SOURCE - SPO - 4 décembre 2012
À la parution du motu proprio Summorum Pontificum, en 2007, je fus de ceux qui estimèrent qu’il était temps de changer définitivement le nom de la Commission « Ecclesia Dei ». Cette appellation renvoie, en effet, au motu proprio Ecclesia Dei Adflicta du pape Jean-Paul II, publié en 1988 à la suite des sacres épiscopaux sans mandat pontifical de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro-Mayer. En 2007, il me semblait, qu’en continuant à s’intituler ainsi, la commission pontificale, en charge des questions liturgiques de ce qui est convenu maintenant d’appeler la « forme extraordinaire » et des communautés qui la célèbrent, continuait de renvoyer à un passé douloureux.
À la parution du motu proprio Summorum Pontificum, en 2007, je fus de ceux qui estimèrent qu’il était temps de changer définitivement le nom de la Commission « Ecclesia Dei ». Cette appellation renvoie, en effet, au motu proprio Ecclesia Dei Adflicta du pape Jean-Paul II, publié en 1988 à la suite des sacres épiscopaux sans mandat pontifical de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro-Mayer. En 2007, il me semblait, qu’en continuant à s’intituler ainsi, la commission pontificale, en charge des questions liturgiques de ce qui est convenu maintenant d’appeler la « forme extraordinaire » et des communautés qui la célèbrent, continuait de renvoyer à un passé douloureux.
En changeant d’appellation, la
commission aurait indiqué également un changement profond d’orientation
générale. En montrant d’abord qu’il était mis fin à la réserve d’indiens
octroyée aux traditionalistes et que ces derniers appartenaient
pleinement au visage visible de l’Église. Ensuite, que l’on pouvait
espérer que la question de la réintégration de la Fraternité Sacerdotale
Saint-Pie X n’était plus qu’une question de temps, qui devait faire sa
part aux discussions, aux blocages psychologiques, à la pesanteur
historique – comment effacer, en effet, des décennies d’opposition, d’un
seul coup de crayon ? – mais finirait par se résoudre naturellement.
Dois-je confesser qu’à cinq ans de
distance, je ne suis pas si sûr d’avoir eu raison et que le changement
de dénomination – d’une portée principalement symbolique – ne me semble
pas aussi urgent qu’en 2007?
Certes, je suis bien conscient de l’avancée lente mais continue des célébrations de l’usus antiquior dans le monde, davantage aux Etats-Unis qu’en Europe pourtant.
Certes, je suis bien conscient de
l’augmentation du nombre d’évêques et de cardinaux qui ont célébré cette
messe, certains à plusieurs reprises et en voyant bien la richesse
doctrinale et spirituelle qu’elle contient.
Certes, je ne peux que me réjouir du succès du pèlerinage du 3 novembre dernier pour les cinq ans du motu proprio Summorum Pontificum,
avec l’apothéose qu’a représenté la célébration du vénérable rite par
le préfet de la Congrégation pour le Culte divin en personne, le
cardinal Canizarès.
Certes, je me réjouis également du maintien, et dans beaucoup de cas, du développement des communautés dites « Ecclesia Dei », pourvues en vocations nombreuses et jeunes, véritable promesse d’avenir.
Certes, je trouve encourageant et
heureux les nombreux prêtres diocésains qui ont appris à célébrer
l’usage antique de la messe, qui désormais s’en nourrissent et puisent à
la fraîcheur de sa doctrine et de sa spiritualité la force d’un
apostolat toujours plus catholique.
Certes je suis heureux de savoir que de
nombreux séminaristes attendent avec impatience l’ordination pour
pouvoir célébrer également ce rite et que certains réclament même une
formation appropriée dans leur séminaire.
Cependant, je ne peux remarquer que
l’autre face de la médaille. Je passerai ici sur les blocages des
évêques, la crainte des curés, les accusations grossières. Je ne
m’arrêterais qu’à deux faits.
– Premier fait : plus que jamais, la
réintégration de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X semble s’éloigner
d’un avenir prochain. À ce titre, « Ecclesia Dei » reste bien « « adflicta ».
Le plus hallucinant dans cette histoire tient à la réception de
Vatican II. Ce concile reste la pierre d’achoppement de part et d’autre.
On le sait des deux côtés. Mais, du côté romain, d’ouvertures en
revirements, Vatican II continue de s’imposer sans que jamais on ne
réponde aux objections qui lui sont faites autrement que par la demande
d’une acceptation pure et simple. Or ce type de questions dépasse
aujourd’hui les rangs même de la Fraternité Saint-Pie X. Cinquante ans
après, Vatican II appartient à l’Histoire et on ne peut simplement pas
effacer ce qui a eu lieu ainsi que ses conséquences.
– Deuxième fait : on assiste
aujourd’hui, dans certains milieux, à la tentative d’imposer une
troisième voie, différente de celle qui fut incarnée en son temps par le
cardinal Lustiger à Paris (une sorte de « ni-ni » ecclésial) mais tout
aussi peu fondée. Cette troisième voie, poussant à l’extrême une
certaine interprétation du motu proprio Summorum Pontificum
entend transformer les livres liturgiques de 1962. Il s’agit notamment
(mais pas seulement) de faire entrer de force le lectionnaire de la
forme ordinaire dans la forme traditionnelle, sous prétexte d’une unité
qui ne serait, en fait, qu’une uniformisation.
Les acteurs d’une telle entreprise, qui
comprend des évêques, des prêtres et des moines, ont déjà essayé de
forcer les choses auprès de la Commission Ecclesia Dei. En son temps,
ils se sont cassés le nez sur le refus de Mgr Pozzo. Il faut donc
espérer qu’il y aura une jurisprudence Pozzo à cet égard, même si rien
n’est certain.
Cette intrusion dans les règles
liturgiques risque certainement d’accroître encore davantage la
confusion et de détruire toujours plus l’unité que l’on prétend
chercher. Elle rompt aussi avec l’esprit même de la liturgie et, sans
aller jusqu’à prétendre que cette intrusion soit de même type que la
révolution protestante, il faut constater, hélas, qu’elle partage avec
elle, heureusement à une dose infime, un des caractères de l’hérésie
anti-liturgique dégagée par dom Guéranger dans les Institutions liturgiques : « la haine de la Tradition dans les formules du culte divin. » Dans le cas d’espèce, il ne s’agit pas d’une « haine » mais évidemment d’une préférence
pour ses propres choix plutôt que pour ceux de l’Église qui, en
l’occurrence, depuis Jean-Paul II jusqu’à Benoît XVI, et, sur ce point,
en plein accord avec la Fraternité Saint-Pie X, a acté pour les livres
liturgiques de 1962. C’est vers une nouvelle confusion liturgique que
nous conduisent ceux qui, de bonne foi, pensent servir ainsi l’Église.
Une telle confusion renforcera, si elle se produit, le côté « adflicta », reculant davantage encore dans le temps et les esprits l’émergence d’une commission Summorum Pontificum qui serait plus en accord avec les vœux du Saint-Père.