Ce
n’est peut-être pas un hasard si Jean Madiran nous a quittés, le 31 juillet
2013, à l’âge de 93 ans, au moment même où explosait dans l’Église le
“cas” des Franciscains de l’Immaculée. Les Frères franciscains du père
Stefano Manelli vivent aujourd’hui un drame que Madiran et d’autres
pionniers de la résistance catholique au progressisme avaient vécu dans les
années soixante-dix du XXe siècle, au lendemain de la promulgation du Novus
Ordo Missae de Paul VI.
Jean Madiran, pseudonyme de Jean Arfel, était né le 14 juin 1920 à Libourne dans le département de la Gironde et dès son plus jeune âge il montra ses talents d’écrivain et de journaliste. Il fut proche de Charles Maurras, mais une profonde conversion intellectuelle lui permit de découvrir la pensée de saint Thomas d’Aquin à l’école de maîtres tels Étienne Gilson et Charles de Koninck. À 36 ans, en 1956, il créa la revue Itinéraires , destinée à devenir pendant près de quarante ans, le point de repère en France du monde lié à la Tradition. En 1982, il fut le cofondateur du quotidien Présent dans lequel il a continué à publier ses articles, extrêmement lucides, jusqu’à quelques semaines avant sa mort. Avec Augusto Del Noce et Alain Besançon et quelques autres auteurs, il fut un des penseurs les plus accérés sur les sources idéologiques du communisme (surtout avec La vieillesse du monde, Dominique Martin Morin, 1966). Mais il fut aussi un observateur impitoyable du processus d’autodémolition de l’Église, en particulier dans ses œuvres L’hérésie du XXe siècle (Nouvelles Éditions Latines, 1968) et La révolution copernicienne dans l’Église (Éditions de Paris, 2004).
L’hérésie du XXe siècle a été le premier livre de Madiran traduit en italien en 1972 par l’éditeur Giovanni Volpe. Dans ce livre où il dit avoir exprimé toutes les raisons profondes de la bataille intellectuelle de toute sa vie (Présent, 13-14 mai 1988), Madiran dénonce l’éloignement de l’épiscopat français de la doctrine sociale de l’Église, et il y voit une des causes principales de la crise de notre temps. En 2011 deux autres ouvrages significatifs ont été traduits et publiés en Italie : L’accordo di Metz tra Cremlino e Vaticano (Editore Pagine) et La destra e la sinistra (Fede & Cultura).
Mais ces jours-ci, Madiran mérite d’être signalé pour sa ferme défense de la Messe traditionnelle : il en a tracé la genèse dans son Histoire de la Messe interdite (2 vol.,Via Romana, 2007 et 2009). Après la Constitution apostoliqueMissale Romanum par laquelle Paul VI, le 3 avril 1969, avait promulgué la nouvelle Messe, le 12 novembre de la même année le cardinal Marty, président de la Conférence épiscopale française, publiait un décret qui imposait, à partir du 1er janvier 1970, le nouvel Ordo Missae en langue française. Cela entraînait que la Messe traditionnelle, en vigueur depuis des siècles, serait dès lors interdite. Ce fut alors que commença une bataille qui n’est pas encore terminée.
Depuis les années cinquante du XXe siècle, mais peut-être même avant – rappelle Madiran – les évêques et les théologiens français avaient pris leurs distances avec l’Église de Rome en l’accusant d’être prisonnière d’une école théologique et juridique répressive. Le Concile Vatican II fut l’occasion espérée pour déclencher l’offensive contre l’école théologique romaine et pour contribuer au revirement liturgique de Paul VI, sensible, dès son plus jeune âge, aux suggestions des milieux progressistes français. Quand le Concile s’ouvrit, en octobre 1962, le père Yves Congar, futur cardinal, le définit « la Révolution d’octobre dans l’Église » (en se référant à la Révolution léniniste d’octobre 1917): une Révolution qui n’eut pas son apogée dans les documents du Concile mais dans la Réforme liturgique qui en suivit.
