Vous souvenez-vous du « rêve de Dakar » ?
Vous souvenez-vous de cette croisade lancée par Mgr Lefebvre dans le
sermon de son jubilé sacerdotal le 23 septembre 1979 ?
Si j’osais, je dirais que la ferveur et l’enthousiasme d’alors étaient
trop beaux pour durer ! Et nous avons connu, depuis, bien des agitations. C’est
pourquoi, j’aimerais vous inviter à réveiller ces souvenirs, pour que nous
n’oubliions pas que l’âme de notre attitude dans l’Église est une position de
fidélité, de préservation et de construction avant d’être une attitude de
résistance. L’un ne va pas sans l’autre, bien sûr, mais il est temps, je crois,
de remettre de l’ordre dans nos esprits afin de retrouver un véritable esprit
apostolique, dans cette belle unité qui faisait et fera notre force. Et c’est,
évidemment, vers celui qui nous a donné la seule référence défendable qu’il
nous faut revenir : Mgr Lefebvre.
Il est facile de faire dire au Monseigneur des batailles tout et le
contraire de tout, mais il est très imprudent, ce serait même de l’impiété que
d’oublier le Monseigneur secret, celui qui n’a pas varié, silencieux mais
toujours agissant aux heures calmes comme à l’heure des grands combats, et qui s’est
pourtant manifesté à bien des reprises. Certes, il y a le Monseigneur des
batailles, celles du Concile, et celles auxquelles il sera contraint de 1974 à
1988. Mais il y a surtout le Monseigneur oublié, celui qui a précédé et animé ces
batailles, celui du « rêve de Dakar », qui recèle et nous révèle le
cœur de Monseigneur, le grand Monseigneur de la belle Croisade ! Vous avez oublié le
Monseigneur du « rêve de Dakar » ? Vous avez oublié la
« Croisade » ?
Et pourtant tous les prêtres de la Fraternité possèdent un recueil
intitulé « Cor Unum » qui rassemble les « Lettres et avis aux
membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X » donnés par Mgr de 1970
1989. J’ose espérer que personne n’osera contester les termes de la préface de
Mgr Fellay :
« Quels trésors de
prudence, de sagesse renferment les lignes qui suivent. On y voit en même temps
l'histoire de la Fraternité et l'esprit de Monseigneur Lefebvre tout vivant;
cet esprit est bien celui qu’il voulait nous insuffler, et, toujours si actuel,
l'esprit de la Fraternité qui doit inspirer chacun de ses membres.
Que ce livre soit un de ces livres aimés auxquels on revient toujours;
qu'on y puise, qu'on le médite souvent; c'est là un vœu et un désir très cher
que nous adressons à chacun des membres de la Fraternité Saint-Pie X,
Qu'au contact de ces lignes, nous buvions aux sources d'eau vive de
l'esprit sacerdotal qui animait Monseigneur Lefebvre; que par elles, lui-même
continue de former cette génération de prêtres zélés, dévoués, enflammés de
l'amour de Notre-Seigneur qu'il entendait donner à l'Église. Nous touchons ici
la quintessence de la Fraternité.
Tout imprégnés de cet esprit, nous contribuerons - nous en sommes
certains - efficacement à la restauration du sacerdoce, au salut des âmes, à
l'honneur de notre sainte mère, l'Église catholique romaine. »
Et pourtant, il existe aussi un recueil de textes publié sous le titre
« la sainteté sacerdotale », et dont le Courrier de Rome du mois de
juin a eu l’heureuse idée de publier des pages importantes et magnifiques (p.
472-481).
Et pourtant, tous les fidèles possèdent, ou devraient posséder, son
« Itinéraire spirituel » que tous devraient relire de temps à autre.
Souvenons-nous, au moins, de l’essentiel de sa préface :
« Si l’Esprit-Saint permet que
je rédige les quelques considérations spirituelles qui suivent, avant d’entrer,
s’il plaît à Dieu, dans le sein de la Bienheureuse Trinité, il m’aura permis de
réaliser le rêve qu’Il m’a fait entrevoir un jour dans la cathédrale de Dakar:
devant la dégradation progressive de l’idéal sacerdotal, transmettre, dans
toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire, le sacerdoce
catholique de Notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’II l’a transmis à ses apôtres
et tel que l’Eglise romaine l’a transmis jusqu’au milieu du XXème siècle.
Comment réaliser ce qui m’apparaissait
alors comme la seule solution de renouveau de l’Eglise et de la Chrétienté ? C’était
encore un rêve, mais dans lequel m’apparaissait déjà la nécessité, non
seulement de transmettre le sacerdoce authentique, non seulement la "sana
doctrina" approuvée par l’Eglise, mais l’esprit profond et immuable du sacerdoce
catholique et de l’esprit chrétien lié essentiellement à la grande prière de Notre
Seigneur qu’exprime éternellement son sacrifice de la Croix.
