Extraits de l’homélie de Son Excellence Mgr Bernard Tissier de Mallerais prononcée à Bruxelles en l’église Saint-Joseph le dimanche 12 septembre 2004, lors de la messe pontificale célébrée pour le 25ème anniversaire de la Fraternité Saint-Pie X en Belgique.
I- Pureté doctrinale et charité missionnaire du sacerdoce
(…) Alors que l’idéal du sacerdoce se perdait et que sa véritable nature se corrompait, Mgr Lefebvre eut l’ idée de fonder une petite armée de prêtres, la Fraternité Saint-Pie X, afin de purifier et d’armer le sacerdoce. Il fallait purifier le sacerdoce de sa perte d’identité, de sa dégradation morale, de son naturalisme pastoral, de sa perte de la foi dans la grâce du Christ, de sa perte de la foi dans la vertu du Précieux Sang de Jésus Christ versé sur la croix et présent sur l’autel. Il s’agissait d’armer les prêtres de la pureté doctrinale et de la charité missionnaire, comme l’écrit Mgr Lefebvre dans son Itinéraire Spirituel. Il fallait redonner aux prêtres la foi dans le véritable sacerdoce catholique : le prêtre est fait pour offrir à Dieu le sacrifice de la messe, le sacrifice expiatoire, renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix. Et puis, en même temps, il fallait redonner aux prêtres la véritable charité missionnaire. Mais qu’est-ce que la charité, qu’est-ce que l’amour du prochain ? Mgr Lefebvre répondait : C’est la vérité en action. Il n’y a pas de vraie charité sans la vérité, mais une vérité en action, efficace, qui fait du bien aux âmes. La charité exige donc la vérité qui combat les erreurs. Voilà la raison du combat de la foi que nous menons contre les erreurs du libéralisme et de la gnose néo-moderniste à Rome.
Voilà notre combat contre les erreurs régnantes dans l’Église, qui prétendent que toutes les religions aboutissent à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais oui ! Jean-Paul II a dit dans son encyclique Tertio Millenio que l’aspiration de toutes les religions du monde aboutit à Jésus Christ ! Nous devons combattre cette erreur. Seule la religion catholique aboutit à Jésus-Christ puisqu’elle est Notre-Seigneur Jésus-Christ communiqué, répandu.
Nous avons aussi le devoir de lutter contre cette négation publique, constante, de la rédemption par le sang de Jésus-Christ. On fait de la rédemption maintenant, vous le savez, la prise de conscience par l’homme de sa dignité. Voilà pourquoi Jésus serait venu sur la terre : pour faire prendre conscience à l’homme de sa dignité. Mais oui, c’est ce qu’on dit sans cesse dans le discours des autorités de l’Église. On affirme par exemple qu’en livrant son Fils à la mort, le Père nous révèle l’estime qu’il a pour la dignité de l’homme. C’est la naturalisation, la falsification naturaliste, gnostique du mystère de la rédemption. Ils n’y croient plus ces modernistes et ils remplacent ce mystère par une prise de conscience de la dignité :
« Sache, ô chrétien, sache que le Père t’aime, le Père céleste t’estime, et que tu es digne !. »
C’est tout ! Et par conséquent, on évacue le Précieux Sang, le rachat du péché, la croix du Christ. On n’en veut plus. On établit à la place de la religion de Jésus-Christ une gnose naturaliste. Voilà l’erreur capitale d’aujourd’hui, celle qu’il faut combattre. Dénonçons-la.
Alors, la Fraternité veut susciter providentiellement des prêtres pour lutter contre cette erreur, pour proclamer le mystère de la rédemption par le sang de Jésus-Christ, qui seul peut effacer les péchés, et par conséquent face à ces erreurs nous redonnons au prêtre son identité. Il est fait pour verser à nouveau (sacramentellement) le sang de Jésus-Christ, pour le répandre sur les âmes, qui s’assemblent au pied de l’autel pour cette fin.
