SOURCE - DICI - 21 novembre 2014
Résumé : Alors que l’état de l’Eglise universelle continue de se détériorer, Mgr Fellay rappelle la vision quasi prophétique que le futur Benoît XVI avait de l’avenir de l’Eglise, il y a déjà dix-sept ans.
Au milieu de ce désastre, la Fraternité continue à se développer et à travailler à la sanctification des âmes, en portant une attention toute particulière à la famille chrétienne, aux écoles catholiques, aux Exercices spirituels de saint Ignace et, par dessus tout, à la formation et la sanctification des prêtres.
Chers Amis et Bienfaiteurs,
Il y a déjà dix-sept ans, le
futur Benoît XVI présentait la vision qu’il avait de l’avenir de
l’Eglise ; celle-ci paraissait alors très pessimiste. Il prévoyait une
telle fragmentation du Corps mystique qu’il le réduisait à un ensemble de
petits groupes encore vivaces, mais au milieu d’une décadence
généralisée :
« Peut-être devons-nous
dire adieu à l’idée d’une Eglise rassemblant tous les peuples. Il est possible
que nous soyons au seuil d’une nouvelle ère, constituée tout autrement, de
l’histoire de l’Eglise, où le christianisme existera plutôt sous le signe du
grain de sénevé, en petits groupes apparemment sans importance, mais qui vivent
intensément pour lutter contre le mal et implantent le bien dans le
monde… » [1]
« Elle ressemblera moins
aux grandes sociétés, elle sera davantage l’Eglise des minorités, elle se
perpétuera dans de petits cercles vivants, où des gens convaincus et croyants
agiront selon leur foi. Mais c’est précisément ainsi qu’elle redeviendra, comme
le dit la Bible “le sel de la terre ”. » [2]
Vision désastreuse de l’avenir
de l’Eglise
Cette vision est-elle le fruit de la sagacité personnelle du
cardinal Josef Ratzinger, ou s’inspire-t-elle d’une autre source, comme le
secret de Fatima ? Lui seul peut nous le dire. Quoi qu’il en soit,
graduellement et tout particulièrement depuis le Concile, nous assistons à la
lente disparition de l’Eglise telle qu’elle s’est présentée pendant au moins
1500 ans, c’est-à-dire comme une société ayant imprégné profondément toute la
vie humaine, tout le corps social, s’efforçant de former un tout profondément
harmonieux avec le temporel, même si le pouvoir temporel a souvent essayé
d’empiéter sur le pouvoir spirituel de l’Eglise. Depuis la Révolution
française, on constate non seulement la séparation des deux pouvoirs, mais
aussi une volonté incessante de combattre et de réduire l’influence si
bénéfique de l’Eglise sur la société humaine. Depuis l’après-Concile, avec la diminution
effarante du nombre des vocations sacerdotales, avec la perte de centaines de
milliers de religieux et de religieuses qui avaient donné leur vie pour Dieu et
le prochain, cette présence de l’Eglise dans les écoles, dans les hôpitaux,
dans la vie sociale et politique a quasiment disparu. Aucune mesure sérieuse
n’est prise pour enrayer cette disparition catastrophique de l’Eglise dans la
société. Elle est désormais à peu près réduite à la sacristie. Pire, dans les
pays où l’Eglise avait prodigué ses bienfaits, dans ces pays qu’autrefois on
appelait chrétiens, même les églises et les sacristies sont vides… Nous ne
sommes plus très loin de la vision quasi prophétique du cardinal Ratzinger.
Mais à ces éléments extérieurs s’en ajoutent d’autres,
propres à la vie interne de l’Eglise ; ils sont les indices d’une
faiblesse devant un ennemi non plus extérieur, mais désormais intérieur. De
plus en plus nettement se dissolvent l’unité de la foi et l’unité du
gouvernement dans la sainte Eglise ; quant à l’unité liturgique, avec les
ouvertures opérées par la nouvelle messe en direction de la
« créativité », avec notamment la multiplication des prières
eucharistiques, il y a déjà longtemps qu’elle a volé en éclats. Quant à la
morale, le dernier Synode sur la famille est une tragique indication de la
prolifération des opinions contradictoires qui règnent en ce domaine, et que
l’autorité ne semble plus à même d’endiguer, lorsqu’elle ne les favorise pas
elle-même…
Au milieu de ce désastre, remarqué par beaucoup d’observateurs,
nul doute que notre modeste Fraternité apparaît comme « un petit groupe
apparemment sans importance, mais qui vit intensément pour lutter contre le mal
et implanter le bien dans le monde… » Si d’un côté la vue de l’Eglise
défigurée nous désole profondément, de l’autre, nous chantons tous les jours le Magnificat pour
les merveilles que le Tout-Puissant nous permet encore de réaliser.
*
* *
La famille chrétienne
Nous aimerions vous donner dans ces quelques lignes un
aperçu du développement actuel de la Fraternité, qui malgré les coups reçus de
toutes parts, ne cesse de répandre la grâce du Bon Dieu, de fortifier les âmes
dans leur dur et périlleux pèlerinage vers le Ciel. Depuis longtemps, nous nous
rendons compte qu’une attention toute particulière doit être portée sur la famille
chrétienne, foyer sacré où naissent des enfants destinés non seulement à la vie
sur cette terre, mais à la vie du Ciel. Il y a quelque chose de terrifiant et
de diabolique dans le raffinement de cruauté qui est employé pour frapper ce
sanctuaire, dès la vie de l’enfant à naître dans le sein de sa mère.
