SOURCE - Jean-Marie Guénois - Blog du Figaro - 16 mars 2012
Bizarre cette déformation de l'information... Alors que Rome révèle aujourd'hui qu'une nouvelle rencontre a eu lieu ce matin entre Mgr Fellay, leader des Lefebvristes, et le cardinal Levada, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, en vue de trouver un accord certes très difficile, beaucoup de confrères parlent d'un "ultimatum" lancé par le Vatican pour trouver une solution avant "un mois".
J'ai lu et relu le communiqué officiel et je ne trouve ni le mot "ultimatum" et surtout aucune trace d'un esprit d'ultimatum. C'est-à-dire, d'une pression exercée sur le calendrier pour aboutir à un résultat en forçant le levier du rapport de force.
Bizarre cette déformation de l'information... Alors que Rome révèle aujourd'hui qu'une nouvelle rencontre a eu lieu ce matin entre Mgr Fellay, leader des Lefebvristes, et le cardinal Levada, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, en vue de trouver un accord certes très difficile, beaucoup de confrères parlent d'un "ultimatum" lancé par le Vatican pour trouver une solution avant "un mois".
J'ai lu et relu le communiqué officiel et je ne trouve ni le mot "ultimatum" et surtout aucune trace d'un esprit d'ultimatum. C'est-à-dire, d'une pression exercée sur le calendrier pour aboutir à un résultat en forçant le levier du rapport de force.
Pas d'ultimatumPire, affirmer cela déforme profondément l'information publiée aujourd'hui par le Vatican. D'autant que ce thème de l'ultimatum est venu de l'interprétation des propos du Père Lombardi, porte parole du Vatican, qui a répondu à une question de journaliste sur les "délais". Il a estimé que le Vatican attendait une réponse d'ici "environ un mois". Il n'a pas parlé, à ma connaissance, d'ultimatum. Ce qui serait d'ailleurs ridicule pour une crise ouverte depuis... cinquante ans, dès l'ouverture du Concile Vatican II !
Voici en fait le texte intégral du communiqué. Il est suffisamment court pour être cité :
" Au cours de la rencontre du 14 septembre 2011 entre Son Éminence le Cardinal William Levada, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et Président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, et Son Excellence Monseigneur Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale saint Pie X, un Préambule doctrinal, accompagné d'une Note préliminaire, a été communiqué à ce dernier, comme base fondamentale pour parvenir à la pleine réconciliation avec le Siège Apostolique. Dans ce Préambule étaient énoncés certains principes doctrinaux et critères d'interprétation de la doctrine catholique, nécessaires pour garantir la fidélité au Magistère de l'Église et le sentire cum Ecclesia.
La réponse de la Fraternité sacerdotale saint Pie X à ce Préambule doctrinal, parvenue en janvier 2012, a été soumise à l'examen de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, puis au jugement du Saint-Père. Conformément à la décision du Pape Benoît XVI, l'évaluation de la réponse de S.E. Mgr Fellay lui a été communiquée par lettre remise en ce jour. Cette évaluation fait remarquer que la position qu'il a exprimée n'est pas suffisante pour surmonter les problèmes doctrinaux qui sont à la base de la fracture entre le Saint-Siège et ladite Fraternité.
Au terme de la rencontre de ce jour, dans le souci d'éviter une rupture ecclésiale aux conséquences douloureuses et incalculables, le Supérieur général de la Fraternité sacerdotale saint Pie X a été invité à bien vouloir clarifier sa position, afin de parvenir à la réduction de la fracture existante, comme l'a souhaité le Pape Benoît XVI."
Courtoisie pas anodine
Cette courtoisie toute romaine n'est pas pas anodine. Elle indique au contraire que le Pape veut toujours un accord, qu'on le veuille ou non. Et que Mgr Fellay le souhaite aussi, qu'on le veuille ou non.
Il me semble, au contraire, que la négociation entre dans sa dernière ligne droite. Et qu'elle a changé de nature : elle n'est plus de nature doctrinale mais de nature ecclésiale.
Je m'explique : depuis trois ans, pourrait-on dire, les ingénieurs systèmes, côté Lefebvristes et côté Vatican, ont travaillé pour tenter de rendre compatibles deux versions d'un même logiciel "catholique". Mais... datés de deux époques très différentes.
Ils ont tout essayé. Et ont conclu effectivement à une incompatibilité technique et... définitive. C'est-à-dire "théologique" entre le Concile Vatican I et le Concile Vatican II pour faire simple.
