SOURCE - Abbé François Laisney, fsspx - sspxasia.com - 21 décembre 2012
Vraiment une grande confusion règne au sujet de l’Eglise, et des notions dangereuses sont exprimées, même parmi les fidèles catholiques attachés à la Tradition.
Vraiment une grande confusion règne au sujet de l’Eglise, et des notions dangereuses sont exprimées, même parmi les fidèles catholiques attachés à la Tradition.
Voici ce que l’on lit: « L’unique partie de l’Église
visible qui soit catholique est celle qui est une, sainte, universelle et
apostolique. Le reste n’est autre que différentes espèces de pourriture
visible (ou concrète). »
Tout de suite, on se pose la question : l’Eglise catholique
est-elle seulement « une partie de l’Eglise visible » ? Et cela mène à une
autre question, plus fondamentale : est-il légitime de distinguer entre l’Eglise
catholique, l’Eglise du Christ et l’Eglise visible.
Au contraire, la foi catholique n’oblige-t-elle point à
affirmer l’identité entre l’Eglise du Christ, l’Eglise catholique et l’Eglise
visible ? Oui ! L’Eglise du Christ est l’Eglise catholique, et cette
Eglise est visible !
C’est parce qu’il était attaché à ce dogme de foi que Mgr
Lefebvre a toujours rejeté la position sédévacantiste qui pratiquement arrive
à une Eglise invisible, ayant perdu tout lien hiérarchique, n’ayant plus de
hiérarchie.
Certes, l’auteur du passage incriminé ci-dessus affirme que l’Eglise
catholique est reconnaissable à ses quatre notes ; mais il laisse entendre que
ces quatre notes n’appartiennent qu’à « une partie de l’Eglise visible.
» Donc il ne met pas en doute la première égalité, mais la seconde.
En effet, le grand danger d’une telle affirmation est que la
limite de l’Eglise catholique devient invisible.
L’auteur pense suffisamment affirmer la visibilité de l’Eglise
catholique en écrivant : « dire que l’Église catholique est visible, donc
que l’Église visible est l’Église catholique, c’est aussi infantile que
de dire que tous les lions sont des animaux et donc tous les animaux sont des
lions. » L’erreur d’une telle phrase est de ne pas saisir le vrai sens de l’affirmation
« l’Eglise catholique est visible ». Lorsque l’Eglise enseigne cela –
par ex. Pie XII dans Mystici Corporis – elle ne considère pas l’Eglise
catholique comme une espèce parmi un genre (ce qui est le rapport entre lions
et animaux), comme s’il ne disait rien d’autre que le fait qu’on
peut voir des gens qui se disent catholiques, comme on en voit qui se disent
Anglicans, Orthodoxes, Episcopaliens, etc., comme si église visible était
un genre parmi lequel on trouverait une espèce appelée église catholique.
Non ! L’affirmation « l’Eglise catholique est visible »
signifie : « l’Eglise du Christ est visible et l’Eglise catholique est
cette Eglise ». Nulle part on ne voit Pie XII, ni aucune autorité dans l’Eglise,
enseigner que l’Eglise catholique ne serait qu’une « partie de l’Eglise
visible. » Non ; le tout est visible ; et le tout est l’Eglise catholique !
Et c’est DANS l’Eglise catholique qu’on trouve un mélange de bons et de
mauvais poissons (Mt 13:48), du bon grain et de l’ivraie (Mt 13:25), de blé
et de bale (Mt 3:12), d’Apôtres fidèles et de Judas.
Jamais l’Eglise catholique n’a enseigné qu’elle ne
comprenait que les 11 apôtres fidèles (partie ayant la note de sainteté), et
que Judas était la pourriture, hors de cette partie fidèle. Oui, Judas était
une pourriture, mais dans l’Eglise catholique, la seule Eglise du
Christ.