Jean Madiran, pseudonyme de Jean Arfel, était né le 14 juin 1920 à Libourne dans le département de la Gironde et dès son plus jeune âge il montra ses talents d’écrivain et de journaliste. Il fut proche de Charles Maurras, mais une profonde conversion intellectuelle lui permit de découvrir la pensée de saint Thomas d’Aquin à l’école de maîtres tels Étienne Gilson et Charles de Koninck. À 36 ans, en 1956, il créa la revue Itinéraires , destinée à devenir pendant près de quarante ans, le point de repère en France du monde lié à la Tradition. En 1982, il fut le cofondateur du quotidien Présent dans lequel il a continué à publier ses articles, extrêmement lucides, jusqu’à quelques semaines avant sa mort. Avec Augusto Del Noce et Alain Besançon et quelques autres auteurs, il fut un des penseurs les plus accérés sur les sources idéologiques du communisme (surtout avec La vieillesse du monde, Dominique Martin Morin, 1966). Mais il fut aussi un observateur impitoyable du processus d’autodémolition de l’Église, en particulier dans ses œuvres L’hérésie du XXe siècle (Nouvelles Éditions Latines, 1968) et La révolution copernicienne dans l’Église (Éditions de Paris, 2004).
L’hérésie du XXe siècle a été le premier livre de Madiran traduit en italien en 1972 par l’éditeur Giovanni Volpe. Dans ce livre où il dit avoir exprimé toutes les raisons profondes de la bataille intellectuelle de toute sa vie (Présent, 13-14 mai 1988), Madiran dénonce l’éloignement de l’épiscopat français de la doctrine sociale de l’Église, et il y voit une des causes principales de la crise de notre temps. En 2011 deux autres ouvrages significatifs ont été traduits et publiés en Italie : L’accordo di Metz tra Cremlino e Vaticano (Editore Pagine) et La destra e la sinistra (Fede & Cultura).
Mais ces jours-ci, Madiran mérite d’être signalé pour sa ferme défense de la Messe traditionnelle : il en a tracé la genèse dans son Histoire de la Messe interdite (2 vol.,Via Romana, 2007 et 2009). Après la Constitution apostoliqueMissale Romanum par laquelle Paul VI, le 3 avril 1969, avait promulgué la nouvelle Messe, le 12 novembre de la même année le cardinal Marty, président de la Conférence épiscopale française, publiait un décret qui imposait, à partir du 1er janvier 1970, le nouvel Ordo Missae en langue française. Cela entraînait que la Messe traditionnelle, en vigueur depuis des siècles, serait dès lors interdite. Ce fut alors que commença une bataille qui n’est pas encore terminée.
Depuis les années cinquante du XXe siècle, mais peut-être même avant – rappelle Madiran – les évêques et les théologiens français avaient pris leurs distances avec l’Église de Rome en l’accusant d’être prisonnière d’une école théologique et juridique répressive. Le Concile Vatican II fut l’occasion espérée pour déclencher l’offensive contre l’école théologique romaine et pour contribuer au revirement liturgique de Paul VI, sensible, dès son plus jeune âge, aux suggestions des milieux progressistes français. Quand le Concile s’ouvrit, en octobre 1962, le père Yves Congar, futur cardinal, le définit « la Révolution d’octobre dans l’Église » (en se référant à la Révolution léniniste d’octobre 1917): une Révolution qui n’eut pas son apogée dans les documents du Concile mais dans la Réforme liturgique qui en suivit.
Quand,
en avril 1969, le nouvel Ordo
Missae entra en vigueur, des membres éminents de la hiérarchie publièrent
une critique serrée. Les cardinaux Ottaviani et Bacci présentèrent à Paul VI
un Bref
examen critique du Novus Ordo Missaerédigé par un groupe de théologiens
de choix et de différentes nationalités, dans lequel ils affirmaient que
« le Novus
Ordo Missae(…) s’éloigne
de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie
catholique de la Sainte Messe,
telle qu’elle a été formulée à la XXIIe session du Concile de Trente,
lequel, en fixant définitivement les “canons” du rite, éleva une barrière
infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité
du Mystère ». La critique du Novus
Ordo a été successivement développée par d’éminents penseurs laïcs
parmi lesquels le Français Louis Salleron, l’Anglais Michael Davies ou le Brésilien
Arnaldo Xavier da Silveira. En France Jean Madiran fut un ardent diffuseur du Bref
examen critique et il publia, dans Itinéraires,
les voix de tous ceux qui, en conscience, ne pouvaient accepter la nouvelle
Messe. Un illustre canoniste, l’abbé Raymond Dulac, republia, en avril 1972,
avec un commentaire approfondi, la bulle Quo
primum(1570) de saint Pie V, où il démontre que la constitution Missale
Romanum de Paul VI n’avait pas abrogé et ne pouvait pas abroger la
bulle tridentine qui garantissait à la Messe restaurée par le pape Ghislieri,
un indult-privilège perpétuel.
