SOURCE - Paix Liturgique - lettre 509 - 5 septembre 2015
Début septembre, les évêques suisses ont élu – de manière étonnante si l’on considère la ligne progressiste de l’épiscopat suisse – leur nouveau président en la personne de Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. De 2004 à 2008, ce théologien dominicain très ratzinguérien s’était acquitté, comme représentant officieux du Saint-Siège, de la délicate mission exploratoire de discussions doctrinales avec la fraternité Saint-Pie-X. En 2009, devenu Secrétaire général de la Commission théologique internationale et recteur de l’université pontificale Saint-Thomas d’Aquin (l'Angelicum), il fit partie des experts romains lors des pourparlers doctrinaux conduits sous Benoît XVI avec la FSSPX. Évêque de Lausanne, Genève et Fribourg depuis 2011, il entrera dans ses fonctions de président de la conférence épiscopale helvétique le 1er janvier 2016.
Début septembre, les évêques suisses ont élu – de manière étonnante si l’on considère la ligne progressiste de l’épiscopat suisse – leur nouveau président en la personne de Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. De 2004 à 2008, ce théologien dominicain très ratzinguérien s’était acquitté, comme représentant officieux du Saint-Siège, de la délicate mission exploratoire de discussions doctrinales avec la fraternité Saint-Pie-X. En 2009, devenu Secrétaire général de la Commission théologique internationale et recteur de l’université pontificale Saint-Thomas d’Aquin (l'Angelicum), il fit partie des experts romains lors des pourparlers doctrinaux conduits sous Benoît XVI avec la FSSPX. Évêque de Lausanne, Genève et Fribourg depuis 2011, il entrera dans ses fonctions de président de la conférence épiscopale helvétique le 1er janvier 2016.
Le 5 septembre, le pape François a nommé l’actuel nonce en Ukraine, Mgr Thomas Edward Gullickson, prélat Américain de 65 ans, nonce apostolique en Suisse. Nous suivons depuis plusieurs années les réflexions que Mgr Gullickson présente sur le blog qu’il tient depuis qu’il était en poste aux Caraïbes (voir notre lettre 296 notamment). En janvier 2014, il y déclarait ainsi que les deux textes pontificaux qui avaient marqué jusque-là son existence étaient Humanæ Vitae d e Paul VI et Summorum Pontificum de Benoît XVI. Guère étonnant donc de le retrouver quelques mois plus tard aux journées d’été de Sacra Liturgia dans le Var. Cette nomination d'un prélat orthodoxe, qui semble devoir faire contrepoids aux orientations de l'Église suisse, est finalement bien dans le style déroutant du pape François.
Pour l’heure peu commentées, cette élection et cette nomination simultanées, qui s’ajoutent à la reconnaissance par le Saint-Père de la validité des absolutions données par les prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X dans le cadre de l’Année de la Miséricorde, ont été perçues par le blog de langue espagnole Secretum Meum Mihi comme un signe de la volonté de Rome de & laquo; fluidifier » les relations avec la Fraternité Saint-Pie-X qui a son siège en Suisse, à Menzingen. Il est cependant douteux que les évêques suisses, en élisant Mgr Morerod, aient eu en vue la facilitation d’une intégration canonique de la FSSPX. Reste que les voies du Seigneur sont impénétrables et que d'ici quelques semaines Mgr Morerod et Mgr Gullickson seront effectivement à deux postes clés pour la poursuite du rapprochement entre Rome et Menzingen. Qui vivra verra.
En attendant, nous vous proposons cette semaine de nous pencher sur une note de lecture publiée cet été par Mgr Gullickson sur le livre que l'actuel évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, Mgr Marc Aillet, a consacré au motu proprio Summorum Pontificum en 2007 alors qu'il était encore vicair e général à Fréjus-Toulon.
I – UN REGARD NEUF SUR UN VIEUX DÉBAT
Réflexions de Mgr Thomas E. Gullickson à propos de The Old Mass And The New, édition anglaise (Ignatius Press, 2010) du livre Un événement liturgique ou le sens d’un motu proprio, de Mgr Marc Aillet, paru en novembre 2007 aux Éditions Tempora.
« Je suis convaincu que la crise de l’Église que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la dé ;sintégration de la liturgie qui est parfois même conçue de telle manière – etsi Deus non daretur [comme si Dieu n’existait pas]– que son propos n’est plus du tout de signifier que Dieu existe, qu’Il s’adresse à nous et nous écoute. » Cardinal Ratzinger cité par Mgr Aillet
Lors d’une vérification périodique de ma liste d’envies sur Amazon, pour voir si les ouvrages désirés sont dans l’intervalle sortis sur Kindle à un moindre prix [comme beaucoup de prêtres anglophones, Mgr Gullickson est très familier des nouvelles technologies, NDLR], je suis tombé sur ce petit livre. Et j’ai bien fait. Mgr Marc Aillet est un fidèle fils de la Communauté Saint-Martin, communauté française qui promeut la forme ordinaire du rite romain, célébrée e n latin et en grégorien. Il est tout sauf un paladin de la forme extraordinaire. Dans ce livre, il s’attache essentiellement à louer la sagesse du pape Benoît XVI, qu’illustre bien Summorum Pontificum. Mgr Aillet écrit pour le lecteur moyen qui veut un livre pas trop long (112 pages sans compter les notes et la bibliographie) mais je recommande ce livre également à ceux qui connaissent le sujet.
