s'entrecroisent au Vatican, créant une certaine confusion, mais aussi au fait que, pour la première fois depuis 150 ans, ni le pape ni le secrétaire d'Etat n'aient eu de carrière diplomatique.
Le journaliste Carlo Marroni ne manque toutefois pas de noter le «détachement supérieur et certainement habile» du cardinal Bertone, actuellement en Espagne et auparavant au Mexique, alors que la tension est palpable au Vatican.
Il Sole 24 ore revient en outre sur la genèse du décret d'excommunication et rappelle que c'est le cardinal Dario Castrillon Hoyos qui en est à l'origine, même si le document porte la signature «peu enthousiaste» du cardinal Giovanni Battista Re, défini comme un reliquat de l'ère de Jean Paul II.
La presse n'est pas la seule à évoquer explicitement les problèmes actuels de la curie. Le cardinal Christoph Schönborn, président de la Conférence épiscopale autrichienne, a ainsi déclaré à la presse qu'il y avait eu «des erreurs» à la curie dans la gestion de la levée des excommunications.
Le haut prélat, grand ami de Benoît XVI, a particulièrement dénoncé la légèreté avec laquelle le cas Williamson avait été traité.
Erreurs ou complot?
Au sein même de la curie, le cardinal Walter Kasper a lui aussi reconnu «ouvertement» qu'il y avait eu des erreurs de communication et de gestion au Vatican.
Interrogé par Radio Vatican, le président du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens a expliqué que «les uns et les autres se sont trop peu entretenus» sur la question de la levée des excommunications et que «l'on n'a pas contrôlé là où des problèmes pourraient apparaître».
S'il est clair qu'une réforme en profondeur de la curie n'est pas à l'ordre du jour, Benoît XVI se retrouve aujourd'hui en «première ligne», comme le titre La Croix, que ce soit hors de la curie ou en son sein.
Ces derniers jours, l'idée d'une opposition au pontificat de Benoît XVI à l'intérieur des murs du Vatican circulait même dans la presse italienne. Il Sole 24 ore a évoqué plus spécifiquement le cas Williamson comme un possible «piège» de la part de la «vieille garde wojtylienne».
Une rumeur qui circule actuellement dans les milieux vaticanistes est même allée jusqu'à évoquer un «complot» des milieux anticléricaux contre Benoît XVI, à l'origine de la diffusion de l'interview dans laquelle Mgr Williamson évoquait les chambres à gaz, le jour même de la signature du décret. |