La vérité sacerdotale est en dépendance
totale de cette prière; c’est pourquoi j’ai toujours été hanté par ce désir de désigner
les voies de la vraie sanctification du prêtre selon les principes fondamentaux
de la doctrine catholique de la sanctification chrétienne et sacerdotale….
C’est parce que le règne de Notre
Seigneur n’est plus au centre des préoccupations et de l’activité de ceux qui
sont nos "praepositi" qu’ils perdent le sens de Dieu et du sacerdoce
catholique, et que nous, nous ne pouvons plus les suivre. »
Tel était le grand Monseigneur, le Monseigneur caché, secret et
véritable : celui du « rêve de dakar », qui se cache sous le
Monseigneur des batailles et anime ces batailles pour la foi, pour l’Église,
pour le sacerdoce, pour la Messe.
Nous pourrions ajouter encore ses dernières conférences aux
séminaristes, en 1990 et 1991. Les thèmes en sont étonnants, mais ne peuvent
étonner que ceux qui oublient que « le but de la Fraternité est le
sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte et rien que ce qui le concerne », et
que le titre véritable de la Fraternité est celui de « Fraternité des
Apôtres de Jésus et de Marie ».
Durant la Semaine Sainte de 1990, Mgr avait prêché aux séminaristes en
retraite sur les serments que nous faisons avant les ordinations : la
profession de foi catholique, la profession antimoderniste et le serment de
fidélité, ainsi que la déclaration de fidélité aux positions de la Fraternité.
C’est cette démarche qu’il évoquait encore dans sa préface à l’Itinéraire
spirituel :
« C’est à vous
particulièrement que s’adresseront les quelques pages qui vont suivre, vous
prêtres et séminaristes de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, vous qui, en
ce jour, renouvelez vos engagements dans cette société catholique et romaine,
approuvée officiellement par les ordinaires des lieux et par les autorités romaines. »
Puis, en février1991, ce furent ses dernières conférences qui ont été
publiées ensuite et diffusées dans notre « Lettre aux anciens ». Quels
en furent les thèmes ? Ni la condamnation des erreurs modernes, ni le
combat contre la nouvelle messe, ni la critique de Rome, du Pape ou de je ne
sais qui mais, plus sacerdotalement : « Quelques remarques
liturgiques » et « Dispositions pour l’apostolat ».
Fidèle jusqu’au bout à son « rêve de Dakar », il nous a
laissé comme testament la fidélité à nos engagements, le culte liturgique, le
culte de l’autel, et l’esprit apostolique. Le rêve de Mgr n’était pas de
pourfendre les hérétiques, mais de transmettre ce qu’il avait reçu.
La Fraternité est née de ce rêve, et nous sommes tous les enfants de
ce « rêve », héritiers de ce « rêve » devenu réalité et
auquel Monseigneur a consacré ses dernières années et ses dernières forces,
alors que l’heure avait sonné pour lui d’une paisible retraite, rêve pour
lequel il a accepté d’être mis au ban de l’Église.
Tous, nous avons cela en mains, tous nous savons l’itinéraire que nous
devons suivre pour servir l’Église et demeurer fidèles à sa Tradition. Ne
l’oublions pas, et, si c’est nécessaire, remettons au centre de notre cœur ce
qui animait celui de notre fondateur, sans nous épuiser et nous diviser dans
des querelles stériles et sans fin. « Il nous faire une croisade ! Nous
devons faire une croisade, appuyée sur le Saint Sacrifice de la messe, sur le
Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, appuyée sur ce roc invincible et sur cette
source inépuisable de grâces qu’est le Saint Sacrifice de la messe. » Hors
de cet esprit, il n’y a pas de fidélité possible à l’esprit de Monseigneur, et
ceux qui divisent nos rangs ne peuvent se dire ses héritiers.
Et si nous devons exiger quelque chose de nos prêtres, ce n’est pas
que chacun d’entre eux s’exerce à résoudre la crise de l’Église, ou qu’il soit un
expert en condamnation de toutes les erreurs en vogue, mais qu’il soit un de ces
« apôtres de Jésus et de Marie » que Mgr Lefebvre voulait donner à
l’Église, un apôtre fidèle à l’esprit de sa croisade, un expert de la grâce et
de la foi, un expert de la liturgie, de la Messe et de l’Eucharistie, un
conquérant à la recherche des âmes à convertir et à sauver !
Tâchons au moins de ne pas oublier la conclusion de l’Itinéraire
spirituel :
« La Romanité n’est pas un
vain mot…Aimons scruter comme les voies de la Providence et de la sagesse
divine passent par Rome et nous conclurons qu’on ne peut être catholique sans
être romain… Dieu a voulu que le Christianisme, coulé en quelque sorte dans le
moule romain, en reçoive une vigueur et une expansion exceptionnelle. Tout
est grâce dans le plan divin et notre divin Sauveur a tout disposé, comme il
est dit des Romains "cum consilio et patientia" ou "suaviter
et fortiter" !
A nous aussi de garder cette
Tradition romaine voulue par Notre-Seigneur, comme Il a voulu que nous ayons
Marie pour Mère.»