La réponse du cardinal Burke à la journaliste de France 2 qui a essayé de le piéger en le faisant passer pour le chef des ennemis du Pape a suscité des réactions prévisibles, en fonction du milieu dont elles étaient issues. Dans le pire des cas, après avoir validé la catégorie « ultra-conservateur » (= méchant) dont l’ont affublé les médias, on l’a tourné en dérision à cause de son goût pour la cappa magna (à ce sujet, il faut absolument relire ce qu’en disait le Père Ray Blake, qui nous en rappelait la signification, justement à propos du cardinal Burke, ici: benoit-et-moi.fr/2014-II/...chiffons-rouges-et-ordre-de-malte)
L’opinion du célèbre prêtre blogueur américain Father Z est précieuse, car s’il est attaché à la belle liturgie, il n’appartient pas à l’aide traditionaliste, et il n’est pas du tout hostile à François. Il est simplement un « conservateur éclairé ».
Et il prend le parti du cardinal, en s’appuyant rien moins que sur les Ecritures et un docteur de l’Eglise.
QUAND DEVRIONS-NOUS RÉSISTER AU PAPE? OÙ FATHER Z DIVAGUE /
Que faisons-nous lorsque l'autorité légitime se trompe sur quelque chose d'important? Nous résistons respectueusement à l'autorité légitime. Le Pape François fait ou ne fait pas A, B ou C. Il ne revêt pas, par exemple, la tenue pontificale appropriée, dans les moments appropriés, comme la tradition et le décorum le requièrent. Je pense que cela ne convient pas. Et pourtant, bien qu’important, je ne pense pas que ce soit assez important pour lui résister. Le fait qu'il ne s'habille pas de ce vêtement ou d'un autre n'est pas suffisant pour mériter de la résistance.
Et pourtant, que faire si le Pape François disait que les divorcés et remariés civilement sans déclaration de nullité pouvaient être admis à la Sainte Communion, sans d'autres clarifications? Je pense à un texte très connu du Jésuite Saint Robert Bellarmine (+ 1612) (*), Docteur de l'Eglise, dans son œuvre De Romano Pontifice:
"Comme il est légitime de résister au pape qui attaque le corps, il est également légitime de résister à celui qui attaque l'âme ou dérange l'ordre public, ou qui, surtout, essaye de détruire l'Eglise. J'affirme qu'il est légitime de lui résister en ne faisant pas ce qu'il ordonne et en empêchant que sa volonté soit mise en exécution."
Est-ce que je pense que le Pape François ferait quelque chose d'assez grave pour mériter de la résistance? Je ne le pense pas. Je prie qu'il ne le fasse pas.
Son Eminence le Cardinal Raymond Burke a donné une interview à une chaîne de TV française et il lui a été posé une question qui allait dans ce sens.
[Voici la transcription partielle de l’entretien].
Cardinal Burke: Je ne peux pas accepter que la Communion puisse être donnée à une personne dans une union irrégulière car il s'agit d'adultère. Sur la question des personnes de même sexe, cela n'a rien a voir avec le mariage. C'est une souffrance de quelques personnes par laquelle elles sont attirées contre nature, sexuellement, vers des personnes du même sexe.
Question: Si par hasard le pape persiste dans cette direction, que ferez-vous?
Cardinal Burke: Je résisterai, je ne peux faire rien d'autre. Il n'y a pas de doute que c'est un moment difficile; c'est clair, c'est clair.
Question: Douloureux?
Cardinal Burke: Oui.
Question: Préoccupant?
Cardinal Burke: Oui.
Question: A votre avis, pouvons-nous dire que l'Eglise Catholique en tant qu'institution est menacée?
Cardinal Burke: Le Seigneur nous a assurés, comme il a assuré Saint Pierre dans l'Evangile, que les puissances du mal ne prévaudront pas "non praevalebunt" nous disons en latin, que les forces du mal n'auront pas la victoire sur l'Eglise.
Question finale: Est-ce que le Pape est toujours votre ami?
Cardinal Burke (avec un sourire): Je ne voudrais certainement me faire un ennemi du pape. C'est bien/cela ira pour le moment [du contexte: "Cela suffit pour l'interview"].
