SOURCE - Pierrig Guennec - Le Courrier Picard - 22 juin 2014
Le cortège formé, dimanche 22 juin, par les catholiques de la Fraternité saint Pie X a été chahuté sur la place du Palais de Compiègne par une quinzaine de manifestants.
Le cortège formé, dimanche 22 juin, par les catholiques de la Fraternité saint Pie X a été chahuté sur la place du Palais de Compiègne par une quinzaine de manifestants.
D’un côté, des participants très sobres dans leurs toilettes du dimanche, les visages fermés et recueillis. De l’autre, une troupe disparate de manifestants, dont un jeune homme, les pieds nus et vêtu d’une toge orange. Il jette des feuilles mortes en criant «Dieu est amour». D’un côté donc, une procession formée d’environ 70 catholiques traditionalistes de la Fraternité saint Pie X et de l’autre, une quinzaine d’opposants bien décidés à tourner en dérision le cortège par leurs slogans et leurs tenues. Sur une des pancartes, on peut lire : «Ah si Marie avait connu l’avortement, on n’aurait pas tous ces emmerdements.» Cette scène, quasi surréaliste vue de l’extérieur, se jouait sur la place du Palais de Compiègne, dans la matinée du dimanche 22 juin.
«Ils appartiennent au courant lefebvriste de l’Église catholique, souligne Éric Margely, qui porte une chemise jaune bariolée et tient un mégaphone. Qu’ils réintroduisent le latin dans la messe ne nous dérange pas. Mais derrière les enfants qui balancent des pétales de rose, ils ont un côté très dur. Ils sont contre le droit à l’avortement, par exemple.» Une autre opposante, Dina Zampolini, enfonce le clou : «Ils chantent Sauvez la France au nom du Sacré-Cœur, un hymne pétainiste.»
Le cortège parti de l’église Sainte-Thérèse
Ce dimanche, elle entend protester plus particulièrement contre la présence sur la voie publique de ces traditionalistes, dont la procession a lieu depuis une quinzaine d’années, à l’occasion de la Fête Dieu, avec l’aval de la mairie et de la préfecture. Une fois la messe donnée, le cortège est parti de l’église Sainte-Thérèse, avenue du Bataillon-de-France, que la fraternité a rachetée à la Ville. Il fait une halte sur la place du palais, propriété de l’État, où est dressé un reposoir. «C’est une violation de l’article 2 de la loi de 1905. Qu’ils pratiquent leur culte dans leur église!» s’exclame Dina Zampolini.
Prévenue dans la matinée, une patrouille de police est sur place. Face au reposoir, un peu avant midi, les intégristes prient à genoux, essayant de se concentrer sur la cérémonie. Remontés, des membres de la fraternité se confrontent aux manifestants et tentent de les tenir à distance. Un policier intervient pour calmer les esprits. «Je me suis fait traiter de pouilleux, de juif et de gauchiste», rend compte un des opposants à ses acolytes.
« Ils utilisent des slogans épouvantables que je n’ose même pas répéter. »
Dans le camp en face, un homme s’indigne : «Ils n’ont même pas d’autorisation, alors que nous sommes parfaitement en règle.» Et de poursuivre : «C’est pitoyable. Nous sommes encore dans un pays catholique. Ils utilisent des slogans épouvantables que je n’ose même pas répéter.»
Un habitant de Béthancourt-en-Valois, le colonel Benoît de Rambures, se souvient de la précédente manifestation, qui remonte à plusieurs années. Pour un peu, cet ancien officier parachutiste rendrait hommage à ses adversaires de l’époque : «C’était de vrais anars politiques, c’était l’ultra gauche. C’était des types formés, cohérents avec leurs idées, que la police contenait.»
Hier, les opposants présentaient un visage plus flou. Ils comptent dans leur rang des étudiants à l’Université de technologie de Compiègne, un enseignant, une retraitée, un éducateur syndiqué à la CGT… Ils ne se placent pas sous la bannière d’un parti ou d’un mouvement organisé, mais plutôt réunis par des réseaux communs et un état d’esprit frondeur. Ils ont gardé leur initiative secrète, jusqu’au dernier moment. Aucun représentant de la Libre Pensée de l’Oise n’est présent, alors que par le passé, ils étaient déjà montés au front pour faire capoter la procession.
Le cortège repart au bout d’environ vingt minutes. Resté pour démonter le reposoir, un homme commence à évoquer le maréchal Pétain. «Je l’ai connu à l’époque de Vichy. On oublie qu’il a sauvé deux ou trois fois la France.» «Arrête, il va encore y avoir des amalgames», l’interrompt sa voisine. Un manifestant s’éloigne et lance : «Pour une fois, on n’a pas raté la messe.»