SOURCE - Abbé Néri - Le Forum Catholique - 25 mars 2015
Cela peut paraître paradoxal mais on ne peut rendre un meilleur hommage à la mémoire de Mgr. Lefebvre que celui de reconnaître en lui un grand défenseur des prérogatives du Saint-Siège jusqu’au point de le faire quand cela été devenu nécessaire face à ceux qui l’occupaient.
Le témoignage que l’abbé Victor-Alain Berto, (son théologien au Concile) en donne le signale clairement :
« II a un « habitus » théologique parfaitement sûr et affiné, auquel sa très grande piété envers le Saint-Siège ajoute cette « connaturalité » qui permet, avant même que l'habitus discursif intervienne, de discerner d'intuition ce qui est et ce qui n'est pas compossible avec les prérogatives souveraines du Rocher de l'Eglise. »(1)
Je me contente de vous donner comme illustration un exemple ancien parce que peut être moins connu. Il s’agit d’un extrait d’un article publié dans la revue Itinéraires :
« Le magistère de l’Église est sa raison d’être et la raison d’être du magistère est la certitude de posséder la Vérité. Or la Vérité est de soi intolérante vis-à-vis de l’erreur, comme la santé est opposée à la maladie.
Le magistère ne peut pas admettre le droit à la liberté religieuse, même s’il la tolère. Dieu en effet n’a pas laissé à l’homme le droit de choisir sa religion, mais seulement la malheureuse possibilité, qui est une faiblesse de la liberté humaine.
On reproche à l’Église de réclamer la liberté religieuse lorsqu’elle est en minorité et de la refuser lorsqu’elle est en majorité.
La réponse est aisée. La Vérité est source du bien, de la vertu, de la justice, de la paix. Là où est la Vérité, ces bienfaits se manifestent dans la société.
L’Église demande que l’on reconnaisse qu’elle apporte ces biens précieux pour les États et, qu’en conséquence, on lui accorde la liberté de les dispenser. Les hommes d’État sensés et soucieux du bien de leurs concitoyens admettent volontiers la valeur des bienfaits culturels et sociaux apportés par l’Église catholique et lui accordent aisément une liberté qu’ils refusent parfois aux autres.
L’Église est en droit de demander cette liberté d’existence et d’action parce qu’elle apporte avec elle les dons précieux qui découlent de la Vérité dont elle est seule détentrice d’une manière totale.
Toute l’histoire contemporaine des Missions montre cette situation privilégiée de l’Église catholique, qui fait fleurir les vertus familiales et sociales en ses membres. C’est pourquoi des États, à majorité non chrétienne, placent à leur tête ou à des fonctions importantes ces catholiques qui par leur dignité de vie, leur probité, leur conscience apportent le témoignage éclatant de la vérité de l’Église catholique.
N’était-ce pas ce que disait déjà saint Cyprien à l’empereur pour lui demander d’épargner les chrétiens et leur laisser la liberté ?
Quand l’Église est majoritaire, elle doit à la Vérité et au bien des peuples de dispenser la bonne doctrine et de répandre ainsi tous les bienfaits qui découlent de la Vérité auprès des citoyens, les mettant à l’abri de l’erreur et des vices qui l’accompagnent.
C’est vivre dans l’abstraction, dans l’irréel, que de raisonner de la Vérité sans faire allusion au bien qui lui est inséparablement uni, de même que le mal et le vice sont inséparablement unis à l’erreur.
Il est plus aisé de reconnaître que seul le bien a des droits et que le mal n’en a pas. Or ce qui s’affirme du bien doit se dire de même de la Vérité.
Ens, verum et bonum convertuntur, ce que l’on affirme de l’Être peut se dire du Vrai et peut se dire du Bien et inversement, ces trois réalités ne sont qu’une et même chose. » (2)
(1) Fideliter N°81, mai-juin 1991, pp. 31-32 – cité par l’auteur du site « Credidimus caritati »
(2) Perspectives conciliaires entre la troisième et la quatrième session – 6 juin 1965