SOURCE - DICI - 9 août 2013
Une décision romaine touchant les Franciscains de l’Immaculée fait grand bruit à Rome, au beau milieu de l’été. En effet, suite à une visite apostolique commencée il y a un an, la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique a pris, avec l’approbation explicite du pape François, un décret daté du 11 juillet 2013, mais connu seulement quelques jours plus tard, décret qui nomme un Commissaire apostolique pour diriger les Franciscains de l’Immaculée jusqu’à la réunion de leur prochain Chapitre général en 2014 et qui impose la messe de Paul VI à tous les membres, sauf autorisation expresse du Commissaire.
Une décision romaine touchant les Franciscains de l’Immaculée fait grand bruit à Rome, au beau milieu de l’été. En effet, suite à une visite apostolique commencée il y a un an, la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique a pris, avec l’approbation explicite du pape François, un décret daté du 11 juillet 2013, mais connu seulement quelques jours plus tard, décret qui nomme un Commissaire apostolique pour diriger les Franciscains de l’Immaculée jusqu’à la réunion de leur prochain Chapitre général en 2014 et qui impose la messe de Paul VI à tous les membres, sauf autorisation expresse du Commissaire.
La Congrégation des Frères Franciscains de l’Immaculée a été fondée en 1970 par deux franciscains, le P.Stefano Manelli et le P. Gabriele Pellettieri. Cette congrégation a été approuvée, selon le droit diocésain, par l’archevêque de Bénévent, Mgr Carlo Minchiatti, en 1990. Et le 1er janvier 1998, elle a été reconnue de droit pontifical.
Les Franciscains de l’Immaculée, qui aujourd’hui comptent environ 400 religieux dans plus de 50 maisons, sont à la tête de plusieurs stations de radio et de télévision dans le monde, ils dirigent plusieurs sites et une maison d’éditions, Casa Mariana Editrice, qui a publié des dizaines d’ouvrages, dont le livre de MgrBrunero Gherardini, Vatican II, un débat à ouvrir. La branche féminine, les Sœurs Franciscaines de l’Immaculée, érigée de droit pontifical la même année que les Frères, regroupe plus de 400 religieuses.
Or, il y a six ans, à la suite du motu proprio Summorum Pontificum (7 juillet 2007) reconnaissant que la messe de saint Pie V n’avait jamais été abrogée, la congrégation des Franciscains de l’Immaculée a commencé à adopter de manière habituelle – mais non exclusive – la messe traditionnelle. C’est pourquoi la décision romaine suscite quelques questions.
L’historien Roberto de Mattei s’interroge : « Quelle est l’intention de la suprême autorité ecclésiastique ? Supprimer la Commission Ecclesia Dei et abroger le motu proprio de Benoît XVI ? Dès lors, il faut le dire explicitement, afin que les conséquences puissent en être tirées. Et si tel n’est pas le cas, pourquoi poser un décret inutilement provocateur à l’encontre du monde catholique qui se réfère à la Tradition de l’Eglise ? Ce monde connaît une phase de grande expansion, surtout parmi les jeunes, et ceci est peut-être la principale raison de l’hostilité dont il fait aujourd’hui l’objet. »
Ce sont les cinq dernières lignes du décret du 11 juillet qui provoquent le plus d’étonnement : “En plus de ce qui est indiqué ci-dessus, le Saint Père François a décidé que tous les religieux de la congrégation des Frères Franciscains de l’Immaculée sont tenus de célébrer la liturgie selon le rite ordinaire et que, éventuellement, l’usage de la forme extraordinaire (Vetus Ordo) devra être explicitement autorisé (c’est nous qui soulignons) par les autorités compétentes, pour tous les religieux et/ou communautés qui en feront la demande”.
Et le vaticaniste Sandro Magister de souligner : « L’étonnement est dû au fait que ce qui est ainsi décrété contredit les dispositions prises par Benoît XVI. Celles-ci n’exigent, pour la célébration de la messe selon le rite ancien sine populo, aucune demande préalable d’autorisation. (…) Et pour les messes cum populo, elles fixent quelques conditions, mais toujours en assurant la liberté de célébrer.
