SOURCE - Olivier Figuéras / Abbé Aulagnier - Présent - 23/26 octobre2013
• Vous êtes désormais le directeur du séminaire. Comment cela s’est-il fait ? Et est-ce à dire que la situation est “normalisée” ? Roma locuta, causa finita est ?
Tout c’est fait bien simplement…M l’abbé Perrel ayant donné sa démission à la tête du séminaire Saint Vincent de Paul, à Dom Forgeot, « ministre plénipotentiaire » de Rome et à ce titre, notre supérieur général par interimjusqu’à la tenue du nouveau Chapitre Général, il a bien fallu qu’il cherche et trouve quelqu’un pour le remplacer. Il m’a demandé d’en prendre la direction. Je n’ai pas cru devoir refuser…d’autant que je connaissais déjà le séminaire puisque, depuis le début de la fondation, je venais donner des cours en année de spiritualité, sur les « Actes du Magistère », sur la « Messe et la liturgie ». Il suffisait que j’ajoute un cours de « spiritualité »…Je lui ai donc donné mon accord. Il a formalisé sa décision par un décret en bonne et du forme. Le supérieur général en son Conseil, qui venait d’être élu par les membres du Chapitre Général, a donné son consentement.
Aussitôt dit, aussitôt fait, je me suis mis à l’ouvrage. Il fallait organiser le corps professoral et améliorer les conditions d’hébergement des séminaristes. Ce fut vite fait.
J’ai contacté immédiatement des amis prêtres qui pourraient et voudraient bien nous aider dans cette œuvre capitale de formation sacerdotale dans un bon esprit de fidélité au Magistère de toujours et dans l’esprit de Mgr Lefebvre. C’est mon « maître » et je désire lui rester fidèle. Ils ont tous répondu avec beaucoup de sympathie. Tout notre corps est aujourd’hui au complet. Nous avons plusieurs prêtres de l’IBP, dont le Supérieur Général qui assure le cours de Morale, et plusieurs intervenants extérieurs, dont M l’abbé Pillet et M l’abbé de Ducla. Pour deux autres, nous utilisons les progrès modernes : nous utilisons le système de « video conférence », avec le Père Poquet ainsi qu’avec M l’abbé Mercury. C’est ainsi que, l’un, de Nancy, l’autre, de Corse, donnent leurs cours, l’un de « mariologie » avant d’entamer le traité sur « la grâce », l’autre, le traité du « de Revelatione ». Cela marche bien. Ainsi je diminue les frais pour le séminaire et je reste « compétitif » si l’on peut dire. Les séminaristes voient le professeur, l’entendent comme s’il était devant eux, le professeur voit ses élèves de la même manière. Le cours peut être interactif. Les élèves peuvent interroger le professeur…C’est bien ainsi…même si je souhaiterais avoir tout le corps professoral présent sur place….En effet un professeur de séminaire ne donne pas seulement des cours. Il dirige aussi les séminaristes, les suit dans l’évolution de leurs âmes et les aide dans leurs difficultés personnelles. En ce domaine, la diversité est une bonne chose, l’exemple de prêtres anciens et sages est aussi une bonne chose pour les futurs prêtres. Mais avec le temps et la protection de la Sainte Vierge nous y arriverons.
Vous me demandez si la situation dans l’IBP est « normalisée ». Je vous répondrai que c’est le cas. Non seulement pour le séminaire mais pour l’IBP dans son ensemble, même si nous connaissons encore quelques difficultés. Mais elles sont là pour éprouver notre patience, notre charité et notre force. Ce qui m’a le plus frappé dans la personnalité de Mgr Lefebvre fut la force jointe à la patience. Ce sont de toute façon deux vertus très unies. Nous avons connu, il est vrai, beaucoup de difficultés l’année dernière…Je crois que c’est le signe d’un « futur glorieux ». Voyez la FSSPX. J’ai connu les débuts de l’œuvre de Mgr Lefebvre, je peux vous dire qu’elles ne manquèrent pas…Le corps professoral, un jour, voulut purement et simplement l’exclure du séminaire. Ce sont eux qui finirent par quitter. Cela n’a pas empêché l’œuvre de se développer… Une œuvre sera d’autant plus fertile qu’elle connaitra, dans ses débuts, de grandes difficultés. Un saint aura d’autant plus d’influence un jour qu’il connaitra la tribulation. Je dirais volontiers que c’est en proportion : plus un prêtre connait la croix, plus son ministère sera riche. Voyez les saints. Voyez le saint Curé d’Ars… C’est une loi absolue. Le disciple n’est pas au dessus de son Maître. Le Christ a été persécuté. Il a opéré l’œuvre de la rédemption par la Croix. Ainsi des disciples du Christ. Il en sera toujours ainsi.