Alors qu’est-ce que l’Eglise conciliaire ? Cette
expression a été formée d’abord par Mgr Benelli : elle montrait bien la
nouveauté des réformes introduites par le Concile. Mais désignait-elle une église,
séparée, avec sa propre structure, ses propres fidèles séparés de l’Eglise
catholique ? Non, pas vraiment. Elle désigne un esprit nouveau, des
principes nouveaux, mais pas une structure nouvelle, ni une hiérarchie ni
des fidèles séparés. Cet esprit pourrit les membres de l’Eglise qu’il
infecte, dans la mesure où il les infecte ; il est comme un virus dans le Corps
Mystique du Christ : certaines cellules sont entièrement corrompues, d’autres
ne sont que partiellement infectées, certaines plus d’autres moins, et peu en
sont exemptes. Il est vrai de dire que cet esprit n’est pas catholique. C’est
un esprit de rupture, un esprit révolutionnaire, c’est 1789 dans l’Eglise.
Mais cet esprit ne constitue par une église séparée ; il
infecte plus ou moins les membres de l’Eglise catholique. La séparation entre
les membres sains et les membres infectés n’est pas visible, du fait même
que certains ne sont que partiellement infectés. Elle est comme la séparation
entre le bien et le mal dans l’Eglise : la limite est à l’intérieur même
de chaque membre, car personne n’est parfait ! Ce n’est qu’à la fin du
monde qu’elle sera achevée, non pas par un jugement humain, mais par le
Jugement du Christ Lui-même, vrai Dieu et vrai homme. Cela ne veut pas dire que
l’infection est invisible : de même que les membres mauvais sont bien
visibles (et les scandales dans l’Eglise n’ont pas manqué après le
Concile), de même cette infection est aussi visible, surtout dans ceux qui sont
pleinement infectés : théologiens modernistes, pétitions de prêtres
modernistes en Autriche… On voit ces faux principes appliqués dans l’oecuménisme
pratique (Assise, concélébrations, visites aux synagogues, baiser du Coran…)
Ces faux principes ne constituent pas une église séparée,
pas même comme partie distincte d’un tout que serait l’église visible.
Dire « l’Eglise conciliaire n’est plus l’Eglise
catholique », si on signifie par là que les principes conciliaires, l’esprit
conciliaire ne sont pas des principes catholiques ni un esprit catholique, c’est
vrai : c’était clairement le sens de certaines paroles de Mgr Lefebvre. Mais
si on implique une telle séparation entre deux parties distinctes, ce n’est
pas conforme à la réalité ; c’est faux, et tout à fait opposé à l’enseignement
de Mgr Lefebvre.
Contre-distinguer dans l’Eglise visible, une partie
conciliaire pourrie, qui « n’est plus l’Eglise catholique », et une partie
catholique qui ne comprendrait que ce « qui est un, saint, universel et
apostolique », c’est enlever à l’Eglise catholique sa structure (car l’auteur
n’hésite pas à écrire : « l’Eglise officielle est largement Conciliaire
et non-catholique »), la partie qui resterait catholique serait alors privée
de la structure que Notre Seigneur Jésus Christ a donné à son Eglise ! Elle
ne serait donc plus reconnaissable comme étant l’Eglise du Christ. C’est
donc profondément dangereux vis-à-vis de la foi.
Il est vrai de dire que, à cause de la crise conciliaire, les
quatre notes sont d’une certaine manière obscurcies, moins visibles dans le
tout de l’Eglise – l’abandon par tant de prêtres, religieux et
religieuses de leurs voeux les plus sacrés a mis une tache sur la visibilité
de la note de sainteté, par exemple – ainsi Mgr Lefebvre n’a pas hésité
à dire que ces notes sont plus visibles dans les fidèles et prêtres qui sont
restés fidèles à la Tradition. Mais jamais il n’a dit que l’Eglise
Catholique n’était que cette partie saine de l’Eglise visible ! Au
contraire, il a appliqué à l’Eglise, au tout de l’Eglise, ce qui fut vrai
du Christ pendant sa Passion : Il fut difficilement reconnaissable comme Messie
à ce moment, selon ce qu’avait prophétisé Isaïe : « objet de mépris,
abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme
quelqu'un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun
cas » (Is. 53:3). A cause de la crise moderniste, l’Eglise passe comme par
une Passion, et elle est difficilement reconnaissable. Il est bien clair que
pour lui, l’Eglise Catholique c’est le tout, elle n’est pas réduite à la
partie.