Mais ce désaccord, formellement établi, ne signifie pas qu'une solution "ecclésiale" - on dirait "politique" dans le langage du monde - est désormais impossible.
C'est cette nouvelle négociation qui commence aujourd'hui avec la lettre remise à Mgr Fellay.
Rome, me semble-t-il, ne cherche pas un compromis au rabais. Les Lefebvristes, de toute façon, ne l'accepteraient pas. Cela serait source de problèmes difficiles à moyen terme.
Bref, une sortie par le haut de cette crise. Et non par le bas avec ces compromis de petits comptables qui ne seront jamais d'accord sur l'interprétation de leurs résultats et de leurs tableaux parce qu'ils sont justement tenus au millimètre et à la virgule près avec la méticulosité d'horlogers suisses.
Ce n'est pas là le style Benoît XVI autant que j'ai pu l'observer. Chez lui précision et rigueur intellectuelles riment avec largeur de vue et souffle intellectuel et spirituel. Il ne se laissera jamais enfermer dans les minutes comptés d'un soi-disant ultimatum surtout à l'échelle du temps de l'Eglise.
Et qu'il lui pose, comme un père à son fils, c'est-à-dire d'homme à homme, et non de technicien de la théologie à technicien d'une autre théologie, la question de confiance. Celle la volonté de la réconciliation même si tous les détails de celle-ci et tous ses affronts passés, ne pourront jamais être réglés.
C'est le propre de l'audace des disciples du Christ. Mais c'est aussi la caractéristiques des grands hommes qui savent prendre, le moment venu, une vraie décision.
Il me semble, au contraire, que la négociation entre dans sa dernière ligne droite. Et qu'elle a changé de nature : elle n'est plus de nature doctrinale mais de nature ecclésiale.
Je m'explique : depuis trois ans, pourrait-on dire, les ingénieurs systèmes, côté Lefebvristes et côté Vatican, ont travaillé pour tenter de rendre compatibles deux versions d'un même logiciel "catholique". Mais... datés de deux époques très différentes.
Ils ont tout essayé. Et ont conclu effectivement à une incompatibilité technique et... définitive. C'est-à-dire "théologique" entre le Concile Vatican I et le Concile Vatican II pour faire simple.
Mais ce désaccord, formellement établi, ne signifie pas qu'une solution "ecclésiale" - on dirait "politique" dans le langage du monde - est désormais impossible.
C'est cette nouvelle négociation qui commence aujourd'hui avec la lettre remise à Mgr Fellay.
Rome, me semble-t-il, ne cherche pas un compromis au rabais. Les Lefebvristes, de toute façon, ne l'accepteraient pas. Cela serait source de problèmes difficiles à moyen terme.
Pas un affaire de petits comptablesRome cherche un accord, fondé sur une vision large du catholicisme. Une vision capable d'intégrer plusieurs familles dont certaines sont très éloignées les unes des autres. Un esprit capable d'admettre un débat interne, cette "disputatio" qui appartient pourtant à la grande tradition intellectuelle - et actuellement perdue - de l'Eglise catholique.
Bref, une sortie par le haut de cette crise. Et non par le bas avec ces compromis de petits comptables qui ne seront jamais d'accord sur l'interprétation de leurs résultats et de leurs tableaux parce qu'ils sont justement tenus au millimètre et à la virgule près avec la méticulosité d'horlogers suisses.
Ce n'est pas là le style Benoît XVI autant que j'ai pu l'observer. Chez lui précision et rigueur intellectuelles riment avec largeur de vue et souffle intellectuel et spirituel. Il ne se laissera jamais enfermer dans les minutes comptés d'un soi-disant ultimatum surtout à l'échelle du temps de l'Eglise.
Une rencontre avec le Pape ?Et puis, il ne faut pas exclure qu'une fois la réponse de Mgr Fellay au courrier de ce jour, parvenue dans les mains du Pape, ce dernier qui veut depuis longtemps retrouver cette unité, invite, une nouvelle fois, ce fils rebelle comme il l'avait fait peu de temps après son élection en 2005.
Et qu'il lui pose, comme un père à son fils, c'est-à-dire d'homme à homme, et non de technicien de la théologie à technicien d'une autre théologie, la question de confiance. Celle la volonté de la réconciliation même si tous les détails de celle-ci et tous ses affronts passés, ne pourront jamais être réglés.
C'est le propre de l'audace des disciples du Christ. Mais c'est aussi la caractéristiques des grands hommes qui savent prendre, le moment venu, une vraie décision.