Ce que j’ai le plus apprécié dans sa présentation, c’est son analyse de la « participation active », concept perverti par la sociologie et la psychologie de comptoir. Je trouve toutefois l’état présent de la liturgie romaine plus préoccupante que ce que n’en dit le livre. Certes, Mgr Aillet peut en appeler au motu proprio et affirmer que les deux missels sont du même ordre mais, en fait, il n’en est rien et c’est tout le problème avec le missel de Paul VI, ce qui explique qu’il ne peut servir de base à la nécessaire relance du mouvement liturgique sur les fondements de la tradition. Aussi géniale que puisse être son idée que l’herméneutique de rupture trouve son origine dans les cœurs et les esprits des réformateurs, il est évident que la rupture concerne aussi la substance et nécessite plus qu’un changement d’attitude.
Je sais bien que restaurer notre liturgie face à la résistance endurcie, et souvent irrationnelle, de ceux dont la vie coïncide avec le demi-siècle du Novus Ordo est un défi monumental, mais cela nous donne une raison de plus pour embrasser la sagesse de Benoît XVI quand il propose l’enrichissement mutuel des deux formes. Si les prêtres et les futurs prêtres faisaient en effet la découverte de la richess e de notre patrimoine liturgique, je suis convaincu qu’ils deviendraient nos meilleurs alliés dans la conduite de l’Église vers le véritable culte divin.
Mes quatre années passées ici, en Ukraine, m’ont apporté une riche et belle familiarité avec la liturgie byzantine. Cette expérience est d’un grand secours car elle m’a mis en contact notamment, parmi d’autres choses, avec : un calendrier liturgique qui se déroule sans « temps ordinaire » ; un lectionnaire ramassé contenant juste les épîtres et évangiles familiers au fidèles ; des trésors d’offertoires et de communions qui excitent l’imagination et la dévotion ; et, bien sûr, un culte qui est résolument « orienté ».
Je veux, dès que les circonstances le permett ront, que la forme extraordinaire joue un plus grand rôle dans ma vie. J’ai finalement un peu plus de temps en ce moment pour étudier et j’ai commencé à me familiariser avec les textes de la forme extraordinaire et à les apprendre. Incapable de lire les canons d’autel en raison de mes vieux yeux et de mes lunettes à double foyer, j’ai enfin décidé de me mettre sérieusement à mémoriser les prières du célébrant. Si seulement il existait une belle édition du pontifical en gros caractères pour nous qui sommes à demi-aveugles !
Certains vont sûrement me considérer dépourvu de tout tact mais nous devons vraiment sortir de la situation présente qui n’offre à nos jeunes qu’une bien maigre pitance.
Properantes adventum diei Dei [Hâ ;tant l’avènement du Jour de Dieu, 2 Pierre 3, 12]
Thomas E. Gullickson, 19 août 2015
II – LE COMMENTAIRE DE PAIX LITURGIQUE
1 – Qu’il est bon de voir un nonce apostolique, souvent perçu plus comme un diplomate que comme un prêtre, consacrer autant de son attention à la liturgie ! Surtout quand c’est pour approfondir son propre ars celebrandi à la lueur de l’enseignement de Joseph Ratzinger. Qu’il est bon aussi de voir un diplomate du Saint-Siège, tenir un blog dans lequel il dit en toute tranquillité ce qu’il pense personnellement sur des sujets de ce type ! Ce qui manifestement ne nuit nullement à sa carrière et au style du pape François qui apprécie les hommes francs.
2 &ndas h; Alors que l’on fête le huitième anniversaire de l’entrée en vigueur de Summorum Pontificum, il est intéressant que Mgr Gullickson exhume le petit livre commis par le futur évêque de Bayonne, Lescar et Oloron alors qu’il était encore vicaire général de l’évêque de Fréjus-Toulon, Mgr Dominique Rey. Bien qu’issu d’une communauté ne célébrant que la forme ordinaire, don Marc Aillet a su percevoir toute la portée du motu proprio de Benoît XVI dès sa parution et, devenu évêque, y adhérer aussi bien dans sa conduite du diocèse que dans sa disponibilité personnelle à la célébration de la forme extraordinaire.
3 – La question de l’enrichissement mutuel des deux formes du rite romain – nous voulons parler ici de l’enrichissement «&nbs p;moral » des célébrants, dont il faut bien dire qu’il est surtout apporté par la forme extraordinaire –, intimement liée à la célébration in utroque usu (dans l’une et l’autre forme) au niveau paroissial (que ce soit par un même prêtre ou pas), continue d’être l’une des explications de l’essor continu de Summorum Pontificum. Nous l’avons mesuré aussi bien lors du congrès Sacra Liturgia de New York qu’au cours des journées Summorum Pontificum de Santiago du Chili et Mgr Gullickson le confirme dans sa note.
4 – « Je trouve toutefois l’état présent de la liturgie romaine plus préoccupante que ce que n’en dit le livre » : on aura remarqué que Thomas E. Gullickson s’appuie sur la recension du livre de Marc Aillet pour aller plus loin que lui. Mgr Gullickson pense que les deux missels ne sont pas du même ordre et que le missel de Paul VI « ne peut servir de base à la nécessaire relance du mouvement liturgique sur les fondements de la tradition ». Si bien qu’à la différence de Mgr Aillet, il estime que « l’herméneutique de rupture » qui se trouvait dans les cœurs et les esprits des réformateurs s’est manifestée dans « la substance » [du nouveau rite]. Si bien que cela « nécessite plus qu’un changement d’attitude ». En d’autres termes, si nous lisons bien, il est nécessaire de procéder aussi à un changement de substance de ce rite. Et c’est un diplomate qui le dit.