SOURCE - DICI - 13 septembre 2013
A peine nommé et pas encore en poste, le nouveau Secrétaire d’Etat, Mgr Pietro Parolin, a accordé le 8 septembre 2013 un entretien au journal vénézuélien El Universal, dans lequel il déclare que le célibat des prêtres « n’est pas un dogme de l’Eglise, il peut être discuté parce que c’est une tradition ecclésiastique. »
A peine nommé et pas encore en poste, le nouveau Secrétaire d’Etat, Mgr Pietro Parolin, a accordé le 8 septembre 2013 un entretien au journal vénézuélien El Universal, dans lequel il déclare que le célibat des prêtres « n’est pas un dogme de l’Eglise, il peut être discuté parce que c’est une tradition ecclésiastique. »
Cet entretien a été repris en début de semaine par les médias internationaux qui y voient le signe d’une évolution possible, voire « le début d’une petite révolution ». Le Parisien du 13 septembre fait sa Une sur le sujet. Et les sondages en ligne se multiplient où l’on pose la question : « Etes-vous favorables au mariage des prêtres ? » : 88% de oui sur le site du Parisien, 75,80% sur celui du Figaro, 80% sur RTL.fr, 83% sur M6info.fr, etc.
Voici la réponse exacte de Mgr Parolin au journaliste vénézuélien :
Q : « … Le célibat des prêtres n’est pas ….
- Ce n’est pas un dogme de l’Eglise et il peut être discuté parce que c’est une tradition de l’Eglise
Q : Qui vient de quelle époque ?
- Dès les premiers siècles. Après, sa mise en œuvre s’est faite tout au long du premier millénaire, et depuis, le Concile de Trente a insisté là-dessus. C’est une tradition et ce concept réside dans l’Eglise parce que tout au long des siècles il y a eu des événements qui ont contribué à développer la Révélation de Dieu. Elle s’est terminée avec la mort du dernier Apôtre (saint Jean). Ce qui s’est passé ensuite est une croissance dans la compréhension de la Révélation.
Q : En parlant de célibat …
- L’effort consenti par l’Eglise pour adopter le célibat ecclésiastique doit être pris en considération. Personne ne peut dire simplement que c’est du passé. … »
Comme le note Jean-Marie Guénois dans Le Figaro du 13 septembre : « Mgr Parolin insiste beaucoup – ce qui n’a pas toujours été retenu par les agences de presse – pour rappeler que ce n’est pas ‘l’esprit du temps’ qui décidera d’une évolution. »
La question qui se pose est la suivante : Mgr Parolin exprime-t-il la pensée du pape François qui vient de le nommer à la tête de la Secrétairerie d’Etat, son plus proche collaborateur ? Le souverain pontife n’a pas fait de déclaration jusqu’à présent au sujet du célibat des prêtres, mais dans le livre-entretien avec le rabbinAbraham Skorka, paru en Argentine en 2010, – traduit en français cette année chez Robert Laffont, sous le titre Sur la terre comme au ciel –, le cardinal Bergoglio, alors archevêque de Buenos Aires, déclarait : « Pour l’instant, nous maintenons fermement la discipline du célibat. Certains, non sans pragmatisme, disent que cela nous fait perdre de la main-d’œuvre (sic). Si, hypothétiquement, le catholicisme revenait sur la question du célibat, je crois que ce serait pour des raisons culturelles (comme en Orient), pas dans l’absolu. Pour l’instant, je suis favorable au maintien du célibat, avec ses avantages et ses inconvénients, parce que, sur dix siècles, on a eu plus d’expériences positives que de défaillances. Il se trouve que les scandales sont immédiatement visibles. La tradition ne manque pas de poids, de validité. Les prêtres catholiques en sont venus à choisir le célibat de façon progressive. Jusqu’en 1100, certains optaient en ce sens, d’autres non. Les Eglises orientales ont suivi la tradition du choix individuel, alors que l’Occident a fait le choix inverse. C’est une question de discipline, pas de foi. Cela peut changer.»
