SOURCE - Nicolas Senèze - La Croix - 19 novembre 2012
L’institut Civitas, qui organisait la manifestation du 18 novembre contre le «mariage homosexuel», essaye d’apparaître comme le seul défenseur des valeurs catholiques.
L’institut Civitas, qui organisait la manifestation du 18 novembre contre le «mariage homosexuel», essaye d’apparaître comme le seul défenseur des valeurs catholiques.
Se présentant comme « une œuvre de reconquête politique et sociale visant à rechristianiser la France », l’institut Civitas se définit comme « un mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l’Église et regroupant des laïcs catholiques engagés dans l’instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples en général, sur la France et les Français en particulier».Il se veut l'héritier de la Cité catholique fondée en 1946 par Jean Ousset.
Civitas est un des héritiers directs de la Cité catholique, fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par Jean Ousset (1914-1994). Disciple de Maurras, hostile à la Révolution française, il avait décidé de se consacrer à la formation d’une élite politique capable de contribuer au renouveau de la France. À l’époque, la Cité catholique se présente, ainsi que le raconte Marie-Monique Robin dans Escadrons de la mort, l’école française (La Découverte), « comme une école de cadres catholiques, ayant pour but d’éclairer, de susciter, animer, tout ce qui peut tendre à promouvoir une renaissance authentiquement française – donc catholique – dans l’ordre temporel».
La Cité catholique se place ainsi nettement dans la ligne d’un nationalisme catholique, contre-révolutionnaire, nostalgiques de la chrétienté, résolument anticommuniste et hostile à la décolonisation.
Proche de la Fraternité Saint-Pie-XEn 1960, les évêques de France mettront fermement en garde contre les « dangers » de la Cité catholique dont l’influence est grande dans l’armée, notamment en Algérie où Verbe , la revue de la Cité catholique qui justifie la torture au nom de saint Thomas d’Aquin, inspire de nombreux officiers français, théoriciens et praticiens de la « guerre contre-révolutionnaire » en Algérie (via les réseaux d’anciens OAS, elle influencera également les militaires argentins dans leur « guerre antisubversive »).
Sur le plan religieux, Jean Ousset était également très lié à Mgr Lefebvre (qui a préfacé son livre Pour qu’Il règne ) mais il s’en séparera après avoir refusé de se prononcer sur les questions liturgiques. Après le schisme de 1988, son mouvement éclatera : d’un côté ce qui est aujourd’hui Ichtus, de l’autre Civitas, entré dans l’orbite de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX).
Si, officiellement, Civitas ne fait pas état de liens avec la FSSPX, les responsables de la Fraternité participent régulièrement à ses activités, lui assurant leur soutien doctrinal et théologique. Ainsi, l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur du district de France de la FSSPX, et l’abbé Xavier Beauvais, curé de Saint-Nicolas du Chardonnet, intervenaient-ils en juillet 2012 à la session d’été de Civitas sur le thème « La Croix, le glaive et le bouclier».
Ambitions politiquesCette proximité avec la FSSPX explique pourquoi, tout en se réclamant du soutien de certains évêques (ce que ceux-ci ont publiquement démenti), Civitas tente de se démarquer de l’approche de l’épiscopat qui refuse de placer le débat sur le « mariage homosexuel » sur le terrain purement religieux.
« Je dis solennellement aux catholiques qu’ils doivent eux agir en catholiques et qu’il serait indigne qu’ils masquent leur foi en raison d’une illusion relativiste qui ne réconfortera que les partisans rabiques du fondamentalisme laïque », écrit ainsi Alain Escada, le président de Civitas. Il s’agit pour Civitas comme pour la FSSPX, de se présenter ainsi comme les seuls véritables défenseurs du catholicisme.
Depuis quelques années, Civitas s’est en effet lancé dans une stratégie offensive d’« agit-prop » visant à apparaître comme le défenseur de l’Église face aux attaques « christianophobes » de la société laïque. Après s’en être pris à des manifestations culturelles jugées blasphématoires (Piss Christ à Avignon en 2010, manifestations contre les pièces Sur le concept du visage du Fils de Dieu et Golgota Picnic en 2011), il s’est placé, à partir de l’élection présidentielle de 2012, sur un terrain plus politique. En ligne de mire : les élections municipales de 2014 où ces représentants du nationalisme catholique, partisans d’un retour de la chrétienté, mal à l’aise avec le tournant donné par Marine Le Pen au Front national, espèrent placer des candidats plus proches de leur vue, notamment dans les petites communes.
Nicolas Senèze