SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France - n°63 - septembre 2014
Répondons maintenant aux arguments, d’ailleurs pas tous absurdes s’ils ne sont pas réellement
pertinents, avancés pour soutenir cette revendication du sacerdoce des femmes.
Deux arguments
Le courant de « libération » de la femme, que nous avons évoqué, peut avoir des aspects bons et
mauvais. Il ne nous appartient pas d’en discuter ici. Mais en invoquant cette évolution socioculturelle,
on semble oublier que l’Église n’est pas une société comme les autres et qu’en elle
l’autorité, le pouvoir, est d’une nature différente puisque lié à un sacrement.
Le recours au texte de l’épître aux Galates, d’après lequel il n’y a plus dans le Christ de distinction
entre l’homme (masculin) et la femme, n’est pas adéquat, puisque ce passage ne traite pas du
ministère sacerdotal, mais de la vocation universelle au salut, qui effectivement touche aussi bien
les femmes que les hommes (masculins).
In persona Christi, in persona Ecclesiæ
L’argument qui prétend que la femme représente mieux le prêtre agissant in persona Ecclesiæ
repose sur une inversion radicale. Car il existe un lien de causalité essentiel entre le in persona
Christi et le in persona Ecclesiæ.
Le prêtre représente l’Église parce que d’abord il représente le Christ qui est le Chef et le Pasteur
de l’Église. Si le prêtre préside l’assemblée chrétienne, ce n’est pas que cette assemblée l’ait élu.
L’Église n’est pas un rassemblement spontané mais, comme son nom d’ecclesia l’indique, elle est
rassemblée et convoquée par le Christ.
Le prêtre préside donc l’assemblée dans la personne du Christ Tête de l’Église, in persona Christi
capitis, et c’est seulement en conséquence qu’il agit in persona Ecclesiæ. Admettre que la femme
représenterait mieux le prêtre agissant in persona Ecclesiæ, ce serait dénaturer le sacerdoce en un
sens démocratique qui n’a pas lieu d’être dans l’Église.
Le sacerdoce n’est pas un droit, mais un appel divin et ecclésial
On fausse également les choses en posant la question du sacerdoce sur le plan de la justice. Un
tel point de vue ne se justifierait que si l’ordination était un droit accordé par Dieu à toute personne,
et dont les femmes seraient injustement privées. Le sacerdoce est, au contraire, une vocation,
c’est-à-dire un appel totalement gratuit: «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous
ai choisis» (Jn 15, 16).
En se plaçant du point de vue du droit, on pourrait aussi se demander qui a le droit de naître
homme (masculin) ou femme. Saint Jean Chrysostome faisait d’ailleurs remarquer que non seulement
les femmes, mais même la plupart des hommes (masculins) avaient été écartés par Jésus du
sacerdoce (De sacerdotio, 2, 2). Et, aux femmes, l’absence de vocation au sacerdoce n’est nullement
un amoindrissement. Dire : « Que reste-t-il aux femmes, puisqu’elles ne peuvent être ordonnées
prêtres?» est aussi absurde que dire : « Que reste-t-il aux hommes, puisqu’ils ne peuvent enfanter
et mettre au monde?»
Le silence de la Bible?
Une objection s’appuie sur le fait qu’en aucun endroit de la sainte Écriture n’est mentionnée une
exclusion des femmes du sacerdoce. Ni Jésus-Christ lui-même, ni les Apôtres n’affirment que les
femmes sont exclues du sacerdoce. Ce serait donc en vertu d’habitudes socio-culturelles qu’ils n’auraient pas ordonné de femmes, et non pas pour une raison théologique déterminante.
Mais une telle remarque pourrait être faite sur de nombreux autres articles de notre foi. Par exemple, on ne trouve pas dans les paroles de Jésus-Christ la manière de baptiser avec de l’eau ; on ne trouve pas mention explicite et directe de la confirmation ; on ne peut apporter de parole où le Sauveur institue un sacrement de mariage en tant que tel, etc.
L’Écriture ne contient pas, à elle seule, toute la Révélation : il faut la compléter par la Tradition. C’est l’Église qui scrute la Révélation et en donne le sens authentique. Se référer exclusivement à l’Écriture, c’est la position protestante. Et la Tradition catholique a toujours reconnu dans la pratique du Christ et des Apôtres réservant le sacerdoce aux hommes (masculins) une norme de foi.
Une vérité n’est pas annulée par la coexistence d’un préjugé
Pour certains théologiens, les attitudes anciennes vis-à-vis des femmes n’auraient aucun fondement dans la Révélation et relèveraient du sexisme. Ils en déduisent que l’exclusion des femmes du sacerdoce est le fruit de préjugés sociologiques.
Or, une attitude bonne peut coexister avec des motivations mauvaises. Un juge peut condamner un criminel, à la fois parce que celui-ci a commis une faute et par un désir personnel de vengeance à son encontre. Cela n’annule pas la faute du criminel, ni la justesse de la sentence si celle-ci est proportionnée au crime. Un refus fondé du sacerdoce des femmes peut ainsi coexister avec des préjugés antiféminins. Vouloir rejeter l’interdiction du sacerdoce des femmes à cause de ces préjugés, c’est risquer de détruire un fait réel en voulant ôter une erreur.
De la même façon, parce qu’on estime inadéquate une partie de l’argumentation des théologiens du Moyen Âge ou de l’époque classique à l’encontre du sacerdoce féminin, on prétend que leur conclusion est fausse. Or, la vérité peut coexister avec une argumentation déficiente. Ainsi, la dé- monstration de l’héliocentrisme par Galilée reposait sur des bases certainement fausses, et pourtant l’héliocentrisme reste vrai.
Ne nous laissons donc pas impressionner par des attaques qui soulignent les préjugés ou les arguments déficients de tel ou tel adversaire du sacerdoce des femmes : examinons la vérité elle-même telle qu’elle ressort de l’Écriture et de la Tradition. C’est le seul critère valable en ce domaine, et il ne sera jamais dépassé.
La véritable vocation
Et souvenons-nous que l’Église est un corps différencié, où chacun a son rôle. Ces rôles sont distincts et ne doivent pas être mélangés. L’égalité fondamentale devant la grâce, qui est certaine et que proclame saint Paul dans l’épître aux Galates, ne doit pas être confondue avec l’identité.
En revanche, tous les baptisés, femmes comme hommes (masculins), ont la possibilité de désirer et de vivre le « charisme » supérieur dont parle saint Paul (1 Co 12-13), qui est la charité, et qui donnera le degré de gloire au Paradis. Car les plus grands dans le Royaume des cieux ne seront pas les prêtres du sacerdoce ministériel, mais bien les saints.