Il est certain que la sur-médiatisation des propos de Mgr Parolin révèle un enjeu que son auteur ne pourra pas ignorer désormais, et que Jean-Marie Guénois note dans l’article déjà cité : « L’abolition du célibat sacerdotal figure à l’agenda d’une vision progressiste de l’Eglise. Avec le pape François, cette tendance se sent, à tort ou à raison, le vent en poupe. D’où des pressions internes et externes à l’Eglise – les questions de l’interview l’attestent – pour faire avancer certains dossiers. »
En effet, le nouveau secrétaire d’Etat comprendra vite les revendications des contestataires qui animent des mouvements comme l’Initiative des prêtres et l’Initiative des paroisses, ou des revues comme Golias… Tous voient dans ses propos une brèche ouverte, une étape à franchir. Ils ne se contenteront guère d’une simple évolution. C’est une révolution radicale qu’ils prônent. Qu’on en juge :
En juin 2011, environ 300 prêtres autrichiens ont fait savoir dans une Pfarrer-Initiative (Prêtre-Initiative), qu´ils ne suivraient plus les directives de Rome en ce qui concerne la communion des divorcés remariés et qu´ils soutiendraient désormais l´ordination des femmes et des hommes mariés. Selon un sondage, 30% des prêtres autrichiens seraient d’accord avec ce texte. C’est pour cette raison que les évêques autrichiens avaient été convoqués à Rome, le 23 janvier 2012.
Selon le jésuite suisse Jean-Blaise Fellay, on assisterait à une sorte de “printemps catholique”, venu de la base, en raison de la perte d´autorité des évêques tant dans l´Eglise que dans la société. Interrogé dans le quotidien Le Temps du 23 mars 2012, il considérait les évêques comme des « hauts fonctionnaires et des gestionnaires ecclésiastiques ». Il dénonçait aussi l´échec du concile Vatican II dont l´un des buts était, selon lui, de restaurer le rôle des évêques. « Les synodes se sont transformés en chambres d´étouffement plutôt qu´en lieu de créativité. L´intérêt public pour les synodes est tombé parce qu´il n´en sort rien ou si peu. Tout ce qu´il y avait de neuf et de saillant dans les exposés a été gommé, aplati dans les textes finaux ». – Inutile de dire les espoirs suscités chez ces contestataires par les projets de réforme de la curie, dans le sens d’une plus grande synodalité et d’une plus large collégialité. (voir DICI n°252 du 30/03/12)
La revue française Golias a, pour sa part, publié dès février 2009 un manifeste qui milite « contre la ‘castration’(sic) imposée aux clercs au nom d’une vision anachronique qui relève de l’Ancien régime (sic) et qui permet à toutes les perversités de s’y dissimuler de façon impunie » ; et se déclare bien décidée à « appuyer un prêtre rejeté par sa hiérarchie parce qu’il vit avec une femme, ou un homme » (voir DICI n°213 du 17/04/10)
On se souvient que, fin novembre 2006, le cardinal Dario Castrillón-Hoyos, à l’époque préfet émérite de la Congrégation pour le clergé, écrivait dans la préface de la seconde édition en français du livre Les origines apostoliques du célibat sacerdotal du père jésuite Christian Cochini, que le célibat des prêtres était « une discipline » et non « un dogme ». Il tenait à préciser cependant qu’elle « aidait » les prêtres à vivre leur ministère sacré (voir DICI n°171 du 08/03/08). Et, début 2008, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Mgr Gerhard Ludwig Müller, alors évêque de Ratisbonne n’hésitait pas, à se prononcer fermement contre les spéculations sur l’abandon par l’Eglise du célibat sacerdotal. On ne doit pas s’attendre à une levée du célibat « ni maintenant ni dans le futur », déclarait-il en soulignant que « les spécificités de l’accès à la prêtrise et les règles correspondantes du célibat ne peuvent être développées, comme un sujet théologique le requiert, dans un entretien journalistique rapide ». « Le Concile Vatican II a précisé, à l’article 16 du Décret sur le ministère et la vie des prêtres, quelles sont les conditions nécessaires », ajoutait-il. « Cela est et restera la discipline de l’Eglise catholique ». (voir DICI n°171 du 08/03/08) – Ces déclarations deviendraient-elles caduques sous le nouveau pontificat, comme le souhaitent les progressistes relayés par les médias ?
Mgr Parolin a reconnu dans son entretien que la question du célibat sacerdotal « est un grand défi pour le pape (…) et toutes ces décisions doivent être prises dans le but d’unir l’Eglise, pas de la diviser ». Et l’omniprésent Odon Vallet, peu suspect de traditionalisme, de déclarer à MYTF1News : « Sur cette question, il y a un réel risque de schisme et de divisions au sein de l’Eglise ».
(Sources : El Universal/Le Figaro/Le Parisien/ RTL/ M6/ TF1 – DICI n°281 du 13/09/13)