SOURCE - Jean Madiran - Présent - 2 mars 2012
Le débat avance. Quel débat ? Justement, le débat refusé. Refusé dans l’Eglise depuis quarante cinq ans ; refusé à tous ceux qui ont opposé doutes, questions, objections aux nouveautés post-conciliaires. Ce débat avance quand même. L’offertoire de la messe de Paul VI est maintenant mis en cause par une voix autorisée. Non pas quelques abus, quelques dérives, quelques excès, mais l’offertoire lui-même, dans le texte officiel de la « forme ordinaire du rite romain ».
Ce fut à Paris, le 15 janvier de cette année. L’intervenant nous vient d’Asie centrale, il est secrétaire général de la Conférence épiscopale du Kazakhstan. Heureux Kazakhstan ! Il est aussi consulteur à Rome de plusieurs dicastères, notamment de la Congrégation pour la doctrine et de la Congrégation pour le culte. Il se nomme Athanasius Schneider. Il appartient à la nouvelle génération épiscopale : il n’avait que huit ans quand Paul VI décréta sa nouvelle messe. Paix liturgique a publié la semaine dernière le texte intégral de son intervention parisienne du 15 janvier (Paix liturgique, 1 allée du Bois Gougenot, 78290 Croissy-sur-Seine.)
Parmi ce qu’il appelle les cinq plaies de la « pratique liturgique dominante actuelle », Mgr Schneider pointe « les nouvelles prières de l’offertoire » :
« Elles sont une création entièrement nouvelle, elles n’ont jamais été en usage dans l’Eglise. Elles expriment moins l’évocation du mystère du sacrifice de la Croix que celle d’un banquet rappelant les prières du repas sabbatique juif. »
Alors que, ajoute-t-il, « dans la tradition plus que millénaire de l’Eglise d’Occident et d’Orient, les prières de l’offertoire ont toujours été axées expressément sur le mystère du sacrifice de la Croix ».
Ces nouvelles prières de l’offertoire, « il serait souhaitable, propose Mgr Schneider, que le Saint-Siège les remplace par les prières correspondantes de la forme extraordinaire ».
Les quatre autres « plaies du corps mystique liturgique du Christ » qu’énumère Mgr Schneider ne sont pas forcément, ne sont pas explicitement imposées par le texte lui-même de la messe promulguée par Paul VI en 1969, aujourd’hui appelée « forme ordinaire du rite romain ». Ce sont :
— la plus visible : le visage du prêtre tourné vers les fidèles ;
— la communion dans la main ;
— la disparition totale du latin et du grégorien ;
— l’emploi de femmes pour le service de la lecture et celui d’acolyte.
A la différence du nouvel offertoire, ces quatre plaies-là ne figurent ni dans la messe promulguée par Paul VI, ni dans la constitution conciliaire sur la liturgie. La critique sévère qu’en fait Mgr Schneider, le refus fortement motivé qu’il leur oppose, ne mettent donc en cause ni la constitution conciliaire, ni le texte même de la forme ordinaire du rite romain.
Il n’en va pas de même pour un offertoire qui, relisons, « exprime moins l’évocation du mystère du sacrifice de la Croix que celle d’un banquet rappelant les prières du repas sabbatique juif ».
Un tel offertoire, avec la gravité de cette énorme déficience, est au cœur de la messe que Paul VI a signée de sa main. Mgr Schneider ne voit aucune possibilité de le réformer, de l’améliorer, il n’envisage que sa suppression pure et simple, et son remplacement radical par l’offertoire traditionnel.
A mesure que le débat continuera d’avancer de cette manière, il deviendra de plus en plus difficile de recommander que l’on regarde et traite avec le même respect les « deux formes » du rite romain.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7552 de Présent
du Vendredi 2 mars 2012