Il me semble que la réponse du Cardinal Burke était correcte et appropriée. Il n'a pas dit que c'est ce qui est en train de se passer maintenant, qu'il résiste au Pape à présent. Une question hypothétique lui a été posée à laquelle tous les Catholiques devraient pouvoir répondre.
La question n'est pas nouvelle, les réponses à la question ne le sont pas non plus. Dans les Actes 5:29 Pierre dit: "Nous devrions obéir à Dieu, plutôt qu'aux hommes". Dans la lettre aux Galates 2:11, Paul dit, "Mais quand Kephas [Pierre] est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, car il était dans le tort." Tout le long des siècles de grands Pères et Docteurs de l'Eglise, ainsi que de nombreux éminents théologiens ont réfléchi à la situation hypothétique d'un Pape qui déraille et à ce que les fidèles devraient faire pour répondre. Il en concluent que si même un Pape erre sur quelques sujets, il faut s'y opposer dans le but d'éviter le scandale, de défendre la Foi, et pour le salut des âmes.
Dans la réponse du Cardinal Burke donc, il n'y a rien de terriblement nouveau. Il ne fait qu'affirmer ce que tout catholique devrait savoir et devrait faire.
S'il advenait, quod Deus avertat (que Dieu nous en préserve), que le Saint-Père lui-même essayât de changer le clair enseignement catholique fondé sur les paroles claires du Christ lui-même ou le clair enseignement du Magistère fondé sur les Ecritures et la Tradition, alors le fidèle catholique devrait lui résister sur cette question. Si un Pape essayait de marier deux hommes ou d’approuver une telle chose, il faut lui résister. Toutefois, je ne crois pas que nous assisterons jamais à une situation pareille.
Je suis avec Benoît XVI sur ce point. Avant que Joseph Ratzinger fût élevé au Siège de Pierre, il expliqua quelque chose sur comment travaille le Saint Esprit dans l'élection du Pape. Comme Ratzinger, je ne pense pas que l’Esprit Saint choisisse directement le Pape, tout comme je ne pense pas que l’Esprit Saint ait dicté mot par mot les Ecritures que nous considérons avoir été divinement inspirées. Dieu laisse beaucoup d'espace à la sagesse et à la volonté humaines. Ce que l’Esprit Saint fait, toutefois, c’ est de s'assurer, dans Sa providence, que le Pape élu ne va pas être un désastre total pour l'Eglise. De la même manière, tout comme j'estime que l’Esprit Saint guide, et œuvre dans l'esprit et la volonté des Papes dans leur gouvernance de l'Eglise et dans leur enseignement, je ne pense pas que l’Esprit Saint leur dicte directement ce qu'il faut faire. Les Papes restent des hommes, sujets aux problèmes des hommes. Les Papes peuvent commettre des erreurs de jugement. Leur volonté peut s'affaiblir. Ils peuvent devenir infirmes, malades ou mêmes déments. Dans cette situation, je crois fermement que l’Esprit Saint, dans ce rôle de préserver l'Eglise des attaques de l'Enfer et de garantir la Primauté de la Foi et du Magistère, interviendrait.
Que pourrait faire l’Esprit Saint pour prévenir un désastre? Cest difficile à dire. Toutefois je n'exclurais pas que les âmes d'un supposé Pape Fou ou Pape timbré (Pope Nutcase and Pope Loonutoon) seraient soudainement rappelées de cette vallée de larmes à leur récompense éternelle devant le trône de Dieu, si elles étaient sur le point d'endommager gravement l'Eglise d'une manière fondamentale. Les enjeux devraient être assez élevés et seu l’Esprit Saint pourrait saisir ces enjeux.
En outre, tout comme le corps et l'esprit humains peuvent encaisser des coups et des blessures, ainsi le peut l'Eglise corps du Christ. Un bon père n'empêche pas un petit de courir seulement parce qu'il pourrait tomber ou s'écorcher le genou, ou mieux encore, juste parce qu'il est tombé ou s'est écorché le genou. Comme le fait Dieu le Saint Esprit.
----------
(*) Benoît XVI lui a consacré une catéchèse le 23 février 2011: benoit-et-moi.fr/2011-I