En
janvier 1973, Itinéraires publiait
un appel sous forme de lettre de Madiran à Paul VI, daté du 21 octobre 1972,
et qui commençait par ces mots : « Très
Saint Père, rendez-nous l’Écriture, le catéchisme et la messe. Nous en
sommes de plus en plus privés par une bureaucratie collégiale, despotique et
impie qui prétend à tort ou à raison, mais qui prétend sans être démentie
s’imposer au nom de Vatican II et de Paul VI. Rendez-nous la messe catholique
traditionnelle, latine et grégorienne selon le Missel romain de saint Pie V.
Vous laissez dire que vous l’auriez interdite. Mais aucun pontife ne pourrait,
sans abus de pouvoir, frapper d’interdiction le rite millénaire de l’Église
catholique, canonisé par le concile de Trente. L’obéissance à Dieu et à
l’Eglise serait de résister à un tel abus de pouvoir, s’il s’était
effectivement produit, et non pas de le subir en silence ». La lettre
fut successivement signée et commentée par d’illustres personnalités comme
Alexis Curvers, Marcel De Corte, Henri Rambaud, Louis Salleron, Eric de
Saventhem, Jacques Trémolet de Villers, dans un volume, d’une grande actualité,
ayant pour titre Réclamation
au Saint-Père (Nouvelles Éditions Latines, 1974).
Pour
Madiran le problème de la Messe était étroitement lié à celui du catéchisme
et de l’Écriture Sainte. L’interdiction de la Messe avait été en effet précédée
par l’interdiction générale, dans les diocèses français, de tous les catéchismes
préconciliaires, et surtout du remarquable catéchisme de saint Pie X. Pendant
vingt-sept ans, de 1965 à 1992, année où Jean-Paul II publia le nouveau Catéchisme
de l’Église catholique, l’Église française resta sans catéchismes
et, de fait, sans instruction religieuse pour les enfants. Ces interdictions
s’accompagnaient, et s’accompagnent encore aujourd’hui, d’un vandalisme exégétique qui
bouleverse l’Écriture Sainte. Il suffit de rappeler que les commentateurs de
la Bible en langue française considèrent que toutes les paroles de Jésus dans
les Évangiles ont été inventées après Sa mort. Entre autre, à partir de
1965, le mot consubstantiel,
introduit dans le langage dogmatique au concile de Nicée (325), fut mis au ban
par les évêques français. Depuis presque cinquante ans, quand on récite le Credo,
on ne dit plus « de même substance » mais « de même nature »,
sous l’absurde prétexte que le terme « substance » a changé de
signification au cours du temps. Cela implique que l’on rend vain le dogme
central du christianisme exprimé par le terme transsubstantiation.
À
la protestation de Madiran et des théologiens d’Itinéraires, s’agrégea
l’appel adressé à Paul VI, le 6 juillet 1971, par cinquante-sept représentants
du monde culturel anglais, dont le célèbre écrivain Agatha Christie. Ils
mettaient en garde le Saint-Siège « de
l’effrayante responsabilité qu’il encourrait dans l’histoire de
l’esprit humain s’il refusait de permettre la survie de la messe
traditionnelle ». Parmi les signataires figuraient d’éminentes
personnalités du monde entier dont les écrivains anglais Agatha Christie,
Robert Graves, Graham Green, Malcolm Mudderidge, Bernard Wall, mais aussi Romano
Amerio, Augusto Del Noce, Marcel Brion, Julien Green, Yehudi Menuhin, Henri de
Montherlant, Jorge Luis Borges. Les appels des fidèles de toutes nationalités
qui demandaient la restitution, ou du moins la par
condicio pour la Messe traditionnelle, commençaient à se multiplier
surtout grâce à l’initiative de l’association Una Voce. Trois pèlerinages
internationaux se déroulèrent à Rome pour reconfirmer la fidélité à la
Messe et au catéchisme.
