15 juin 2012

[Lettre à Nos Frères Prêtres de Juin 2012 (5)] Composition de la prière eucharistique IV

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres n°54 - mise en ligne par La Porte Latine - Juin 2012


Concernant la composition de la Prière eucharistique IV, nous avons la chance de disposer des témoignages convergents de quatre acteurs de premier plan dans le dossier.
Quatre témoins particulièrement fiables
Mgr Annibale Bugnini était, nous le savons, la cheville ouvrière du Consilium qui a élaboré la nouvelle liturgie. Concernant les trois autres, voilà ce qu’écrit dom Botte moins de dix ans après les faits : « La réforme de la messe a été confiée à une commission dont le président était Mgr Joseph Wagner (…). Membres : (…) Dom Jean Vaggagini OSB, à l’époque professeur au Collège bénédictin Saint-Anselme à Rome. (…) Mgr Pierre Jounel, professeur à l’Institut supérieur de liturgie de Paris. (…) En outre, le président, Mgr Wagner, avait tenu à inviter à titre personnel deux hommes connus pour leur attachement à la tradition, le père Louis Bouyer et moi-même » (Bernard Botte, « La liturgie de Vatican II », La Libre Belgique, 25 août 1976 ; article reproduit intégralement in Didier Bonneterre, Le mouvement liturgique, Fideliter, 1980, pp. 143-144).
Les témoignages sur l’élaboration de la Prière eucharistique IV
« Nous avions proposé [pour la quatrième Prière eucharistique] l’anaphore de saint Basile, utilisée dans le rite d’Alexandrie. Mais elle fut écartée par la Commission des évêques, à cause de la place de l’invocation au Saint-Esprit, trop éloignée des paroles du Seigneur. Nous avons alors pris pour base une formule inspiré par plusieurs anaphores orientales qui, dans la prière d’action de grâce, détaillait les étapes du salut. Cette prière a été composée par dom Jean [en réalité Cyprien] Vaggagini » (Bernard Botte, « La liturgie de Vatican II », La Libre Belgique, 25 août 1976 ; article reproduit intégralement in Didier Bonneterre, Le mouvement liturgique, Fideliter, 1980, p. 149).

« Devant cette difficulté pratique pour l’adoption [de l’anaphore de saint Basile], durant la session des relatores [donc entre le 15 avril 1967, date du vote de rejet de l’anaphore de saint Basile, et le 19 avril, clôture de la session], par un travail de forçat, fut préparée la quatrième Prière eucharistique, dans le style des anaphores orientales » (Annibale Bugnini, La riforma liturgica (1948-1975), Edizioni liturgiche, 1983, p. 169).

« La quatrième [Prière eucharistique] a été élaborée en une nuit par une petite équipe autour du père Gélineau » (Pierre Jounel, membre de la commission de révision de l’Ordo missæ au sein du Consilium, « Le Missel de Paul VI fête ses trente ans », La Croix, 28 avril 1999).

« Je pense à (…) ce qu’on put sauver d’un essai assez réussi d’adaptation au schéma romain d’une série de formules de l’antique prière dite de saint Jacques, grâce à un travail du père Gélineau, pas souvent si bien inspiré » (Louis Bouyer, Mémoires [inédits], p. 130).
Vingt jours pour improviser une Prière eucharistique
Si nous reconstruisons ce qu’affirment ces acteurs de la réforme, les mieux informés qu’il se puisse imaginer, nous pouvons donc dire ceci. La Prière eucharistique IV devait être primitivement l’anaphore de saint Basile. Les arguments « pour » et « contre » étaient nombreux (cf. Bugnini, pp. 451-453). Finalement, le 15 avril 1967, à une voix de majorité, cette solution fut refusée.

En une nuit, ou bien en quelques jours (il faut peut-être faire une part à l’exagération rhétorique chez Pierre Jounel), le père Gélineau et une petite équipe rédigèrent un schéma de Prière eucharistique à partir de la liturgie de saint Jacques. Ce texte, probablement révisé par dom Vagaggini, fut finalement accepté par la plenaria des cardinaux en avril 1967, et présenté au Pape le 3 mai 1967 (cf. Bugnini, p. 453).

Autrement dit, il s’est passé moins de vingt jours entre le rejet de l’anaphore de saint Basile et la fabrication complète et définitive de la Prière eucharistique IV telle que nous la connaissons.