Abbé Michel Simoulin, fsspx - mai 2012
Cet additif fait suite à l'éditorial du Seignadou de juin 2012 et complète les réflexions de l'éditorial de mai.
Afin de rassurer ceux qui m’ont trouvé approximatif dans mon affirmation que « Ce n’est donc pas sur une question doctrinale, ni sur celle du statut offert à la Fraternité, mais sur la date de la consécration de l’évêque accordé, que le processus s’est arrêté », j’ajouterai quelques précisions.
D’abord, il est notoire que la grande préoccupation de Mgr Lefebvre en 1987-1988 était celle de sa succession. Affirmer cela ne signifie pas qu’il n’avait pas d’autres préoccupations, doctrinales entre autres. Ses interventions répétées lors de la visite du pape à la Synagogue ou lors de la réunion d’Assise sont là pour en témoigner. Mais, âgé de plus de 80 ans, Monseigneur voulait passer le flambeau à un autre évêque apte à continuer son œuvre et son combat. Or, à l’époque, hormis Mgr de Castro-Mayer au Brésil, aucun évêque n’avait manifesté l’intention de le suivre. Donc, il fallait en consacrer un pris parmi ses prêtres. C’est cette éventualité annoncée lors de l’homélie des ordinations de 1987 qui avait provoqué la réaction de Rome. Et le Cardinal Ratzinger avait alors laissé entrevoir la possibilité de procéder à une telle consécration épiscopale. En témoigne cette lettre du 15 avril 1988 : « Le fait d’avoir un successeur dans l’épiscopat me réjouit vivement et j’en remercie le Saint-Père et vous-même. Un seul évêque aura bien de la peine à suffire à la tache, ne serait-il pas possible d’en avoir deux ou, au moins, qu’il soit prévu la possibilité d’en augmenter le nombre d’ici 6 mois ou un an? ».
Le protocole du 5 mai envisageait encore cette possibilité : « Pour des raisons pratiques et psychologiques, apparaît l’utilité de la consécration d’un évêque membre de la Fraternité. C’est pourquoi, dans le cadre de la solution doctrinale et canonique de la réconciliation, nous suggérons au Saint-Père de nommer un évêque choisi dans la Fraternité, sur présentation de Mgr Lefebvre. » C’est cet espoir d’obtenir un évêque qui a conduit Monseigneur à donner sa signature à un texte qu’il jugeait par ailleurs très insuffisant.
Cela, toutefois, demeurait une simple éventualité, sans plus. Et, ainsi qu’il l’indique dans sa lettre du 6 mai Monseigneur se souvenait des hésitations du cardinal à fixer une date pour cette consécration : « Les réticences exprimées au sujet de la consécration épiscopale d’un membre de la Fraternité, soit par écrit, soit de vive voix, me font légitimement craindre les délais. […] La déception de nos prêtres et de nos fidèles serait très vive. Tous souhaitent que cette consécration se réalise avec l’accord du Saint Siège, mais déjà déçus par les délais antérieurs, ils ne comprendraient pas que j’accepte un nouveau délai. Ils sont conscients et soucieux avant tout d’avoir de vrais évêques catholiques leur transmettant la vraie foi et leur communiquant d’une manière certaine, les grâces du salut auxquelles ils aspirent pour eux et pour leurs enfants. »
Ce n’était pas tant la date du 30 juin qui importait, mais la certitude de pouvoir procéder à cette consécration. C’est le sens de cette lettre écrite au cardinal le matin du 6 mai (une bombe, dit-il en la remettant à l’abbé du Chalard, chargé de la porter à Rome). Mgr Lefebvre voulait encore espérer une réponse positive, tout en étant quasiment assuré d’un refus, ce qui s’est vérifié. C’est donc bien Monseigneur qui a provoqué cette interruption des colloques, mais ce n’est pas lui qui l’a décidée. Cela explique qu’il s’en soit ensuite attribué la responsabilité. Le cardinal dans sa réponse a confirmé que Rome n’était pas décidé à accorder cet évêque, et mis fin aux colloques. Cela était prévu, envisagé, etc… mais quand il s’est agi de passer à l’acte, Rome s’est bel et bien dérobé. Il est facile de promettre, moins facile de tenir sa promesse, et Monseigneur a donc jugé qu’il ne pouvait pas prendre le risque d’attendre encore et de mourir peut-être sans successeur. Il a donc consulté les supérieurs de communautés religieuses amies, pris conseil auprès des uns et des autres, mais n’a pas jugé opportun de réunir le chapitre général de la Fraternité. La décision à prendre ne relevait que son rôle d’évêque, et nul ne lui a contesté de la prendre seul.
