SOURCE - Jean Madiran - Présent - 19 février 2011
Il existe une prophétie de saint Paul dont on semble dans l’Église ne pas s’apercevoir qu’elle a commencé à se réaliser.
Il existe une prophétie de saint Paul dont on semble dans l’Église ne pas s’apercevoir qu’elle a commencé à se réaliser.
Cette prophétie concerne les “signes du temps”. Pour interpréter ceux-ci, l’Église a institutionnellement besoin de l’aide des autorités temporelles et de leur compétence propre en la matière. Mais aujourd’hui nos autorités temporelles se veulent laïquement sans Dieu, ce qui les rend défaillantes, aveugles, et même destructrices.
Dans sa seconde lettre aux Thessaloniciens (2, 3-8), saint Paul leur parle de l’Avènement du Christ à la fin des temps et leur demande s’ils se rappellent ce qu’il leur en a dit quand il était auprès d’eux. Son propos est donc dans le contexte et la dépendance de ce qu’il leur avait dit, et qu’il ne répète pas, ce qui fait que sa prophétie demeure allusive et que saint Augustin avouait n’y rien comprendre.
Saint Paul explique qu’avant l’Avènement final il y aura une apostasie générale qui, “mystère d’iniquité”, est “déjà à l’œuvre” mais demeure d’abord impuissante et cachée : son déchaînement est retenu par quelque chose ou quelqu’un, et c’est en ce quelque chose ou ce quelqu’un que consiste l’énigme. Viendra le temps où cet obstacle énigmatique sera écarté, “et alors l’Impie se révélera”, il établira pour un temps sa domination : un temps qui peut durer des années, ou des siècles.
Les hypothèses interprétatives ont été nombreuses. La plus célèbre dans l’école contre-révolutionnaire est celle de Dom Delatte, Abbé de Solesmes de 1890 à 1921, pour qui l’obstacle au déchaînement de l’Impie est le pouvoir temporel tant qu’il demeure fidèle à sa fonction qui en fait le rempart de “l’ordre naturel dans l’homme, dans la famille, dans la société, dans la nation, dans toute l’humanité”. Quand le pouvoir temporel, miné de l’intérieur, ne remplit plus son rôle, l’espace public est livré à l’apostasie et à ses conséquences, les perversions et inversions morales.
Jean Ousset commentait à son tour Dom Delatte : en raison de la décomposition du pouvoir temporel, il voyait venir “le Super-Etat, pouvoir occulte universel enfin manifesté et vraisemblablement incarné en une personne ou un groupe de personnes, visibles ou invisibles, connues de tous ou masquées aux yeux des foules par l’anonymat, pouvoir mondial de la Révolution triomphante”. Rien n’empêchera plus l’apostasie générale de grandir dans la mesure où progresse le “déboisement social”, c’est-à-dire la destruction ou l’inversion du mariage, de l’école, du métier, de tous les corps intermédiaires “et des nations elles-mêmes”. Jean Ousset l’écrivait en 1958, il y a plus d’un demi-siècle.
Il s’est répandu, dans l’Église et dans la société, la croyance prévaricatrice que “la démocratie égalitaire est directement issue du monothéisme évangélique” : ce n’est même pas une idée, c’est un aveuglement. La démocratie égalitaire est l’avant-garde, elle détruit l’obstacle temporel qui empêchait une généralisation mondiale de la déchristianisation. Ainsi la démocratie-chrétienne n’aura été, selon Pie X, qu’ “un misérable affluent du grand mouvement d’apostasie organisé dans tous les pays pour l’établissement d’une Église universelle qui n’aura ni dogmes ni hiérarchie, ni règle pour l’esprit ni frein pour les passions”.
À ce sujet saint Pie X a dénoncé ce qu’il appelait “l’invitation étrange” : l’invitation “faite par un catholique” [c’était alors Marc Sangnier, fondateur de la démocratie-chrétienne], l’invitation au “respect de toutes les erreurs”, et pour ceux qui les professent, l’étrange invitation à “fortifier leurs convictions”. Aux invitations de ce genre, l’école contre-révolutionnaire exprime en permanence son refus.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7290 de Présent du samedi 19 février 2011