Devant le nombre de familles nombreuses, cultivant
sereinement la vertu et cherchant la gloire de Dieu sans négliger, bien au
contraire, leurs devoirs envers le prochain et la société, nous ne pouvons que
bénir Notre Seigneur et admirer le travail si efficace de la grâce ! Oui
chères familles, si la vie chrétienne a ses exigences, l’aide de Dieu, la grâce
ne fait jamais défaut, quelques soient les circonstances qui souvent réclament
de vous un certain héroïsme. Vous donnez, par le simple fait de votre vie
chrétienne et de vos efforts, la preuve que cette vie est encore possible
aujourd’hui, et que ceux qui abandonnent les commandements de Dieu pour
chercher d’autres voies plus accommodantes avec le monde moderne, sont des
défaitistes qui ont perdu l’esprit de foi qui devrait animer tout chrétien.
L’école catholique
Cette vie de foi a besoin d’être protégée, et pour se
développer elle a besoin de l’école catholique. Cela a toujours été un souci
majeur de l’Eglise, au point qu’elle fait une obligation grave aux parents de
veiller à l’éducation catholique de leurs enfants, jusqu’à menacer encore
aujourd’hui de sanction ceux qui manqueraient à leur devoir ! [3]
C’est là une grave préoccupation, bien concrète : où
trouver de nos jours des écoles authentiquement catholiques où l’enseignement
de la foi pénètre vraiment toutes les disciplines ? Des établissements où
l’on prépare les futurs pères et mères de famille aux combats nécessaires en ce
monde, afin de conquérir le Ciel ?
C’est pour cela que l’un de nos plus grands efforts se porte
sur les écoles. Nous y consacrons, dans le monde entier, la plus grande partie
de nos ressources, tant humaines que matérielles. Et, de fait, une bonne centaine
d’écoles, de tailles diverses, forment des milliers de chrétiens convaincus
pour demain.
Les Exercices spirituels de saint Ignace
Si la famille et l’école fournissent une protection
indispensable aux jeunes en formation, que faire pour soutenir ceux qui
quittent le foyer paternel et entrent dans le monde ? C’est une grande
préoccupation pour nous que la persévérance de ces jeunes adultes dans le bien
et la vertu, le maintien de leurs âmes en état de grâce dans un monde si
perverti. Aussi ne trouvons-nous pas d’antidote plus fort que les Exercices
spirituels de saint Ignace, que nous considérons très certainement comme l’un
des plus grands trésors et moyens de sanctification déposés entre nos mains –
après le Saint Sacrifice de la Messe et le saint Rosaire. Ils sont vraiment
faits pour notre temps, capables de donner le courage, la force, l’héroïsme
nécessaires aujourd’hui à toutes les âmes de bonne volonté. C’est pourquoi nous
vous invitons instamment à ne pas négliger ce moyen mis à votre disposition. Sans
aucun doute, nous considérons les Exercices spirituels comme l’un des fers de
lance de la Fraternité, et la cause de ce véritable miracle de la grâce que
constitue la vie chrétienne aujourd’hui.
Le prêtre et la Messe
Mais la vie surnaturelle ne serait pas possible sans le prêtre,
instrument privilégié, voulu et choisi par Dieu pour la répandre dans le Corps
mystique, en particulier par le très Saint Sacrifice de la Messe. Le lien
intime qui doit unir le prêtre et la Messe, est le testament que nous a laissé
Mgr Lefebvre. Car la Messe est la source de toute sanctification et le prêtre,
avant tous les autres, doit s’y abreuver pour ensuite en faire bénéficier les
âmes qui lui sont confiées : « Je me sanctifie moi-même pour eux, disait
Notre Seigneur, afin que eux aussi soient sanctifiés dans la vérité »
(Jn 17, 19).
Ce mystère est au cœur de nos séminaires. Nous y veillons
avec un soin jaloux, et nous soignons tout ce qui peut servir à embellir les
cérémonies liturgiques. La beauté des signes extérieurs reflète la sublimité
des mystères par lesquels s’opère notre Rédemption. Ainsi ces cérémonies,
grandioses et intimes à la fois, sont-elles comme un prélude du Ciel.
C’est la joie et le privilège quotidien de nos quelque 200
séminaristes, ainsi que de la quarantaine de pré-séminaristes répartis dans nos
six séminaires sur quatre continents. Aux États-Unis, leur nombre croissant
nous oblige à en construire un nouveau, en Virginie ; il devrait être sous
toit au printemps prochain.
A cela s’ajoute la construction de nombreuses églises, un
peu partout dans le monde, qui montre le dynamisme de la foi. Oui, vraiment, la
foi peut déplacer des montagnes ! Je crois bien que seule la foi peut
expliquer ce phénomène qui dépasse les forces humaines. Grâce à Dieu, votre
constante générosité et votre zèle ardent rendent de telles réalisations
possibles. Soyez-en profondément remerciés. Soyez assurés de la prière
reconnaissante des séminaristes, des prêtres, des religieux et religieuses qui
chaque jour demandent à Dieu de vous rendre vos bienfaits au centuple.
Daigne Notre Dame vous garder dans la charité et la paix,
bien chers Amis, et que son Cœur immaculé vous conduise tous à la béatitude
éternelle.
En la fête de la Présentation de Notre Dame, le 21 novembre
2014
+ Bernard Fellay
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[1]Le Sel de la Terre, Flammarion 1997, p. 16.
[1]Le Sel de la Terre, Flammarion 1997, p. 16.
[2] Ibid. p. 214.
[3] Cf. Code de 1917, canon 2319, § 2-4 ; Code de 1983, canon 1366.