De plus, Rome a parlé et comme vous le dites, « Roma locuta est, causa finita est ». Rome, par la commission Ecclesia Dei a entériné les décisions du Chapitre Général que Dom Forgeot a communiquées dès le soir même du Chapitre. La commission, même si ce n’était pas requis absolument, en a confirmé toutes les décisions. Cela suffit. C’est une tranquillité pour tous, pour les séminaristes. Ils se sont mis au travail avec enthousiasme. Et tout le reste n’est qu’anecdote, « feu de paille », même si l’on s’y brûle quelque fois. Ils seront bien inspirés ceux qui entendront la sagesse de Rome appuyant le nouveau Chapitre Général, autrement ils périront….
• Un nouveau directeur, mais aussi un nouveau bâtiment. Pourquoi ?
Un nouveau bâtiment. Pourquoi ? Parce que l’ancien bâtiment était vraiment trop petit. En raison de l’exigüité des locaux anciens, nous avons du louer une autre maison en plein centre du village. Les séminaristes l’appelaient « la maison d’en face ». Ils auraient pu lui donner un nom de saint…C’est comme çà. Vous aviez ainsi la communauté dispersée en différents endroits. C’était peu agréable. Certes, il faut commencer. Et nous étions bien heureux d’avoir en septembre 2006, date de l’ouverture du séminaire, ces locaux. Nous les avions loués, au marquis de Gontau Biron avec un bail emphytéotique. Nous avions pu aussi avoir l’aval de l’évêque de Chartres que j’avais visité pour l’informer de mon projet. Malgré ces locaux trop exigus, le séminaire était donc légitimement reconnu dans le diocèse. C’est très important. Et un peu miraculeux…Et de fait, Mgr Pensard est venu quelque fois visiter le séminaire, le curé de Chateaudun aussi. Nous sommes sur son territoire. Nous bénéficions, toujours avec l’agrément des autorités, de l’usage de l’Eglise paroissiale, les dimanches et jours de fêtes. C’est ainsi que les ordinations du samedi 26 octobre prochain se dérouleront dans cette belle église dédiée à Saint Jean Baptiste.
Mais il se trouve que juste en face des locaux du Marquis, notre premier séminaire, se trouvait une très grande maison qui logeait une maison de retraite de personnes âgées. Il fallait qu’elle quitte ces locaux parce qu’elle n’était plus aux normes demandées. L’administration devait construire à l’entrée du village une autre maison. Je suis allé visiter le directeur. Il me confirma la nouvelle et me dit que la construction prendrait bien trois ans. Ce qui fut le cas. Nous sommes en 2007. La maison de retraite se transporte dans ses nouveaux locaux à l’entrée du village, en 2011. Et pendant deux -trois ans, cette maison est restée vide. La mairie et le Conseil général ont bien cherché à lui trouver une affectation. Mais en vain. Rien à faire. Personne, ni les HLM ni autres œuvres sociales ne s’intéressent à cette propriété… La Providence veillait. J’ai toujours dit à M l’abbé Laguérie qu’il fallait porter notre attention sur ce bâtiment. Qu’il nous conviendrait parfaitement. Soixante cinq chambres, avec le confort moderne, grand cuisine, grande salle à manger, salle d’administration… Là, pourrait s’installer le séminaire. Soixante séminaristes sur six ans, c’est à la portée de l’IBP. C’est la bonne mesure… Dans les anciens locaux, vous y installez la Maison Générale. Non…Ces bâtiments ne sont pas assez « religieux »… Il est vrai, ce ne sont pas des bâtiments « conventuels », comme on les aime…. Le mieux est bien souvent l’ennemi du bien…A moi, ils me paraissaient très fonctionnels. Il fallait les louer…Le corps professoral ne voulait rien entendre. Et c’est ainsi que deux ans se sont écoulés sans que rien ne se fasse, sans contacter l’administration. Les séminaristes restaient toujours à l’étroit, dans de petites chambres aux cloisons très minces, très bruyantes…Il fallait être vertueux pour vivre dans de telles conditions. Le silence était