Ce
vaste mouvement de résistance se développa entre 1969 et 1975, bien avant
l’explosion du “cas Lefebvre” qui eu lieu le 29 juin 1976, quand
l’archevêque français conféra le sous-diaconat et la prêtrise à 26 de ses
séminaristes en encourant la suspens
a divinis. L’année suivante, lors d’une mémorable conférence qui eu
lieu à Rome, au palais Pallavicini, Mgr Lefebvre posa des questions qui n’ont
pas encore eu de réponses :« Comment
se fait-il qu’en continuant à faire ce que j’ai fait pendant 50 ans de ma
vie, avec les congratulations et les remerciements de Papes, et en particulier
du Pape Pie XII qui m’honorait de son amitié, je me retrouve aujourd’hui à
être presque considéré comme un ennemi de l’Église (…). Je ne crois pas
qu’une telle chose soit possible et concevable. Il y a donc quelque chose qui
a changé dans l’Église, quelque chose qui a été changé par les hommes
d’Église, dans l’histoire de l’Église ». Mgr
Lefebvre, à tort présenté comme le “chef” des traditionalistes, fut en réalité
l’expression la plus visible d’un phénomène qui allait bien au delà de sa
personne et qui tirait son origine et sa cause première des problèmes soulevés
par le Concile Vatican II et de son application.
Dans
les quatorze années du pontificat de Paul VI (1963-1978), le “parti montinien”
occupa tous les postes de pouvoir, à commencer par les dirigeants de la Curie
romaine jusqu’à la présidence des conférences épiscopales. Le processus
d’autodémolition de l’Église devint de plus en plus dramatique et Jean
Paul II hérita une situation ingouvernable. Cependant, à partir de son
pontificat, l’hostilité envers la Messe traditionnelle commença
imperceptiblement à diminuer. Le Pape forma une commission secrète de neuf
cardinaux pour étudier la question liturgique. Ils conclurent qu’il
n’existait aucune raison, ni théologique ni juridique, qui justifiait
l’interdiction du Rit tridentin. Le 3 octobre 1984, la lettre Quattuor
abhinc annos, adressée par la Congrégation du Culte divin aux présidents
des Conférences épiscopales, décréta un indult pour permettre les célébrations
de la Messe tridentine jusqu’alors considérée interdite. La plus grande
partie des évêques refusa d’appliquer cette mesure et alors Jean-Paul II,
dans la lettre apostoliqueEcclesia
Dei du 2 juillet 1988, à la suite de la rupture entre Rome et la
Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, enjoignit de respecter « les
dispositions intérieures de tous ceux qui se sentent liés à la tradition
liturgique latine, et cela par une application large et généreuse des
directives données en leur temps par le Siège apostolique pour l’usage du
missel romain selon l’édition typique de 1962 ».
Le
résultat de cette mesure fut tout aussi décevant à cause de
l’obstructionnisme sourd des évêques. Le cardinal Ratzinger, qui avait
toujours mis la liturgie au centre de ses intérêts (cf. Autour
de la Question Liturgique, Actes des Journées liturgiques de Fontgombault,
22-24 Juillet 2001, Abbaye Notre-Dame, 2001), une fois élu Pape, décida de régler
personnellement la question et le 7 juillet 2007 promulgua le Motu proprio Summorum
Pontificum, par lequel il restituait la libre et pleine citoyenneté à
l’ancien Rit romain. Les “résistants” des années soixante-dix, après
presque quarante ans, voyaient enfin leurs efforts récompensés. « Dimanche
dernier – écrivait Jean Madiran le 6 septembre 2007 – je
suis revenu, je n’étais pas le seul, dans l’église qui est à quelques pas
de chez moi, au lieu d’avoir à faire vingt kilomètres aller et vingt retour.
L’important, bien sûr, n’est pas que nous y soyons revenus, mais que la
messe y soit de retour. Quelle grâce ! » (Chroniques
sous Benoît XVI, Via Romana, 2010, p. 197).
L’Église
à laquelle Benoît XVI a rendu la Messe traditionnelle, est une Église malade,
occupée par des prélats progressistes qui continuent à se servir du Concile
Vatican II comme d’une massue pour frapper leurs ennemis. Ceci est bien le cas
des Franciscains de l’Immaculée, frappés injustement pour leur attachement
à la Messe traditionnelle, avec un décret qui représente une violation des
lois universelles de l’Église, en particulier du Motu proprioSummorum
Pontificum du pape Benoît XVI, jamais abrogé, qui accorde à tout prêtre
la liberté de célébrer la Messe selon la forme dite “extraordinaire”.
