Patrick Rougevin-Bâville conseiller national du FRS-La Démocratie chrétienne sociale
La même fougue passionnée qui conduisit Matthieu Grimpret à déclarer publiquement sa flamme au Christ en 2000, se disant « jeune, catholique et heureux de l’être », le pousse aujourd’hui à étaler dans le Monde sa « honte d’être catholique ». Que s’est-il passé entre-temps ? Deux événements qui secouent le petit monde catholique français, encore ambivalent dans sa considération de la Tradition. On apprend le 22 janvier que le Saint-Père désire lever l’excommunication de quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre.
Le décret n’est pas encore public que paraissent “soudainement” dans les médias les propos tenus par l’un deux, niant la réalité de la Shoah. Ces propos sont intellectuellement faux, historiquement absurdes, moralement abjects, socialement scandaleux et spirituellement exécrables. Cet évêque blesse les juifs, blesse les hommes et blesse l’Église. On pourra s’interroger sur la “spontanéité” de la parution d’un tel entretien enregistré en novembre dernier. Mais le microcosme journalistique tombe dans le piège et fait l’amalgame entre ces propos et la décision du pape.
On serait en droit d’attendre alors des intellectuels qu’ils prennent du recul, dénichent les subterfuges, clarifient les enjeux. Matthieu Grimpret a-t-il tenté cet exercice ? Sa tribune laisse à penser tout le contraire. Je voudrais lui suggérer quelques réflexions.
Si j’attendais que les catholiques ne prononcent que des paroles sensées pour assumer ma foi, je pourrais patienter longtemps… On apprend au catéchisme à distinguer le contenu de la foi du comportement de ceux qui s’en réclament. Dans l’histoire de l’Église, on doit compter autant de saints que d’assassins ou d’abrutis. Cela ne retire rien au message de l’Évangile ni au fait que le Christ a choisi l’Église pour le transmettre, en sachant qu’elle serait composée de piètres pécheurs. Si Matthieu Grimpret a honte d’être catholique, j’ai honte, pour ma part, des propos tenus par l’un de mes frères dans la foi, mais je ne saurais réduire ma foi au Christ à ces abjections, ni même à une décision pontificale que je n’approuverais ou ne comprendrais pas.
Il est facile et tentant d’aboyer avec les loups, mais attention à ne pas se laisser mordre… Comment Matthieu Grimpret n’a-t-il pas vu le piège que lui tendait la rédaction de ce quotidien, aujourd’hui certainement satisfaite de montrer que même “les purs et durs” des cathos lâchent le Saint-Père ? Publier une tribune de Grimpret au vitriol sur Benoît XVI, voilà une belle aubaine quand l’on sait ce qu’a représenté ce nom dans le milieu de la nouvelle évangélisation voici quelques années !
Le Saint-Père n’est pas dans l’effet d’annonce ; il poursuit sa mission de pasteur. Benoît XVI est tout entier tourné vers un impératif du Christ : Ut unum sint. Qu’ils soient un. Non, l’unité n’est pas un “leurre”, comme l’écrit Matthieu Grimpret, elle est la vocation de l’Église. Les péchés des chrétiens sont certes un scandale. Mais les divisions des chrétiens sont peut-être plus incompréhensibles aux yeux du monde, et aux yeux de Dieu. C’est ce qui pousse Benoît XVI à adresser des signes d’unité à tous les chrétiens, qu’ils soient séparés fraîchement ou de longue date. En outre, levée de l’excommunication ne signifie ni réintégration ni acceptation de certaines positions de ces évêques et encore moins des dérapages outranciers de l’un d’eux. Depuis, Benoît XVI a d’ailleurs fermement réaffirmé sa solidarité avec le peuple juif. Mais l’intention du Saint-Père est ici que tous les chrétiens, y compris les disciples de cet évêque, rentrent au bercail et découvrent le mystère de l’Église et de sa communion dans le Christ.
Le père de l’enfant prodigue n’a pas attendu de savoir ce qui poussait son fils à revenir à la maison, ni ce qu’il avait bien pu faire pendant tout ce temps, pour lui ouvrir les bras. De même, le Christ a supplié le Père de pardonner à ses bourreaux… Pourquoi aurait-il agi ainsi, si ce n’était par volonté pressante de leur ouvrir le cœur et de les sauver ? Seule la miséricorde rend compte d’une telle attitude, folie aux yeux des hommes. C’est sur ce registre que nous devrions recevoir l’invitation du Saint-Père, plutôt que d’engager des polémiques stériles.
Le geste de Benoît XVI, posé en pleine semaine de l’unité des chrétiens, est celui d’un pasteur libre face aux critiques, de la liberté d’un homme qui sait distinguer l’appel divin des jacasseries humaines. À force d’entendre un discours essentiellement sociologique sur l’Église, les chrétiens auraient-ils oublié qu’elle est aussi, et d’abord, une réalité spirituelle ? Oui, l’Église a sans aucun doute des progrès à faire en termes de communication. Il n’en demeure pas moins que, pour elle, la miséricorde et la communion passeront toujours avant le marketing. |