difficile a observer…Vous entendiez tout d’une chambre à l’autre. Vous n’aviez qu’une douche pour six chambres…qu’un lavabo pour trois chambres. On ne pouvait continuer dans cette situation. Dès que la Providence me mit dans les mains ce séminaire, je n’ai pas tardé à contacter l’administration, et nos amis pour savoir s’ils nous soutenaient…Un premier contact a eu lieu chez le notaire pour avoir la confirmation de la liberté des locaux, les conditions furent précisées et M l’abbé Laguérie pouvait ainsi signer le bail pour un an avec perspective d’achat, dès le 12 septembre 2013 . C’était le jour de l’entrée officiel des séminaristes. Quelques uns étaient déjà présents les jours précédents. M l’abbé Laguérie, qui n’a pas les deux pieds dans le même sabot, a mis tout son monde à l’ouvrage. Nous avons porté, me disait-il avec fierté, onze camionnettes à la décharge…Le séminaristes se sont aussi afférés à déménager dans leurs nouvelles chambres. Il n’était pas rare quand vous traversiez les couloirs de voir, en ces jours là, un matelas sur la tête d’un séminariste, une armoire, un lit, des caisses de livres….Le tout fut exécuté sans retard….Ils étaient heureux d’occuper leur nouvelle chambre. Je viens d’interroger les séminaristes, en visite, à tour de rôle, tous sont largement satisfaits de leurs nouvelles conditions de logement. Je m’en réjouis pour eux et en remercie nos bienfaiteurs qui nous ont permis de faire cette location.
• Des ordinations ont lieu samedi prochain. Dans quelles circonstances ?
Nous avions pris du retard dans les ordinations, l’an dernier, en raison des circonstances propres à l’IBP et des difficultés rencontrées. Il faut rattraper le retard. Aussi nous voulons mettre les bouchées doubles, sans précipitation cependant. Comme je viens de le dire aux séminaristes ; « l’ordre et les ordres sont les deux mamelles d’un séminaire » C’est la vie ! Je leur donnais la comparaison de Sully, le ministre des finances d’Henri IV. Ne disait-il pas : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». Et bienmutatis mutandis, je vous dis que « l’ordre et les ordres sont les deux mamelles d’un séminaire ». Je leur expliquais qu’un séminaire ne se conçoit pas sans ordre, sans discipline, sans silence ; mais aussi sans les « ordres ». Le souhait légitime d’un séminariste, c’est, chaque année, de progresser vers le sacerdoce. L’Eglise, à juste titre, a établi différents ordres, depuis toujours, pour arriver au sacerdoce et cela avec sagesse, comme le dit expressément le Concile de Trente et son catéchisme. Les séminaristes ne viennent pas au séminaire pour mener une vie contemplative comme dans un monastère, mais pour se former au sacerdoce et « aller ensuite évangéliser le monde, annoncer la Bonne Nouvelle du salut. Le sacerdoce est la fin légitime du séminaire et du séminariste… Il est normal qu’il souhaite, chaque année, passer de la tonsure cléricale, à l’ordre de portier, de lecteur, d’exorciste, d’acolyte, de Sous-Diacre, de Diacre et enfin de Prêtre. C’est le sacerdoce qui les motive dans l’acquisition de la science philosophique et théologique et dans leur recherche de la sanctification. Oui ! Vraiment « ordre et les ordres sont les deux mamelles du séminaire, tout comme le labourage et les pâturages sont les deux richesses de la France. Il fallait donc trouver rapidement quelqu’un pour conférer les ordres qui n’avaient pu être donnés l’an dernier. Le RP Abbé Dom Forgeot, abbé émérite de Fontgombault, a bien voulu répondre à l’appel de M l’abbé Laguérie. Nous l’en remercions vivement. Et c’est ainsi que 12 ou 13 séminaristes, samedi prochain, recevront la cléricature pour les uns, les ordres mineurs pour les autres. Ils en sont heureux. Et ils attendent leurs amis et familles pour cet événement. Si vous êtes encore libres, venez-vous joindre à nous.
