SOURCE - Abbé Xavier Beauvais, fsspx - L'Acampado (bulletin) - novembre 2014
Il est bien connu qu’après les trois premiers siècles du christianisme passé dans les persécutions sanglantes, l’Église a connu une autre persécution plus sournoise, celle des hérésies, qui ont toujours été resucées à travers les siècles jusqu’à aujourd’hui, où dans cette Église catholique souffle toujours un mélange d’esprit rationaliste, naturaliste, critique plus ou moins protestant, une hérésie souvent non caractérisée, mais germe d’hérésie. Dans ces milieux, on est disciple de Kant, on est subjectiviste. Et il importe de reconnaître les idées-forces qu’ils distillent afin d’en être prévenus et de dresser les oreilles pour discerner ces germes d’hérésie. C’est le sens de la foi qui nous fait dire : ça sent le soufre quand on commence par confondre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, quand on ouvre la porte du salut même à ceux qui n’ont pas la foi, quand on supprime les flammes de l’enfer, quand on admet des principes de critique d’où l’on devrait logiquement à la négation de l’authenticité et de la valeur historique des livres saints, quand on attribue un caractère plutôt mythique ou symbolique au récit des grands faits primitifs de la création, et quand on affecte dans le même temps de dédaigner la théologie traditionnelle et scolastique. Il y a une hérésie peu connue et pourtant si actuelle, celle qu’on a appelé l’américanisme, une hérésie née aux États-Unis à la fin du XIXes pendant les pontificats de Pie IX et léon XIII, hérésie qui se propagea en Amérique et en France, spécialement avec l’abbé Félix Klein, professeur à l’Institut catholique de Paris.
Il est bien connu qu’après les trois premiers siècles du christianisme passé dans les persécutions sanglantes, l’Église a connu une autre persécution plus sournoise, celle des hérésies, qui ont toujours été resucées à travers les siècles jusqu’à aujourd’hui, où dans cette Église catholique souffle toujours un mélange d’esprit rationaliste, naturaliste, critique plus ou moins protestant, une hérésie souvent non caractérisée, mais germe d’hérésie. Dans ces milieux, on est disciple de Kant, on est subjectiviste. Et il importe de reconnaître les idées-forces qu’ils distillent afin d’en être prévenus et de dresser les oreilles pour discerner ces germes d’hérésie. C’est le sens de la foi qui nous fait dire : ça sent le soufre quand on commence par confondre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, quand on ouvre la porte du salut même à ceux qui n’ont pas la foi, quand on supprime les flammes de l’enfer, quand on admet des principes de critique d’où l’on devrait logiquement à la négation de l’authenticité et de la valeur historique des livres saints, quand on attribue un caractère plutôt mythique ou symbolique au récit des grands faits primitifs de la création, et quand on affecte dans le même temps de dédaigner la théologie traditionnelle et scolastique. Il y a une hérésie peu connue et pourtant si actuelle, celle qu’on a appelé l’américanisme, une hérésie née aux États-Unis à la fin du XIXes pendant les pontificats de Pie IX et léon XIII, hérésie qui se propagea en Amérique et en France, spécialement avec l’abbé Félix Klein, professeur à l’Institut catholique de Paris.
L’américanisme a été condamné par léon XIII dans sa lettre « Testem benevolentiae » où sont condamnées des idées qui furent comme le préambule du progrès. Il est très intéressant de voir quelles sont ces idées, d’en être prévenu, car hélas même chez nous, ces idées germent en certains esprits. Quelles sont ces idées condamnées ?
En voici une première :
- Pour ramener plus facilement à la vérité les dissidents, l’Église doit s’adapter davantage à l’homme désormais parvenu à l’âge adulte. Relâchant son ancienne rigueur, elle doit se montrer indulgente à l’égard des aspirations et des exigences des peuples modernes. (là, il suffit de voir les dernières réclamations du synode sur la famille).
En voici une deuxième :
- Pour gagner les coeurs égarés, il est opportun de passer sous silence certaines affirmations doctrinales de moindre importance, ou de les amollir de manière à ne plus leur conférer le sens traditionnel auquel l’Église s’est toujours tenue.
