SOURCE - Jean-Marie Guénois - Le Figaro - 1er septembre 2015
Dans une lettre préparant l'Année Sainte de la Miséricorde que le Pape lance le 8 décembre prochain, François fait un pas de plus vers les «intégristes» de la Fraternité Saint Pie X et réaffirme aussi la notion «d'indulgence» pourtant honnie par les protestants. Il rappelle enfin que tous les prêtres seront autorisés à absoudre «le péché d'avortement».
François aime les paradoxes. Le jour où il reçoit au Vatican, Mgr Jacques Gaillot - réhabilitant de facto, cet évêque français très social et progressiste qui fut pourtant destitué par Rome sous le pontificat de Jean-Paul II - le pape argentin tend une main inattendue aux fidèles de Mgr Lefebvre, membres de la Fraternité Saint Pie X, plus connus sous le noms «d'intégristes».
Déjà en janvier 2009, Benoît XVI qui cherchait la réconciliation avec cette branche dissidente de l'Église catholique avait levé les «excommunications» qui frappaient les évêques de cette Fraternité. Mais François pose un pas de plus en leur direction.
Dans une lettre publiée le 1er septembre et adressée à l'un de ses collaborateurs, Mgr Rino Fisichella, chargé d'organiser «le Jubilé de la Miséricorde» - une «Année Sainte» (8 décembre 2015 au 20 novembre 2016) voulue par François pour affirmer que l'Église catholique n'est pas un code moral mais un lieu de la «miséricorde divine» qui «pardonne tout» - il confie une charge d'importance aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X.Le rite latin ancien qu'ils célèbrent n'a jamais été remise en cause
«Cette année de la miséricorde, écrit le Pape, n'exclut personne». Ainsi «j'établis, par ma propre disposition, que ceux qui au cours de l'Année Sainte de la Miséricorde s'approcheront, pour célébrer le Sacrement de la Réconciliation, des prêtres de la Fraternité Saint Pie X, recevront une absolution valide et licite de leur péché».
Jamais en effet les prêtres et les fidèles de la Fraternité Saint Pie X n'ont été excommuniés. Jamais non plus la validité de la messe selon le rite latin ancien qu'ils célèbrent n'a été remise en cause, mais deux sacrements, le mariage et celui de la réconciliation (la confession) posaient certains problèmes de légitimité juridique aux yeux du droit canonique.
C'est ce blocage que François vient de faire sauter en reconnaissant la «bonne foi et pratique sacramentelle» de la Fraternité Saint Pie X qui demeure certes dans une «situation pastorale difficile». Le Pape précisant toutefois: «J'espère que dans un proche avenir, l'on pourra trouver les solutions pour retrouver une pleine communion avec les prêtres et les supérieurs de la Fraternité.»
Tous les prêtres auront «la faculté d'absoudre le péché d'avortement»
Autre paradoxe: l'objet principal de la lettre de ce Pape très œcuménique et soucieux de dialogue avec les autres confessions chrétiennes, est de renforcer la notion «d'indulgence» traditionnellement liée à toute année sainte mais concept qui a toujours été sévèrement critiqué par les protestants.
Le pape François étend notamment cette «indulgence» aux «prisonniers» mais aussi aux «défunts». «Je désire, écrit le pape, que l'indulgence jubilaire soit pour chacun une expérience authentique de la miséricorde de Dieu, qui va à la rencontre de tous avec le visage du Père qui accueille et pardonne, oubliant entièrement le péché commis.»
Enfin, le Pape confirme ce que Mgr Fisichella avait déjà précisé le 6 mai 2015 et qui n'est pas une nouveauté:pendant cette Année Sainte tous les prêtres auront «la faculté d'absoudre le péché d'avortement» écrit le Pape. Ce qui se pratique déjà dans l'Église car l'évêque donne habituellement à des prêtres des diocèses ce pouvoir aujourd'hui renforcé par François. Il explique ainsi la portée de ce geste: «Je pense, en particulier, à toutes les femmes qui ont eu recours à l'avortement. Je connais bien les conditionnements qui les ont conduites à cette décision. Je sais qu'il s'agit d'un drame existentiel et moral. J'ai rencontré de nombreuses femmes qui portaient dans leur cœur la cicatrice de ce choix difficile et douloureux. Ce qui a eu lieu est profondément injuste ; pourtant, seule sa compréhension dans sa vérité peut permettre de ne pas perdre l'espérance. Le pardon de Dieu à quiconque s'est repenti ne peut être nié, en particulier lorsqu'avec un cœur sincère, cette personne s'approche du Sacrement de la Confession pour obtenir la réconciliation avec le Père.»