La
Mère Maria Francesca Perillo, des Sœurs Franciscaines de l’Immaculée, dans
sa conférence sur Le
origini apostolico-patristiche della Messa cosiddetta “tridentina” (Les
origines apostolico-patristiques de la Messe dite tridentine) – inIl
Motu proprio “Summorum Pontificum” di S.S. Benedetto XVI. Una speranza per
tutta la Chiesa, vol. 3, sous la direction du Père Vincenzo Nuara o.p.,
Fede e Cultura, 2013, pp. 93-135 –, a expliqué de manière bien documentée
comment le rite en vigueur jusqu’en 1969, remonte, dans ses éléments
essentiels, au pape Grégoire le Grand et de lui, sans césure, aux temps
apostoliques et de là à la dernière Cène et au sacrifice sanglant de Notre
Seigneur Jésus-Christ, dont chaque Messe est une représentation non sanglante.
Dans le volume La
Réforme liturgique en question qui, dans son édition française (Éditions
Sainte-Madeleine, 1992) est honorée d’une préface du cardinal Josef
Ratzinger, Mgr Klaus Gamber, le grand liturgiste allemand très admiré par le
pape Benoît XVI, affirme qu’aucun Pape n’a le droit de changer un rite qui
remonte à la Tradition Apostolique et qui s’est formé au cours des siècles,
comme l’a été la Messe dite de saint Pie V. Il existe clairement des limites
à la plena
et suprema
potestas du Pape et Mgr Gamber, se rapportant aux théologiens Suarez
et Cajetan, en arrive à écrire que « le
Pape serait schismatique “s’il ne voulait pas – comme il est de son devoir
– maintenir l’unité et le lien avec le corps tout entier de l’Église,
par exemple s’il essayait d’excommunier l’Église toute entière ou s’il
voulait modifier tous les rites confirmés par la tradition apostolique” » (p.
37).
Le
Motu proprio de Benoît XVI a mis en évidence que le Rite romain traditionnel
de la Messe n’a jamais été abrogé (et ne pouvait pas l’être), et que la
nouvelle Messe de Paul VI est facultative : en tant que telle on peut la
critiquer et la rejeter. Aucun prêtre ne peut être obligé de célébrer la
nouvelle Messe ou de ne pas célébrer librement la Messe traditionnelle. Tout décret
ou ordonnance qui viseraient ces fins, constitueraient un abus qu’il faudrait
dénoncer et refuser. Jean Madiran a montré, par son exemple intellectuel, que
l’espace pour la résistance catholique aux ordres injustes est vaste et légitime.
Et il ne fut pas une voix isolée. À ses obsèques, célébrées selon le rit
“extraordinaire” par le père abbé du Barroux, dom Louis Marie, étaient présents
tous les représentants des plus importantes communautés traditionnelles, de la
Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre à l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre,
de l’Institut Bon Pasteur à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Jean
Madiran, qui s’est défini comme un « un
témoin à charge contre mon temps » (interview à l’abbé Guillaume
de Tanoüarn, Certitudes,
juillet-septembre 2002), fut avant tout un catholique militant. Jusqu’aux
derniers jours de sa vie, il revendiqua avec fierté sa filiation culturelle et
spirituelle, en se reconnaissant dans cette école catholique contre-révolutionnaire,
dite “ultramontaine” pour son attachement au Primat romain, qui eut en
France parmi ses représentants principaux Louis Veuillot, dom Guéranger, le
cardinal Pie. De cette école de pensée, non seulement française, il en a résumé
les principes et en a tracé la vaste généalogie (L’école
(informelle) contre-révolutionnaire, Présent,
18 février 2011). Ceux qui critiquent avec suffisance le monde traditionnel
italien, comme l’ont fait le 6 août, Gianni Gennari dans Il
Foglio et Paolo Rodari dans La
Repubblica, ne se rendent pas compte que ce monde a des racines
intellectuelles profondes et qu’il montre toute sa vitalité à l’occasion
de controverses, tout comme celle en cours sur les Franciscains de l’Immaculée
et sur la Messe traditionnelle.
Chacun
de nous, qu’il en soit conscient ou non, appartient à un parti, à une école,
à une famille d’âmes. Dans la vie il s’agit de choisir de quel côté on
veut être. Jean Madiran aurait certainement été du côté de tous ceux qui
aujourd’hui continuent à manifester avec fermeté leur fidélité inébranlable
à l’ancien Rite romain.