II- But de nos séminaires, d’Ecône en particulier
Ensuite, ces prêtres il faut les préparer. Nous les préparons dans nos séminaires. Que sont nos séminaires ? Les séminaires ont été voulus par le saint concile de Trente et demeurent la seule formule valable au 21ème siècle pour la formation au sacerdoce, véritablement formatrice des intelligences et des volontés des futurs prêtres. Formation des intelligences, tout d’abord, par la saine philosophie de saint Thomas d’Aquin, qui prépare à la théologie et qui est une arme universelle pour dissiper les erreurs, les sophismes, les faux raisonnements de tous les hérétiques, libéraux, laxistes et naturalistes de tous les temps. Formation intellectuelle, solide, thomiste, et ensuite formation morale, formation de la volonté, formation virile je dirais, oui, formation virile par une discipline stricte, librement acceptée et que désirent les jeunes gens. Ils désirent une discipline, ils ont des exigences. Ils veulent une discipline orientée, toute orientée vers l’autel, vers l’office divin, vers la liturgie, vers la vie commune qui règne dans les séminaires, la vie de communauté.
Voyez-vous, je suis à Ecône pratiquement depuis plus de 30 ans. Donc, je suis un témoin privilégié et, depuis les quatre dernières années, je suis là, résidant à Ecône. Je vois donc ce qui se passe. Et j’admire sans arrêt la fermeté du corps professoral, qui a l’œil sur la doctrine, sur la saine doctrine et ne fera pas dévier le séminaire, ni à droite ni à gauche.
Nous gardons la ligne de crête donnée par Mgr Lefebvre et par conséquent, outre les candidats qui n’ont pas la vocation, parce qu’ils n’ont pas l’intention droite de servir l’Église, nous n’hésitons pas à écarter ceux qui ne seraient pas idoines parce qu’ils ne veulent pas suivre cette ligne doctrinale. Un autre motif pour écarter un candidat, c’est le défaut des qualités physiques, psychologiques ou intellectuelles requises. Ce n’est pas nouveau. L’essentiel est donc bien là : veiller à la saine doctrine qui est communiquée aux séminaristes, aux futurs prêtres.
Il y a à Ecône également une formation virile de la volonté parce que notre jeunesse, malheureusement, est de plus en plus fragile, nous le constatons. Elle est de plus en plus émotive, émotionnable, fragilisée par une éducation déficiente, je dois le dire hélas, bien chères familles, une éducation déficiente. Nous sommes confrontés à cette situation. Mais malgré tout notre œuvre continue, prospère ; nous donnons des prêtres à l’Église. C’est le premier but de la Fraternité Saint-Pie X – donner des prêtres à l’Église. Donc, rien d’artificiel au séminaire, rien de guindé, d’inadapté, au contraire. Nous inculquons des principes qui sont des normes d’action pratique, qui sont faits pour être appliqués, pour devenir la pastorale de nos prêtres, comme le disait du reste Mgr Lefebvre quand il était à Dakar et qu’il s’occupait de séminaristes dans les années 1950. Il leur disait ceci :
« Vous devez être des hommes de principes, vous devez avoir l’amour de la vérité par dessus tout et voir vraiment dans la vérité le salut des âmes. »
Ce sont de tels prêtres que nos séminaires vous préparent et vous donnent. Telle est l’œuvre primordiale de la Fraternité : ses séminaires. La formation à cette pureté doctrinale est bien cette vraie charité missionnaire du sacerdoce.
Les œuvres-clés de la Fraternité Saint-Pie X
(…) De tels prêtres ainsi formés, vivant cette vie commune du clergé, que vont-ils faire ? Quelles sont les œuvres principales, les œuvres clés de l’apostolat de la Fraternité Saint-Pie X ? J’en énumérerai quatre. Bien entendu, elles sont réunies autour de la messe, autour de l’autel, c’est clair ; elles ont pour centre le prieuré, l’église, c’est-à-dire, l’autel, le sacrifice. Autour de l’autel, qu’est ce que nous organisons ? Essentiellement quatre choses :
1) Il y a d’abord de vraies familles catholiques, aux nombreux enfants, des familles qui n’hésitent pas, qui n’ont pas peur de donner la vie à de nombreux enfants pour multiplier le nombre des élus du ciel, car c’est la prospérité de l’Église, la gloire de l’Église catholique, l’avenir d’un pays, d’une patrie, la famille nombreuse catholique. C’est une famille sans télévision, sans télé : on l’a remplacée par l’autel familial, le petit autel avec la statue du Sacré-Cœur et celle de la Sainte Vierge, avec les cierges, devant lesquels chaque soir la famille se rassemble pour réciter la prière familiale, le chapelet. Voilà notre télévision ! C’est dans la famille chrétienne qu’ on pratique l’obéissance, les vertus sociales, l’esprit de service, la modestie chrétienne et toutes les belles vertus qui préparent de futurs pères et mères de famille et qui sont le milieu de choix dans lequel le Bon Dieu appellera à son sacerdoce et à la vie religieuse. N’est-ce pas cela la première pierre, le premier effet de la sainte messe : la famille catholique digne de ce nom, docile aux consignes données par vos prêtres ?