On voit aussi dans cette fausse compréhension de la distinction
entre conciliaire et catholique, l’erreur doctrinale qui est à
la racine chez certains de leur opposition contre Mgr Fellay en cette année qui
se termine. En effet, l’auteur conclut que « les hiérarques visibles… sont
en grande partie Conciliaires… et non catholique(s) » ; ce qui conduit
logiquement au refus de toute régularisation. Il ne voit plus la réalité du
fait que ceux qui possèdent l’autorité que Notre Seigneur Jésus Christ a
donnée à son Eglise ont en main une chose bonne – car ce que Notre Seigneur
Jésus Christ a établi est bien évidemment excellent – et que les mauvais
usages d’un côté n’enlève rien à la bonté de cette autorité, de cet
ordre hiérarchique ; et donc, si le Pape veut régulariser la place de la
Fraternité dans cet ordre, il veut quelque de bon – donc auquel on n’a pas
le droit de s’opposer, dans la mesure où il n’y attache pas de condition
mauvaise et donne les garanties suffisantes pour que cet ordre soit solide.
A la racine de cette erreur doctrinale, il y a une ignorance du
grand principe de St Augustin contre les Donatistes : dans l’Eglise catholique
la communion avec les méchants ne nuit pas aux bons dans la mesure où ils ne
consentent pas à leur méchanceté. Une telle erreur mène à une notion
cathare d’une « église des purs », non infectée par la « pourriture »
conciliaire : une telle notion n’est simplement pas catholique.
Kyrie eleison ! Prions pour que le Seigneur aie pitié de ceux
qui auraient pu être tentés par de telles notions reçoivent la grâce de se
corriger, pour revenir à la notion traditionnelle de l’Eglise, telle que l’Eglise
l’a enseignée depuis le début, spécialement St Cyprien contre les Novatiens
et St Augustin contre les Donatistes, tous deux auteurs d’un ouvrage sur l’unité
de l’Eglise.
Quelques textes de Mgr Lefebvre illustreront cet enseignement.
« C’est pourquoi nous comptons sur l’appui de vos prières
et sur votre générosité afin de poursuivre, malgré les épreuves, cette
formation sacerdotale indispensable à la vie de l’Eglise. Ce n’est pas l’Eglise
ni le successeur de Pierre qui nous frappent, mais des hommes d’Eglise imbus
des erreurs libérales qui occupent des postes élevés de l’Eglise et
profitent de leur pouvoir pour faire disparaître le passé de l’Eglise et
instaurer une nouvelle Eglise qui n’a plus rien de catholique. » (Lettre aux
Amis et Bienfaiteurs, 9 sept. 1975 in fine) En d’autres termes, ceux qui
frappaient Mgr Lefebvre étaient bien des « hommes d’Eglise… occup[ant]
vraiment des postes élevés de l’Eglise », mais agissaient contre la
Fraternité, non en tant que « successeur de Pierre », mais bien plutôt en
tant qu’ « imbus des erreurs libérales ».