Dans ses dernières semaines de maladie, il disait être en paix. Alors qu’autrefois, lorsqu’il devait s’arrêter pour être hospitalisé, il était inquiet pour la suite, cette fois-ci il disait être tranquille : Maintenant, je suis en paix, tout est en place et tout fonctionne. Vous avez tout ce qu’il faut, séminaires, prieurés, et quatre évêques, vous n’avez plus besoin de moi.
Aujourd’hui, Rome a réhabilité nos quatre évêques. La crainte qu’avait Monseigneur Lefebvre en 1988 n’a donc plus lieu d’être. Devons-nous accepter ou refuser ce qu’il avait alors accepté ? Devons-nous être plus exigeants, moins exigeants ? Si nous acceptons ce que Monseigneur avait accepté, serons-nous prisonniers ou libres de continuer son œuvre et son action ? Si nous refusons, serons-nous fidèles à notre vocation première ?
C’est à nos supérieurs qu’il appartient de juger de cela et de décider. Quant à nous, le plus important est sans doute de prier et demeurer très unis derrière eux, fidèles et confiants. Réunis autour de la Vierge Immaculée, unanimes dans la prière comme l’étaient les Apôtres, il nous revient de prier pour tous nos supérieurs, le Pape en premier lieu et Mgr Fellay. Nous pourrons alors espérer que le Saint-Esprit pourra agir pour le bien de l’Eglise, non selon nos courtes vues humaines mais selon les vues de Dieu.
N.B. 1. Toute espèce d'autorité vient de Dieu, et de Dieu seul: Non est potestas nisi a Deo (Rom., XIII.) Oui, toute espèce d'autorité vient de DIEU: autorité sacerdotale, autorité royale, autorité législative, autorité judiciaire, autorité paternelle: Non est potestas nisi a Deo." (Mgr Gaume). Ce principe de l’origine de toute autorité a été fortement rappelé par Léon XIII (Immortale Dei) et par St Pie X (Notre charge apostolique), entre autres. Les sujets peuvent bien désigner la personne qui recevra de Dieu l’autorité, mais ne peuvent lui donner cette autorité qui ne leur appartient pas. Ce principe qui s’applique à la société civile, s’applique aussi à l’Eglise, et donc aussi à toute société religieuse ou sacerdotale, comme à toute famille ? Un Conclave, un chapitre général pourra bien désigner celui qui gouvernera la communauté qu’il représente, mais ne peut lui donner l’autorité sur celle-ci, ni la lui retirer, ni prétendre avoir plus d’autorité que lui. Pas plus que le Pape n’est soumis au Concile, un supérieur religieux n’est soumis à son chapitre ou un père de famille soumis à ses enfants. Ce serait renouveler l’hérésie conciliariste qui veut que le concile ait plus d’autorité que le pape, principe de toute révolution qui se retrouve dans la collégialité conciliaire, et qui pourrait séduire nos esprits prompts à toute contestation. Que Dieu nous en préserve.
N.B. 2. Puis-je encore ajouter, comme l’a fait mieux que moi Pie XII (Mystici corporis) que l’Eglise n’est pas une réalité désincarnée, purement spirituelle ou « pneumatique ». L’Eglise prolonge le mystère du Verbe Incarné et, si sa réalité divine est la source de tous ses privilèges de sainteté, elle vit dans l’ordre de l’Incarnation, blessée en ses membres humains. L’Eglise que nous servons et que nous aimons est l’Eglise telle qu’elle s’incarne aujourd’hui. Si nous admettons que Benoit XVI est le Pape, l’Eglise en laquelle nous croyons, que nous aimons, que nous servons est l’Eglise de Jésus-Christ dont le vicaire est Benoit XVI. Lorsque nous parlons d’Eglise conciliaire, nous désignons cette part humaine de l’Eglise infectée par le venin des idées conciliaires. Il ne peut s’agir de la Sainte Eglise catholique, que nous aimons et voulons dépouiller de cette « croûte » humaine malsaine, pour lui rendre son visage, reflet du visage du « beau Dieu » Jésus-Christ.