2) Nous organisons ensuite l’école intégralement catholique, l’école qui est le prolongement de la famille. Comme disait Pie XI, il faut faire un seul temple divin de l’éducation chrétienne et de la famille. Voilà ce que c’est que l’école : un temple, quelque chose de sacré. Non seulement, disait-il, il faut que la jeunesse reçoive à des heures déterminées des cours de catéchisme mais en outre que tout l’enseignement soit inspiré par la bonne odeur de l’esprit chrétien. Voilà ce qu’on appelle une école intégralement catholique ; et ici j’insisterai : comme il est triste, oui, comme il est lamentable de constater que trop de familles méprisent nos écoles intégralement catholiques pour mettre leurs enfants dans des écoles modernistes. Au contraire, comme elle est admirable, et je dois féliciter les familles qui en font partie, cette poignée de familles résolues, qui ont compris le problème, qui sont prêtes aux sacrifices, à tous les sacrifices, pour donner leurs enfants à nos écoles vraiment catholiques.
Bravo ! Chers fidèles, vous êtes un modèle ! Que ce modèle devienne contagieux, une sainte contagion ! Vous comprenez que nos écoles sont ces bastions, où non seulement les enfants sont protégés contre la corruption intellectuelle et morale mais où ils sont en outre formés, ce qui n’est pas la même chose. Non seulement ils doivent être protégés mais encore ils doivent être formés. Par cette formation toute chrétienne, dans toutes les matières, c’est le même enthousiasme, c’est la même doctrine la même vérité cohérente, convaincante qui va pénétrer dans l’âme de vos chers enfants. C’est à l’école véritablement catholique que l’on apprend que Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi est la clé de toute chose, la clé du monde.
3) Il existe encore une œuvre si importante elle aussi : les Exercices Spirituels de Saint Ignace et les autres retraites, où vous trouvez un nouveau souffle de vie chrétienne. Comme dit saint Ignace, nous faisons les Exercices Spirituels :
« Pour nous vaincre nous-mêmes et régler notre vie sans aucune affection désordonnée. »
Comme c’est nécessaire ! Nous vaincre nous-mêmes, vaincre notre esprit mondain, pour régler notre vie selon la loi de Jésus-Christ et échapper aux pièges, aux filets et aux illusions du démon. Saint Ignace est un maître admirable pour le combat spirituel, car il nous montre comment le démon agit, comment nous devons lui résister et comment nous pouvons le vaincre.
4) Enfin, dernière œuvre, que beaucoup d’entre vous connaissent, l’œuvre des œuvres, comme le dit le Père Marziac, ce sont les anciens retraitants qui seront les propagateurs de ces Exercices Spirituels, des apôtres pour en attirer d’autres aux Exercices Spirituels et par conséquent à la Tradition, à toute la Tradition de l’Église, de vrais apôtres, les meilleurs serviteurs de leurs prêtres au prieuré. Ils seront également des laïcs catholiques, engagés dans la vie publique de leur pays pour propager le règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi. Notre prieuré de Bruxelles s’appelle le prieuré du Christ-Roi. Ce n’est pas par hasard ; c’est la couronne, le couronnement de l’apostolat de la Fraternité Saint-Pie X : rendre à Notre-Seigneur sa couronne, son règne social, pas seulement individuel, mais dans la société, dans la cité. C’est le couronnement du catholicisme intégral tel que saint Pie X l’a conçu : Omnia instaurare in Christo – tout restaurer dans le Christ par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, de son Cœur Immaculé.
Ainsi soit-il.
+ Bernard Tissier de Mallerais