« L’Eglise n’est pas oecuménique, et à plus forte raison
pas oecuménique libérale, l’Eglise est missionnaire. C’est ce que je n’ai
cessé de répéter dans ma lettre au Cardinal Seper, parce qu’il me demandait
des petites précisions sur des faits, sur notre obéissance, sur la soumission
au Saint-Père, et des choses comme celles-là. Je pense qu’il fallait prendre
le problème de beaucoup plus haut parce que ce sont des raisons profondes et
des raisons très élevées qui nous empêchent d’être parfaitement
obéissants au pape et aux Congrégations romaines. Ce sont des raisons
excessivement importantes. C’est toute une nouvelle orientation de l’Eglise,
qui n’est plus une orientation catholique, qui n’est pas l’orientation de
l’Eglise catholique. Il y a une très grande différence l’Eglise
missionnaire et l’Eglise oecuménique. L’Eglise missionnaire est celle qui
porte la vérité, qui sait qu’elle a la vérité en elle, et qui la porte aux
autres pour les convertir. Elle a pour but de convertir. Tandis que l’oecuménisme
a pour but de trouver ce qui est vrai dans les erreurs et pratiquement de se
mettre au niveau de l’erreur, de mettre toute la vérité au niveau de l’erreur,
et donc d’embrasser les erreurs. Et ça c’est absolument inconcevable. C’est
la destruction de la vérité de l’Eglise. On ne peut pas admettre cela. Or
toutes les réformes, et tout ce qu’on veut nous faire accepter, par la
suppression du séminaire, par la suppression de la Fraternité, par les peines
qui nous sont données, le but, l’intention est toujours de nous faire
accepter tout ce que le Concile a fait et tout ce qui s’est fait après le
Concile, c’est-à-dire cette nouvelle Eglise conciliaire, ce n’est pas l’Eglise
catholique. Cette nouvelle Eglise conciliaire n’est pas l’Eglise
catholique à cause de son oecuménisme. Elle considère l’erreur avec le
même respect que la vérité : vous êtes dans l’erreur, vous êtes aussi
digne que celui qui est dans la vérité. Vous êtes malhonnête, vous êtes
aussi digne que celui qui est dans la vertu. Ce n’est pas possible. Cette
dignité humaine, dont on a fait une espèce de mythe ne correspond plus à la
vérité. » (Conférence spirituelle à Ecône 13 mars 1978) Les deux passages
soulignés ici montrent très bien que ce que Mgr Lefebvre entendait pas «
cette nouvelle Eglise conciliaire », c’est précisément « une nouvelle
orientation de l’Eglise », ce n’est pas une structure séparée.
« Cette Eglise conciliaire … suit des chemins qui ne sont pas
des chemins catholiques et qui mènent tout simplement à l’apostasie… Il
est clair que pour le Vatican, la seule vérité qui existe aujourd’hui, c’est
la vérité conciliaire, c’est "l’esprit du concile", c’est
l’esprit d’Assise. Voilà la vérité d’aujourd’hui. Et cela nous
n’en voulons pour rien au monde, pour rien au monde ! … C’est pourquoi,
constatant cette volonté ferme des autorités romaines actuelles de réduire à
néant la Tradition et de ramener tout le monde dans cet esprit de Vatican II et
cet esprit d’Assise, nous avons préféré nous retirer et dire nous ne
pouvons pas; c’est impossible. Il n’était pas possible de nous mettre sous
cette autorité… dans les mains de ceux qui veulent nous ramener à l’esprit
du concile et à l’esprit d’Assise. Ce n’est pas possible. C’est
pourquoi, j’ai envoyé une lettre au pape en lui disant très clairement :
Nous ne pouvons pas, malgré tout le désir que nous avons d’être en pleine
union avec vous, étant donné cet esprit qui règne maintenant à Rome
et que vous voulez nous communiquer. Nous préférons continuer dans la
Tradition, garder la Tradition en attendant que cette Tradition retrouve sa
place à Rome, en attendant que cette Tradition retrouve sa plaça dans les
autorités romaines, dans l’esprit des autorités romaines. » (Sermon des
Sacres 30 juin 1988) On voit bien que, au moment même le plus solennel de son
opposition à cette « église conciliaire », Mgr Lefebvre entend par cette
expression « l’esprit du Concile, esprit d’Assise… qui règne à Rome…
[c’est-à-dire] dans l’esprit des autorités romaines », c’est-à-dire
dans l’esprit des hommes de la hiérarchie de l’Eglise Romaine, qui est l’Eglise
catholique.
Mgr Lefebvre a toujours été absolument opposé à cet «
esprit » nouveau, esprit qui n’est pas catholique ; mais il n’a jamais
séparé l’Eglise en une « partie pourrie qui n’est pas catholique », et
une « partie catholique », réduisant l’Eglise Catholique à une simple
partie de l’Eglise visible.