Cet additif fait suite à l'éditorial du Seignadou de juin 2012 et complète les réflexions de l'éditorial de mai.
Afin de rassurer ceux qui m’ont trouvé approximatif dans mon affirmation que « Ce n’est donc pas sur une question doctrinale, ni sur celle du statut offert à la Fraternité, mais sur la date de la consécration de l’évêque accordé, que le processus s’est arrêté », j’ajouterai quelques précisions.
D’abord, il est notoire que la grande préoccupation de Mgr Lefebvre en 1987-1988 était celle de sa succession. Affirmer cela ne signifie pas qu’il n’avait pas d’autres préoccupations, doctrinales entre autres. Ses interventions répétées lors de la visite du pape à la Synagogue ou lors de la réunion d’Assise sont là pour en témoigner. Mais, âgé de plus de 80 ans, Monseigneur voulait passer le flambeau à un autre évêque apte à continuer son œuvre et son combat. Or, à l’époque, hormis Mgr de Castro-Mayer au Brésil, aucun évêque n’avait manifesté l’intention de le suivre. Donc, il fallait en consacrer un pris parmi ses prêtres. C’est cette éventualité annoncée lors de l’homélie des ordinations de 1987 qui avait provoqué la réaction de Rome. Et le Cardinal Ratzinger avait alors laissé entrevoir la possibilité de procéder à une telle consécration épiscopale. En témoigne cette lettre du 15 avril 1988 : « Le fait d’avoir un successeur dans l’épiscopat me réjouit vivement et j’en remercie le Saint-Père et vous-même. Un seul évêque aura bien de la peine à suffire à la tache, ne serait-il pas possible d’en avoir deux ou, au moins, qu’il soit prévu la possibilité d’en augmenter le nombre d’ici 6 mois ou un an? ».
Le protocole du 5 mai envisageait encore cette possibilité : « Pour des raisons pratiques et psychologiques, apparaît l’utilité de la consécration d’un évêque membre de la Fraternité. C’est pourquoi, dans le cadre de la solution doctrinale et canonique de la réconciliation, nous suggérons au Saint-Père de nommer un évêque choisi dans la Fraternité, sur présentation de Mgr Lefebvre. » C’est cet espoir d’obtenir un évêque qui a conduit Monseigneur à donner sa signature à un texte qu’il jugeait par ailleurs très insuffisant.
Cela, toutefois, demeurait une simple éventualité, sans plus. Et, ainsi qu’il l’indique dans sa lettre du 6 mai Monseigneur se souvenait des hésitations du cardinal à fixer une date pour cette consécration : « Les réticences exprimées au sujet de la consécration épiscopale d’un membre de la Fraternité, soit par écrit, soit de vive voix, me font légitimement craindre les délais. […] La déception de nos prêtres et de nos fidèles serait très vive. Tous souhaitent que cette consécration se réalise avec l’accord du Saint Siège, mais déjà déçus par les délais antérieurs, ils ne comprendraient pas que j’accepte un nouveau délai. Ils sont conscients et soucieux avant tout d’avoir de vrais évêques catholiques leur transmettant la vraie foi et leur communiquant d’une manière certaine, les grâces du salut auxquelles ils aspirent pour eux et pour leurs enfants. »
Ce n’était pas tant la date du 30 juin qui importait, mais la certitude de pouvoir procéder à cette consécration. C’est le sens de cette lettre écrite au cardinal le matin du 6 mai (une bombe, dit-il en la remettant à l’abbé du Chalard, chargé de la porter à Rome). Mgr Lefebvre voulait encore espérer une réponse positive, tout en étant quasiment assuré d’un refus, ce qui s’est vérifié. C’est donc bien Monseigneur qui a provoqué cette interruption des colloques, mais ce n’est pas lui qui l’a décidée. Cela explique qu’il s’en soit ensuite attribué la responsabilité. Le cardinal dans sa réponse a confirmé que Rome n’était pas décidé à accorder cet évêque, et mis fin aux colloques. Cela était prévu, envisagé, etc… mais quand il s’est agi de passer à l’acte, Rome s’est bel et bien dérobé. Il est facile de promettre, moins facile de tenir sa promesse, et Monseigneur a donc jugé qu’il ne pouvait pas prendre le risque d’attendre encore et de mourir peut-être sans successeur. Il a donc consulté les supérieurs de communautés religieuses amies, pris conseil auprès des uns et des autres, mais n’a pas jugé opportun de réunir le chapitre général de la Fraternité. La décision à prendre ne relevait que son rôle d’évêque, et nul ne lui a contesté de la prendre seul.