- Une troisième : Il faut introduire une certaine liberté dans l’Église, afin que la puissance et la vigilance de l’autorité, se trouvant en quelque façon amoindries, chaque fidèle ait la faculté de développer plus librement les ressources de son activité et de son initiative.
- Une autre : Tout magistère extérieur est superflu, sinon inutile pour ceux qui s’appliquent à tendre à la perfection chrétienne. l’Esprit-Saint répand aujourd’hui dans les âmes, des dons plus étendus et plus abondants que jadis. Il les meut sans intermédiaire, par une sorte de secret instinct.
Ou encore : les vertus naturelles (les vertus sociales) sont mieux adaptées aux moeurs et aux exigences de notre temps parce qu’elles développent surtout l’activité et l’énergie. les vertus chrétiennes dites passives convenaient mieux aux siècles passés, tandis que les vertus chrétiennes dites actives sont mieux adaptées aux temps présents. la vie religieuse n’est que peu ou point utile à l’Église.
Il faut substituer une autre méthode que celle du temps passé pour ramener les dissidents. Cette méthode, c’est l’oecuménisme.
Tous ces projets ont été mis en oeuvre depuis Vatican II. Et leur ensemble caractérise la mentalité conciliaire. Et c’est à partir de ces idées qu’on a édifié une nouvelle Église rompant délibérément avec le passé et se tournant vers l’avenir, avec un nouveau clergé qui n’hésite pas à effacer le caractère surnaturel que lui imprime le sacrement de l’ordre, pour se séculariser de plus en plus.
La religion catholique doit être en harmonie avec l’état actuel de la vie moderne. Tel est le slogan mille fois répété aujourd’hui, et pourtant mille et mille fois erroné. Autre slogan : l’Église doit se mettre à l’écoute du monde. A la mutation du monde doit correspondre une mutation de l’Église. On pourrait multiplier les citations vieilles d’il y a cent ans et qui ont trouvé leur écho, ont fait leur chemin depuis Vatican II, telle celle du Cardinal Gibbons en 1883
« Du nouveau ! Tel est le mot d’ordre de l’humanité et renouveler toute chose est sa ferme résolution. Aujourd’hui la routine de l’ancien est chose mortelle ; aujourd’hui les moyens ordinaires : sanctification personnelle, prière, contemplation sentent la décrépitude de la vieillesse, la crise demande du nouveau, de l’extraordinaire. l’Église est fermée, il faut abaisser les barrières, élargir les portes. » (C’est le langage du pape François qui n’hésite pas à nous appeler à ne pas avoir peur du changement)
Et bien cette Église qui s’immerge et se dilue dans le monde n’apparaît plus aujourd’hui comme Église.
La notion du péché, de l’enfer, du démon, du rédempteur, du sacerdoce, tout a été emporté. Soyons réalistes et ne nous berçons pas d’illusion sur un soi-disant printemps de l’Église, sur une pseudo-restauration opérée depuis peu. Non, tout a été emporté, non par le fait d’erreurs ouvertement formulées, mais par prétérition. On se disait : je ne nie aucune vérité révélée, mais je ne suis point obligé de tout dire ; je puis adopter des formes qui soient plus en harmonie avec les sentiments, les besoins, les tempéraments de la génération présente. La conséquence de cette méthode est une forme nouvelle du catholicisme où le péché n’est plus péché et où il n’y a plus lieu à la pénitence.
Le fond de cet américanisme condamné par léon XIII, c’est cette obsession de vouloir rajeunir et mettre en harmonie l’Église avec les goûts et les besoins des générations qui viennent. Obsession manifestée par le rejet de toute discipline extérieure. « En voilà assez de la rigoureuse ordonnance hiérarchique, diront-ils, en voilà assez de l’asservissement autoritaire où meurt la cause individuelle.
Il s’agit pour chaque chrétien de reconnaître sa personnalité, sa liberté, sa vie intérieure ». Ce qu’il y a au fond de cet américanisme, c’est une sorte de néo-protestantisme, et sa caractéristique essentielle est de protester, d’agir contre les excès de pouvoir, d’administration et d’autoritarisme d’une Église qui ne serait plus qu’une institution extérieure, et de libérer la nature, l’individualité, la conscience, la force intérieure de l’âme humaine qui deviendrait par là même plus religieuse.
