SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°389 - 28 mai 2013
Dans notre souci d’information sur tout ce qui touche à la liturgie, nous sommes heureux de donner tout de suite au public français la traduction d'un article paru dans Il Foglio ce matin même (mardi 28 mai 2013), dans la presse transalpine, et qui en dit plus que mille rumeurs.
L’article d’Il Foglio commente en l’amplifiant un article de Sandro Magister
sur son blog, le 25 mai : même s’il ne porte pas le même attachement
que son prédécesseur à la liturgie, comme ses célébrations
journalières semblent l'indiquer, il est très clair que le nouveau Pape
entend ne pas faire bouger les lignes. Sa réponse à une question un peu
naïve d’un évêque des Pouilles qui a voulu le piéger en lui faisant
critiquer le Motu Proprio Summorum Pontificum, révèle au passage
qu’il a subi de fortes pressions pour écarter le Cérémoniaire de
Benoît XVI. Ce à quoi le Pape n'a pas cédé, concluant une espèce de modus vivendi tacite avec Mgr Guido Marini.
Ainsi donc, le message est clair : comme la seconde édition du pèlerinage Summorum Pontificum à Rome nous le montrait clairement (voir notre lettre précédente), la guerre liturgique ne sera pas rallumée.Tout ceci, au total, est très positif, et le pape François entend bien être le Pape de tous sans rejet ni exclusive. MERCI TRÈS SAINT PÈRE !
«PAS TOUCHE À LA MESSE TRADITIONNELLE! LE PAPE FRANÇOIS SURPREND ENCORE TOUT LE MONDE»
28 mai 2013 : Les évêques des Pouilles demandent le retrait du Motu Proprio de Ratzinger. Bergoglio dit non : l'Église a autant besoin de l'ancien que du nouveau (source : http://www.ilfoglio.it/soloqui/18390)
François et le latin
Qui
pensait, avec l'arrivée sur le Siège de Pierre du jésuite sud-américain
Jorge Mario Bergoglio, voir la messe en latin dans sa forme
extraordinaire mise au placard pour toujours, s'est fourré le doigt dans
l'œil. Il n'est pas question de toucher au Motu Proprio Summorum Pontificum
de Ratzinger de 2007, et le missel de 1962 de Jean XXIII – qui est
l'ultime version du missel tridentin de saint Pie V – est sain et sauf.
Cette liturgie où le célébrant est tourné vers Dieu et non vers le
peuple, où la balustrade sépare les bancs des fidèles du presbytère,
n'est pas une vieillerie à reléguer dans un musée poussiéreux. C'est le
Pape lui-même qui l'a dit il y a quelques jours, à l'occasion de sa
rencontre avec les évêques des Pouilles lors de leur visite ad limina apostolorum comme le font tous les évêques tous les cinq ans.
Comme
l'a écrit sur son blog le vaticaniste Sandro Magister, les évêques des
Pouilles ont été les plus loquaces [à propos de leur rencontre avec le
Pape] avec le clergé comme avec la presse. La semaine dernière, l'évêque
de Molfetta, Luigi Martella, a raconté que François était prêt à signer
d'ici la fin de l'année l'encyclique sur la Foi à laquelle Benoît XVI
serait en train de mettre un point final dans le calme du monastère
Ecclesia Mater. Mgr Martella a même ajouté que Bergoglio avait déjà en
tête une seconde encyclique, qui serait consacrée à la pauvreté et
intitulée "Beati pauperes". Ces déclarations ont obligé le
Saint-Siège à démentir, rectifier et préciser, le père Lombardi invitant
à ne penser qu'à « une encyclique à la fois ».
C'est ensuite
l'évêque de Conversano e Monopoli, Domenico Padovano, qui a raconté au
clergé de son diocèse que la priorité des évêques de la région avait été
d'expliquer au Pape que la messe traditionnelle créait de graves
divisions au sein de l'Église. Sous-entendu : il faut supprimer Summorum Pontificum ou, tout du moins, fortement le limiter. Sauf que François a dit non.
C'est
toujours Mgr Padovano qui le dit, expliquant que le Pape leur a demandé
de demeurer vigilants sur l'extrêmisme de certains groupes
traditionalistes tout en les invitant à « faire trésor » de la Tradition
et à créer les conditions pour que celle-ci puisse vivre avec
l'innovation. À ce propos, comme l'écrit Magister, Bergoglio aurait même
raconté les pressions subies après son élection pour éloigner le Maître
des cérémonies pontificales, Guido Marini, décrit au Pape comme un
traditionaliste à renvoyer à Gênes, la ville qu'il abandonna à
contre-cœur en 2007 pour répondre à l'appel de Benoît XVI qui le voulait
à Rome. Là encore, le pape François a signifié son opposition à tout
bouleversement du bureau des cérémonies pontificales. Et il l'a fait
pour « tirer profit de la vision traditionnelle » [de Monseigneur
Marini] et permettre au doux et réservé cérémoniaire de « bénéficier de
ma formation plus émancipée ».
La différence culturelle est indéniable : le jésuite qui, par tradition ignacienne, "nec rubricat nec cantat",
se retrouve soudainement catapulté dans une réalité qui, au cours de
ces huit dernières années, a vu patiemment et lentement remis à
l'honneur des éléments liturgiques abandonnés au fil des trente ou
quarante années précédentes, justifiant ainsi ceux qui voient le Concile
aussi comme une rupture liturgique. Le fil conducteur des célébrations
de Benoît XVI peut se résumer dans la synthèse entre solennité et
sobriété : le retour des sept chandeliers et du crucifix central sur
l'autel et les invitations à ne pas applaudir [durant la messe] en sont
un exemple. Et puis le latin, langue de l'Église, utilisé pour les
célébrations non seulement à Rome mais partout sur le globe, y compris
en Afrique. En mars, beaucoup, en voyant le visage fermé de Marini lors
de la première apparition de Bergoglio à la Loge des Bénédictions, sans
camail ni étole, avaient annoncé sa mise à l'écart imminente. En
revanche, le pape François sait bien que Rome n'est pas Buenos Aires et
que la fonction pontificale requiert de maintenir un minimum d'apparat
symbolique ancré dans l'histoire et la tradition millénaire de l'Église
catholique.
La continuité qui ne plaît pas à tous
La
restauration survenue durant le pontificat de Benoît XVI ne plaît pas à
tous, y compris à l'intérieur de la cité léonine. Monseigneur Sergio
Pagano, préfet des Archives secrètes du Vatican, expliquait ainsi, le 7
mai dernier, en marge de la présentation de la constitution "Humanae salutis"
convoquant le Concile, que « quand je vois aujourd'hui sur certains
autels des basiliques ces sept chandeliers de bronze qui dominent la
Croix, je me dis que l'on a encore compris bien peu de choses de la
constitution "Sacrosanctum Concilium" sur la liturgie ». Voici
pourquoi quelqu'un comme Mgr Felice Di Molfetta, évêque de
Cerignola-Ascoli Satriano – qui, depuis toujours, considère la messe
dans la forme extraordinaire incompatible avec le missel de Paul VI,
expression ordinaire de la lex orandi de l'Église catholique de
rite latin – a récemment fait savoir à ses fidèles qu'il avait vivement
félicité le pape François « pour le style de ses célébrations, inspiré
de la noble simplicité voulue par le Concile».