« Nous devons avoir conscience de cette unité. Et c'est pourquoi, nous déplorons d'autant plus le départ de certains de nos membres. Sans doute cela est dû aux circonstances dans lesquelles nous vivons. Circonstances où le doute s'installe partout, où les esprits sont troublés. Circonstances qui veulent que, étant, d'une certaine manière, un corps de combat de première ligne, facilement, ceux qui sont en première ligne, deviendront des francs-tireurs. Ils se croiront avoir une mission particulière. Mais il est dangereux de se constituer en francs-tireurs. On peut, non seulement ne pas accomplir la volonté de Dieu, ne pas accomplir la volonté des supérieurs, mais on peut aussi détruire, involontairement sans doute, l'œuvre que le Bon Dieu nous demande d'accomplir. Et s'ils peuvent être excusés d'une certaine manière, par le fait que nous sommes très dispersés, que physiquement nous sommes très éloignés les uns des autres, dans ce ministère qui absorbe nos activités. Cependant, étant données les années qu'ils ont passées dans cette maison, étant donnés les liens qui les unissaient à la Fraternité, il est douloureux, il est triste de penser qu'ils ont cru devoir nous quitter. Et nous prions Dieu, afin qu'ils comprennent que leur place est dans la Fraternité et que leur activité sacerdotale doit s'exercer dans l'intérieur de la Fraternité, dans l'intérieur d'une famille sacerdotale. Sinon, elle risque d'être fort stérile et de ne pas être bénie par Dieu. »
« Alors c'est pourquoi j'insiste aujourd'hui particulièrement sur cette unité entre nous. Sans doute il est plus facile pour des familles religieuses qui sont des familles monacales, qui forment des monastères, il est plus facile de maintenir cette unité. Pour nous qui sommes très dispersés par la nature même de notre Fraternité Sacerdotale, l'unité peut paraître quelquefois plus difficile. Eh bien, si elle est plus difficile, justement elle demande que nous ayons des liens plus forts, plus solides, plus résolus afin de demeurer unis les uns aux autres et de travailler au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans cette famille religieuse qui est – encore une fois – unie à l'Eglise de toujours. Et unie à l'Eglise d'aujourd'hui, et même unie, je dirais, à ses chefs qui, s'ils sont influencés par les idées modernes - auxquelles nous ne pouvons pas adhérer – s’ils sont influencés par des idées de ce droit nouveau, comme le disait Léon XIII – droit qui a été condamné par Léon XIII et par tous ses prédécesseurs – si en ce sens nous ne nous sentons pas parfaitement en communion de pensée avec ceux avec lesquels nous devrions être en pleine communion de pensée – eh bien, peu importe. Cela ne rompt pas cependant cette unité, car à travers leurs personnes qui devraient être parfaitement soumises à la Tradition, parfaitement soumises à ce que leurs prédécesseurs ont enseigné, eh bien nous sommes réunis par eux, quand même à cette apostolicité qui descend à travers tous les souverains pontifes jusqu'au Souverain Pontife régnant aujourd'hui. »
Mgr Marcel Lefebvre
Écône, le 22 mars 1980
Un franc-tireur est un soldat qui agit indépendamment, qui tire à vue, sans se soucier de quelque hiérarchie que ce soit. A l’occasion d’une ordination au sous-diaconat à Écône, Mgr Lefebvre mettait en garde les futurs prêtres contre ce risque de devenir ce genre de destructeur involontaire. Le 22 mars 1980, le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X n’était pas confronté à une contestation particulière. Il l’avait été par le passé puisqu’étaient partis autour des deux premiers directeurs d’Écône, ceux qui poussaient à régulariser à tout prix la FSSPX et qui reprochaient au supérieur sa dureté. A l’inverse, ceux qui voulaient qu’on puisse au moins considérer comme une option le refus d’accepter la légitimité du pape actuel s’étaient eux aussi manifestés l’année suivante, arguant d’un soi-disant libéralisme de Mgr Lefebvre. Autour d’eux se retrouvaient ceux qui n’envisageaient aucun accord à quelque condition que ce soit.
Les années ont passé et, de part et d’autre, des contestations ont germé, emmenant par-ci par-là un groupe de cinq, parfois dix, voire même une vingtaine de prêtres. Ce qui marque ces différents mouvements, c’est :
Les années ont passé et, de part et d’autre, des contestations ont germé, emmenant par-ci par-là un groupe de cinq, parfois dix, voire même une vingtaine de prêtres. Ce qui marque ces différents mouvements, c’est :
- l’absolue conviction des contestataires d’être dans la continuité du combat initial et, depuis la mort de Mgr Lefebvre, d’être les véritables héritiers du fondateur.
- leur amère condamnation des supérieurs de la FSSPX, accusés de dériver de manière évidente soit vers le sectarisme, soit vers le libéralisme.
- la revendication de l’état de nécessité pour asseoir leur contestation, de l’indispensable résistance doctrinale et donc de la justification de leur désobéissance.
- la coagulation dans ces noyaux de sujets en difficulté depuis plusieurs années qui trouvent à l’occasion de combats plus vifs l’occasion de fédérer les déceptions.
- leurs oppositions internes débouchant sur un délitement une fois le différend acté.
Mgr Lefebvre explique ces dissensions successives par le fait que la FSSPX se trouve dans une situation délicate – on pourrait parler de ligne de crête – où étant ballottée d’une condamnation à une autre, elle subit en interne les conséquences du combat ardent qui provoque l’usure des uns et la crispation des autres. A l’époque où elle était un véritable signe de contradiction, la Compagnie de Jésus connut en son temps ces secousses internes. Enfin, dans ce même passage, Mgr Lefebvre rappelle la nécessaire unité à l’intérieur de la Fraternité et à l’extérieur : unité entre ses membres et unité à l’Église de Rome et au pape, à travers lequel nous sommes unis aux premiers apôtres, et cela en dépit des graves divergences sur lesquelles repose la situation actuelle de la FSSPX.
C.P.
C.P.