C’est un compromis avec les protestants. Et tout cela s’applique au catholicisme issu de Vatican II. Son ralliement massif au subjectivisme immanent, son ralliement massif à la philosophie de l’âge moderne. Toutes ces âmes américanistes ont préféré cultiver les énergies religieuses de l’âme, qui une fois imprégnées de subjectivisme et soustraites à la finalité objective que l’Église leur avait toujours immanquablement proposée, envahissent et submergent l’intelligence et la volonté de l’homme, détruisant ses facultés les plus éminentes et font de lui un être aveugle, déraciné par en haut, par en bas, victime des meneurs qui sauront, en flattant son vice, le conduire où ils voudront.
L’anarchie subjectiviste aboutit à la destruction de la personne humaine, et cette dépersonnalisation, masquée d’apothéose, réduit l’homme à l’état de bête de troupeau à laquelle il faut un pasteur.
De l’américanisme au progressisme d’aujourd’hui, vous voyez qu’il n’y a qu’un pas. Tout dans ces doctrines malsaines est impulsion, spontanéité, tout est subjectif.
Elles ne distinguent pas la réalité d’avec l’objet de leurs rêves, ou plutôt leurs rêves sont pour elles la seule vraie réalité. Nous sommes là en plein subjectivisme religieux. De science qui conforme son enquête à la définition objective de la vérité comme correspondance de l’esprit à la réalité révélée, la théologie va devenir, selon la formule de Blondel « une adéquation toujours renaissante de ce que nous connaissons de nous-même et de ce que nous sommes. » Voilà l’exaltation pure et simple de la subjectivité la plus radicale dont nous subissons maintenant encore les conséquences. Il s’agit là d’une tentative de supprimer toute influence d’Aristote et de Saint Thomas dans le catholicisme et de combler le vide causé en celuici par une forme quelconque de subjectivisme. A la notion de vérité on va alors – comme on le fait aujourd’hui en politique – substituer celle de l’efficacité, c’est-à-dire qu’au dogme on va substituer la pastorale. (On a dans le récent synode sur la famille, l’application aveuglante de cet état d’esprit)
Toute sa tactique va être de n’admettre de la vérité totale que les bribes et morceaux que l’homme dit moderne est disposé à recevoir. Ce sera le résultat qu’on va considérer avant tout dans les doctrines et c’est ainsi qu’on a évacué des catéchismes toute la substance surnaturelle en la traduisant dans un langage soi-disant dogmatique, défini comme « le seul que l’homme moderne puisse comprendre ».
Or toute la pédagogie de l’Église consiste précisément à parler aux hommes un langage qui permet au vrai surnaturel de toucher leurs facultés spécifiquement humaines :
l’intelligence et la volonté. Et ce langage convient à tous les temps et tous les lieux. Si l’Église renonce à leur parler son langage à elle, ils ne l’apprendront jamais et, contrainte d’adopter alors le leur, il arrivera que ce dernier, de plus en plus privé des vérités surnaturelles et des mots qui les véhiculent, rejettera toute la révélation. C’est d’ailleurs ce que l’on constate aujourd’hui :
- le langage contemporain expulse Dieu, donc Dieu est mort :
- Il chasse Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, donc Jésus-Christ n’est qu’un personnage mythique construit par les premières communautés chrétiennes pour affirmer leur cohésion.
- Alors du christianisme et de l’Évangile lui-même formulé en un langage culturellement dépassé, il ne reste donc plus que le message révolutionnaire : liberté, égalité, fraternité, le seul que l’homme moderne puisse comprendre
Pour changer la foi, changer l’Église
L’Église comme institution a toujours fait corps avec la foi dont elle a la garde. C’est pourquoi le moyen le plus sûr, le plus infaillible de transformer la foi est de transformer l’Église. Aussi longtemps que l’Église institutionnelle maintient une discipline extérieure, prohibe certaines conduites intellectuelles et morales, et condamne les dérivations de doctrine, elle sauvegarde la foi. On a l’exemple de la réforme du Concile de Trente qui a consolidé l’institution ecclésiale, on a eu aussi Vatican I qui a raffermi l’Église par le dogme de l’infaillibilité pontificale qui préserve l’âme de l’Église en sa cime. Même si le chef vient à défaillir, l’institution qui a reçu les promesses de l’éternité peut se régénérer à partir d’infinis fragments où la vérité se trouverait encore sauvegardée. Changer donc l’institution c’est changer la foi.