« En général, il est possible d’exercer, contre un décret pris par une congrégation du Vatican, un recours devant le Tribunal suprême de la signature apostolique (…), mais si le décret fait l’objet d’une approbation du pape sous une forme spécifique, comme cela semble être le cas dans cette affaire, le recours n’est pas admis. Les Franciscains de l’Immaculée devront se conformer à l’interdiction de célébrer la messe selon le rite ancien à partir du dimanche 11 août. »
Quelles sont les raisons de ce décret romain ? Le journaliste Yves Chiron a interrogé un historien italien,Fabrizio Cannone, dans Aletheia (n°204 – 31 juillet 2013), sur d’éventuelles dissensions à l’intérieur de la communauté des Franciscains de l’Immaculée. Voici sa réponse : « Depuis un certain temps il y avait des divergences entre les membres de l’Institut. Des divergences essentiellement de deux types. D’abord, il y a eu des critiques toujours plus fortes contre le Fondateur et supérieur général, qui a eu depuis peu 80 ans, et que certains jugent ne plus être en mesure de bien suivre les multiples activités et le développement de l’Institut. (…)
« La seconde critique interne s’est fait jour après le motu proprio de 2007 : si la majorité des prêtres a accepté le document et en a fait un large usage, toujours néanmoins en respectant la pastorale diocésaine, certains religieux ont vu d’un mauvais œil cette supposée ‘tridentinisation’, peut-être inattendue. La cause selon moi significative est que l’Institut est peut-être l’unique au monde, au moins parmi ceux qui ont une certaine importance numérique, à avoir voulu passer, au moins pour les célébrations internes à la communauté, à la liturgie traditionnelle : et cela, je le répète, à la plus grande joie du plus grand nombre des prêtres, simples frères, religieuses et laïcs du tiers-ordre. Signe qu’il devait exister et qu’il existe un lien entre leur spiritualité et la spiritualité typique du rite traditionnel. Certains prêtres n’ont pas accepté cette évolution, pourtant prévue par le texte même du motu proprio, et ont commencé une fronde contre le P. Manelli, contre le co-fondateur P. Gabriele et les autres membres du Conseil. D’où la visite canonique, le décret et la nomination d’un Commissaire.»
Et Fabrizio Cannone de conclure : « Cette mesure semble une mesure de punition, en ce sens que l’éventuel gouvernement déficient des Supérieurs et le supposé manque de sensus Ecclesiae, sont des choses différentes et éloignées de la forme liturgique adoptée. Qui plus est, dans ce cas, on constate aussi les nombreux fruits de jeunes vocations. »
Interrogé sur ce décret, le P. Federico Lombardi, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, a déclaré qu’il s’agissait d’une décision visant à répondre à des problèmes spécifiques et à des tensions au sein de la communauté des Frères franciscains de l’Immaculée, et il a assuré qu’il ne s’agissait pas de contredire le motu proprio Summorum Pontificum libéralisant l’usage de l’ancien rite.
C’est dans ce contexte que l’on apprenait, le samedi 2 août, que la Commission pontificale Ecclesia Dei avait un nouveau secrétaire. En effet, le pape venait de nommer à ce poste Mgr Guido Pozzo, archevêque de Bagnoregio en Italie qui était jusque là Aumônier du pape, et qui avait déjà occupé cette charge de juillet 2009 à novembre 2012.
Selon le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi et de la Commission Ecclesia Dei, le rappel « de quelqu’un qui connaît très bien les dossiers » permettra à cette commission de « bénéficier de son expérience et de son savoir », à un moment où elle est confrontée à plusieurs sujets cruciaux. Dans La Croix du 5 août, le cardinal Ricard considère qu’à propos de la Fraternité Saint-Pie X l’heure est au « constat d’un échec des négociations, des rencontres et des dialogues » ; la récente déclaration de ses évêques, à l’occasion du 25e anniversaire des ordinations épiscopales (Voir DICI n°278 du 05/07/13), « constitue une fin de non-recevoir ». Selon le prélat français, le « nouveau » secrétaire de la Commission Ecclesia Dei pourrait être à même de « savoir si l’on peut désensabler quelques dossiers », alors que Mgr Gerhard Müller, président de la Congrégation de la foi, « comprend plus difficilement » le refus de la Fraternité Saint-Pie X de reconnaître tout le concile Vatican II, et que Mgr Augustine Di Noia, vice-président de la Commission Ecclesia Dei depuis le 26 juin 2012, « ne peut que constater la complexité du dossier ».
A Rome, un observateur attentif du dossier nous fait savoir que sur le rappel de Mgr Pozzo « il n’y a pas encore d’explications officieuses ou officielles. La seule conclusion qu’on peut en tirer, est que pour l’instant il n’y a pas d’intention de faire disparaître cette commission, comme certains en avaient fait courir le bruit. Les fortes réactions provoquées par le décret concernant les Franciscains de l’Immaculée ont surpris plus d’un responsable romain. Attendons la suite… Car nous sommes au mois d’août, beaucoup sont en vacances, et il est difficile d’avoir des informations sûres. »
(Sources:Apic/IMedia/Aletheia/LaCroix/news.va/corrispondenzaromana.it/chiesa.espressonline.it/sources privées – DICI n°280 du 09/08/13)