SOURCE - Dom Louis-Marie, osb prieur - Le Barroux - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs - décembre 2013
Qu’il était grand, l’empire de Xerxès ! Il dominait de l’Inde à l’Éthiopie : plusieurs milliers de kilomètres et cent vingt-sept provinces, dit le livre d’Esther. L’inaccessible empereur possédait une fortune colossale, une armée innombrable, et un seul de ses édits pouvait changer la face de son empire. C’était la puissance des armes et non celle de la vérité et du bien qui donnait la force aux lois. Mais l’empire avait des failles, des failles profondes, trois failles qui, malheureusement et heureusement, sont éternelles.
Qu’il était grand, l’empire de Xerxès ! Il dominait de l’Inde à l’Éthiopie : plusieurs milliers de kilomètres et cent vingt-sept provinces, dit le livre d’Esther. L’inaccessible empereur possédait une fortune colossale, une armée innombrable, et un seul de ses édits pouvait changer la face de son empire. C’était la puissance des armes et non celle de la vérité et du bien qui donnait la force aux lois. Mais l’empire avait des failles, des failles profondes, trois failles qui, malheureusement et heureusement, sont éternelles.
La première était l’ambition des hommes qui, pour accéder au pouvoir et se revêtir d’honneur, sont prêts à tout, jusqu’à mettre en péril le bien commun. L’empereur avait un conseiller, Aman, qui, pour se faire respecter, obtint de son maître le droit de vie et de mort. Jésus a parlé des mercenaires qui ne sont pas de bons pasteurs parce que les brebis ne leur appartiennent pas et qu’ils n’en ont cure. C’est donc le péril le plus fatal pour un pays que d’avoir des hommes et des femmes politiques qui n’ont d’autre but que leur propre réussite. Mais qui s’élève sera abaissé, a dit Jésus. Un homme politique chrétien dirait que l’on ne pourrait plus faire de la politique efficace en étant fidèle à cette parole. Mais c’est une très courte vue de l’esprit. Car les rares grands hommes politiques, comme saint Louis, ont tous été humbles. Et Aman finit pendu au bout d’une corde.
La deuxième faille était la place de la femme dans la société. L’empereur, au terme d’une semaine de festin fort arrosé, exigea que son épouse vînt se présenter devant le peuple. Après avoir exposé pendant six mois ses nombreux butins, il voulut exposer la belle Vasthi… qui refusa. On la comprend. Elle refusait d’être ravalée au rang d’objet. Sa réaction était un début de la défense de la dignité de la femme, mais de façon révoltée, un féminisme avant l’heure qui donne l’homme comme modèle aux femmes. Vasthi donna en effet un banquet en parallèle à celui du roi. Elle imite l’époux tout en refusant la participation. Et la solution politique fut de la répudier afin que son exemple ne soit pas suivi par les millions de femmes qui vivaient dans la soumission. L’empire était passé à côté d’une crise majeure, celle que nous connaissons aujourd’hui dans notre monde d’égalitarisme. La réaction de Vasthi était légitime, mais mal orientée. La force profonde d’une société s’enracine dans la famille, union stable, complémentaire et féconde d’un homme et d’une femme. Et il est beau de voir la belle reine Esther, restant à sa place mais prenant toute sa place d’épouse, devenir la cheville ouvrière du salut de son peuple. C’est Esther qui change le coeur du roi : c’est la femme qui fait le coeur de l’homme et qui, en définitive, a les clés de la vie sociale.
La troisième faille est la conscience des hommes, ou plutôt d’un homme. Mardochée était un autre conseiller de Xerxès, impliqué pleinement dans la vie politique de son pays. Mais il était d’abord membre du Peuple élu de Dieu, ce qui lui donnait une conscience formée sur la vérité et le devoir. Il a toujours refusé de s’agenouiller devant Aman, incarnation de l’abus de pouvoir, de ce pouvoir qui s’arroge des droits divins. Mardochée n’a pas attendu que le pouvoir en place lui donne le droit d’user de son objection de conscience. Il l’a pris, car tel était son devoir. Il ne s’est pas cru le devoir d’empêcher tout le mal qui se faisait, mais il a refusé de le faire lui-même. Il a pris des risques pour lui, pour Esther et pour tout le Peuple, prêt à payer le prix de la conscience. Et il l’a fait en mettant sa confiance en son Dieu qui reste le grand Maître de l’histoire, ce Dieu unique qui a confié aux hommes la grande responsabilité de conduire le monde à la lumière de la vérité, avec l’aide de sa grâce et la promesse d’une récompense éternelle.
+ F . Louis-Marie, o. s. b., abbé