Or, pour changer l’institution gardienne de la foi, il suffit de proclamer le primat de la conscience individuelle. le père Hecker, autre américaniste fondateur de l’ordre des Paulistes, écrivait « un pauliste doit s’appuyer sur l’individualité, c’est-à-dire faire de la liberté individuelle son élément essentiel dans tout ce qui regarde la vie ou le lien de la communauté et de ses membres. »
Là encore on a ici énoncé le principe fondamental du subjectivisme.
Le prétexte invoqué par le Père Hecker est le même que les sophismes répandus par les mentalités conciliaires. l’homme va façonner l’Évangile à sa guise pour l’adapter à ses aspirations et ainsi les justifier sans appel. l’apostasie immanente dont meurt l’Église d’aujourd’hui est la conséquence directe de l’immanentisme propre à la doctrine américaniste.
Si la conscience y prend la première place dans l’Église, il est clair qu’elle ne peut se maintenir dans l’Église qu’en proclamant qu’elle est le siège d’un charisme. l’Esprit- Saint l’anime. Il a bon dos l’Esprit-Saint ! Et voilà l’Église submergée par un déluge de charismes, totalement invérifiables et qui reposent sur de simples déclarations verbales. Il est toujours facile de placer sous le couvert d’une illumination supérieure le subjectivisme le plus pernicieux, l’immanentisme le plus suspect, l’exaltation la plus virulente du moi. Il est intéressant de lire cela sur la plume du Père Hecker quand il affirme sans pudeur aucune : « C’est de l’action immanente de l’Esprit-Saint en quelques hommes prédestinés sinon en chaque fidèle soucieux de réconcilier l’Église et ce monde, que naîtra le « nouveau printemps de l’Église ». Et en 1843, il écrivait sans vergogne : « Si l’Église ne va pas au-devant des vrais besoins de l’humanité pour les satisfaire par tous les moyens religieux en son pouvoir, elle doit s’en prendre à elle-même de ce que les hommes recherchent les divertissements profanes. l’Église pourvoit au salut de l’âme par les moyens spirituels, tels que la prière, la pénitence, l’eucharistie et les autres sacrements. Il lui faut maintenant pourvoir au salut et à la transfiguration du corps par des sacrements terrestres. »
Voilà donc ce qu’écrivait le Père Hecker il y a 150 ans. Et nous sommes maintenant en pleine confusion de l’Église et du monde, dans la sécularisation intégrale de l’Évangile. l’abbé Maignen prévoyait toutes les conséquences inéluctables de l’américanisme. « l’Ancien Régime a connu l’union de l’Église et de l’État, de la science avec la foi. la société transitoire du XIXes a pratiqué la séparation, la juxtaposition du spirituel et du temporel ; la société du XXes veut la fusion de l’Église dans l’État, la sécularisation de la théologie, de l’éxégèse, de tout ce qui fut mais ne doit plus être science sacrée. Au fond de toutes ces déclarations en faveur de la réconciliation de l’Église et du siècle, d’une adaptation du catholicisme à la société moderne, de la formation du nouveau clergé plus mêlé à la vie du peuple, au fond de toutes ces forces vagues et sonores, il y a chez certains meneurs, une pensée de derrière la tête, une idée que l’on n’ose pas encore formuler : la suppression du célibat ecclésiastique . le besoin insatiable de nouveauté est un danger pour la foi et la discipline de l’Église. Dans le domaine de la théorie, il ne s’agit plus pour les novateurs de créer un dogme, mais de donner, selon l’occasion, à tous les dogmes, un sens nouveau. »
De par notre fidélité à Dieu, de par notre fidélité au combat de la Tradition, fuyons ces pièges et veillons résolus et actifs.
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N.B. Cet éditorial a été composé sur la base d’un article du professeur Marcel de Corte paru dans la revue « Itinéraires ».