Dans ses dernières semaines de maladie, il disait être en paix. Alors qu’autrefois, lorsqu’il devait s’arrêter pour être hospitalisé, il était inquiet pour la suite, cette fois-ci il disait être tranquille : Maintenant, je suis en paix, tout est en place et tout fonctionne. Vous avez tout ce qu’il faut, séminaires, prieurés, et quatre évêques, vous n’avez plus besoin de moi.
Aujourd’hui, Rome a réhabilité nos quatre évêques. La crainte qu’avait Monseigneur Lefebvre en 1988 n’a donc plus lieu d’être. Devons-nous accepter ou refuser ce qu’il avait alors accepté ? Devons-nous être plus exigeants, moins exigeants ? Si nous acceptons ce que Monseigneur avait accepté, serons-nous prisonniers ou libres de continuer son œuvre et son action ? Si nous refusons, serons-nous fidèles à notre vocation première ?
C’est à nos supérieurs qu’il appartient de juger de cela et de décider. Quant à nous, le plus important est sans doute de prier et demeurer très unis derrière eux, fidèles et confiants. Réunis autour de la Vierge Immaculée, unanimes dans la prière comme l’étaient les Apôtres, il nous revient de prier pour tous nos supérieurs, le Pape en premier lieu et Mgr Fellay. Nous pourrons alors espérer que le Saint-Esprit pourra agir pour le bien de l’Eglise, non selon nos courtes vues humaines mais selon les vues de Dieu.
N.B. 1. Toute espèce d'autorité vient de Dieu, et de Dieu seul: Non est potestas nisi a Deo (Rom., XIII.) Oui, toute espèce d'autorité vient de DIEU: autorité sacerdotale, autorité royale, autorité législative, autorité judiciaire, autorité paternelle: Non est potestas nisi a Deo." (Mgr Gaume). Ce principe de l’origine de toute autorité a été fortement rappelé par Léon XIII (Immortale Dei) et par St Pie X (Notre charge apostolique), entre autres. Les sujets peuvent bien désigner la personne qui recevra de Dieu l’autorité, mais ne peuvent lui donner cette autorité qui ne leur appartient pas. Ce principe qui s’applique à la société civile, s’applique aussi à l’Eglise, et donc aussi à toute société religieuse ou sacerdotale, comme à toute famille ? Un Conclave, un chapitre général pourra bien désigner celui qui gouvernera la communauté qu’il représente, mais ne peut lui donner l’autorité sur celle-ci, ni la lui retirer, ni prétendre avoir plus d’autorité que lui. Pas plus que le Pape n’est soumis au Concile, un supérieur religieux n’est soumis à son chapitre ou un père de famille soumis à ses enfants. Ce serait renouveler l’hérésie conciliariste qui veut que le concile ait plus d’autorité que le pape, principe de toute révolution qui se retrouve dans la collégialité conciliaire, et qui pourrait séduire nos esprits prompts à toute contestation. Que Dieu nous en préserve.
N.B. 2. Puis-je encore ajouter, comme l’a fait mieux que moi Pie XII (Mystici corporis) que l’Eglise n’est pas une réalité désincarnée, purement spirituelle ou « pneumatique ». L’Eglise prolonge le mystère du Verbe Incarné et, si sa réalité divine est la source de tous ses privilèges de sainteté, elle vit dans l’ordre de l’Incarnation, blessée en ses membres humains. L’Eglise que nous servons et que nous aimons est l’Eglise telle qu’elle s’incarne aujourd’hui. Si nous admettons que Benoit XVI est le Pape, l’Eglise en laquelle nous croyons, que nous aimons, que nous servons est l’Eglise de Jésus-Christ dont le vicaire est Benoit XVI. Lorsque nous parlons d’Eglise conciliaire, nous désignons cette part humaine de l’Eglise infectée par le venin des idées conciliaires. Il ne peut s’agir de la Sainte Eglise catholique, que nous aimons et voulons dépouiller de cette « croûte » humaine malsaine, pour lui rendre son visage, reflet du visage du « beau Dieu » Jésus-Christ.