Allez, je prends le risque. Celui de décevoir, voire de surprendre certains lecteurs qui pensent savoir à l’avance ce qu’on va écrire. Celui de choquer, peut-être, des esprits pourtant déjà assez blessés comme ça. Mon but, en prenant la plume dans le cadre de ce blog, n’est cependant pas de lancer un coup de pied gratuit dans une fourmilière décidément bien agitée. Il est de faire valoir un point de vue (je veux dire : plus qu’une opinion, un point particulier à partir duquel une situation mérite AUSSI d’être considérée) qui me semble y avoir été jusqu’ici trop peu pris en compte.
Ce point de vue est, tout “simplement” (!), celui de l’unité de l’Eglise. Et je veux m’y situer en militant obstiné du mouvement oecuménique. Disons-le de manière brutale : comment peut-on - comment puis-je moi-même ? - désirer de tout son coeur et soutenir de toutes ses forces la fin de la séparation entre catholiques, protestants, anglicans ou orthodoxes, et en même temps souhaiter que les “lefebvristes” (pour employer un terme le moins connoté possible…) restent au loin, hors de toute communion avec Rome ? La contradiction est trop violente pour qu’on puisse s’en débarrasser si vite ou, à plus forte raison, s’en désintéresser.
Si l’on répond à cette question par le bon sens évangélique (oui, c’est effectivement pour l’unité de TOUS ses disciples que le Christ, avant de mourir, a prié), alors les difficultés commencent… Mais il faut avoir le courage de les affronter comme étant celles, non seulement que ceux “d’en face” doivent assumer, mais que nous-mêmes, les bien-pensants du dedans, devons accepter comme venant nous bousculer.
J’ai été sensible, dans les documents romains annonçant la levée des excommunications, par l’image de la fracture à réduire. A-t-on jamais vu pareille réduction pouvoir être effectuée sans douleur, non seulement pour le membre disloqué, mais pour l’ensemble du corps qui doit en quelque sorte se réajuster à lui autant que lui doit retrouver une saine articulation à ce corps dont il avait été dissocié ? Là est notre douleur actuelle, et là est sans doute aussi la souffrance d’un certain nombre de ces dissidents entendant l’appel à retrouver le giron de la mère-Eglise.
On me dira qu’ils ne méritent pas le tapis rouge que le Vatican semble dérouler pour les encourager à refranchir le seuil de l’Eglise plus de vingt ans après l’avoir désertée… On aurait espéré qu’ils reviennent à Rome comme on va à Canossa plutôt qu’en triomphateurs prétentieux. C’est aussi mon avis. Mais ces considérations, d’ordre affectif (et honorables comme telles) ne font pas le poids face l’impératif d’unité. Et cela, il faut l’accepter.
L’accepter… à n’importe quel prix ? Certes non ! Et surtout pas au prix de la vérité. La prose lefebvriste aime distinguer autorité de l’Eglise et vérité de l’Eglise. Cette dissociation les arrange : ils disent détenir la vérité et s’apprêter, en retrouvant la communion avec le pape (l’autorité suprême à laquelle, hormis quelques “sedevancantistes” extrémistes, ils ne pouvaient prétendre), à la rétablir enfin dans toute la catholicité… Mais ce distinguo est ruineux. L’Eglise en effet se considère comme assurée dans la vérité lorsqu’elle s’exprime à son plus haut niveau d’autorité : celui qu’elle atteint, comme l’énonce la plus haute Tradition, quand elle s’exprime par la voix… du concile réuni autour du pape !
Chiche, alors, que l’unité est possible sous cette autorité ! Rendez-vous, tous ensemble, à Vatican II !
Michel Kubler |