• Vous annoncer pouvoir remplir les 65 places en trois-quatre ans. Etes-vous magicien ; ou prophète ?
Je ne suis ni magicien ni prophète…Ca se saurait…Mais l’ordre retrouvé et assuré par la reconnaissance romaine, tous les espoirs nous sont permis. A voir le nombre de connexions sur notre site demandant des explications me laisse espérer un « remplissage » du séminaire relativement rapidement. Nous avons une situation parfaite dans l’Eglise. Je veux y insister, si vous le permettez. L’Institut, qui est un Institut de Droit Pontifical et donc qui a une reconnaissance officielle dans l’Eglise, a trois avantages merveilleux, inscrits dans ces statuts, statuts, encore une fois, qui ont l’aval de Rome. Elle a le droit de célébrer la messe tridentine. Beaucoup de jeunes, qu’on le veuille ou non, y sont attachés. Il faudra bien que la hiérarchie le reconnaisse et l’admette pour un futur apostolat…Il lui est même reconnu l’exclusivité de ce rite dans sa vie pastorale. Elle est ainsi constituée en une « véritable famille liturgique ». C’est un atout non négligeable. Cela peut pour l’instant être une petite complication pour l’apostolat. Mais attendez encore quelques années… et vous verrez que ce sera une véritable force devant des épiscopats hésitants. Je ne suis pas prophètes…Mais j’ai simplement un peu de bon sens… Enfin, le troisième bien de l’IBP, c’est sa reconnaissance officielle par Rome. L’IBP est un Institut de droit pontifical. C’est très important. J’ai pendant des années cherché à convaincre mes confrères de la FSSPX qu’il était temps de « normaliser notre situation avec Rome »… Ils n‘ont pas voulu. Ils vont finir vraisemblablement par se diviser. Ils risquent de devenir un mouvement « autocéphale ». C’est ce que je crains. Ce serait terrible et certainement pas ce que Mgr Lefebvre souhaitait. Ce n’est pas parce que vous normaliser une situation canonique que vous vous rallier à l’erreur. Ces deux choses ne sont pas intrinsèquement liées. Du moins qu’on m’en fasse la preuve. Nous étions en 1988, Mgr Lefebvre tendait la main à l’autorité….Et nous étions éloignés de deux ans seulement du grand « scandale » d’Assise (1986). Ce n’est pas parce que le pape François fait un jour une profession de « relativisme morale » scandaleux qu’il faut s’enfermer dans son « quant à soi » et crier horreur comme une vierge effarouchée.
Ces trois biens, la messe tridentine, son exclusivité et une reconnaissance franche et nette par l’Eglise, sans compromis avec l’erreur…voilà les trois biens de l’IBP. Voilà ce qui attire une certaine jeunesse. Je vous dis que je ne désespère pas de remplir vite le séminaire. Voyez. Nous avons été « bousculés » toute une année et fortement, une vraie tempête qui nous faisait souvent crier vers le Seigneur « Seigneur nous périssons». Nous n’avons pas coulé, nous ne coulons pas, nous ne coulerons pas…Et 8 jeunes sont venus, malgré tout, nous rejoindre à Courtalain. Courtalain est vraiment un séminaire international. Brésiliens, polonais, français, africain du Congo, chiliens, italiens se trouvent réunis ensemble. C’est une richesse formidable…une vraie famille, sans racisme, sans exclusivisme. Il y fait bon vivre. Venez voir. Et aidez nous à porter cette œuvre.
Interview parue dans Présent du mercredi 23 octobre 2013 et du samedi 26 octobre 2013.