SOURCE - DICI - 4 décembre 2015
Le pape François a visité trois pays chrétiens où se pose la question de la coexistence avec les musulmans : au Kenya, 147 étudiants – majoritairement chrétiens – ont été massacrés en 2014 par le groupe islamiste somalien des Chebab ; en République centrafricaine (RCA), des groupes chrétiens et musulmans s’affrontent dans des combats meurtriers ; en Ouganda, les rebelles de l’ « ADF-Nalu », des islamistes du mouvement Tablighi Jamaat, exécutent des civils à coups de hache, de machette et d’armes à feu. Dans ces trois pays, l’islam représente environ 10% de la population.
Le pape François a visité trois pays chrétiens où se pose la question de la coexistence avec les musulmans : au Kenya, 147 étudiants – majoritairement chrétiens – ont été massacrés en 2014 par le groupe islamiste somalien des Chebab ; en République centrafricaine (RCA), des groupes chrétiens et musulmans s’affrontent dans des combats meurtriers ; en Ouganda, les rebelles de l’ « ADF-Nalu », des islamistes du mouvement Tablighi Jamaat, exécutent des civils à coups de hache, de machette et d’armes à feu. Dans ces trois pays, l’islam représente environ 10% de la population.
Au Kenya
Le 25 novembre, le pape François
est arrivé à 17h à Nairobi (Kenya), accompagné de sa délégation et de
75 journalistes. Reçu au palais présidentiel par le président Uhuru Kenyatta,
le Saint-Père s’est adressé aux corps constitués et au corps diplomatique. Il
leur a demandé de se soucier réellement des pauvres et des aspirations de la
jeunesse, de permettre une juste distribution des ressources naturelles et
humaines, de travailler avec intégrité et transparence car « la violence,
le conflit et le terrorisme se nourrissent de la peur, de la méfiance ainsi que
du désespoir provenant de la pauvreté et de la frustration ».
Le lendemain matin il présida à
la nonciature une rencontre interreligieuse : « Le dialogue
œcuménique et interreligieux n’est pas un luxe, a déclaré le pape devant
l’évêque anglican Eliud Wabukala et le président du Conseil suprême
musulman Abdulghafur El-Busaidy, il est essentiel, c’est quelque chose
dont notre monde, blessé par des conflits et des divisions, a toujours plus
besoin (…), cette année fête le cinquantième anniversaire de la clôture du
concile Vatican II où l’Eglise catholique s’est engagée dans le
dialogue œcuménique et interreligieux au service de la compréhension et de
l’amitié. J’entends réaffirmer cet engagement, qui naît de notre conviction de
l’universalité de l’amour de Dieu et du salut qu’il offre à tous ».
Lors de la messe à l’Université
de Nairobi le pape François s’est élevé contre les mariages forcés, les
mutilations, et l’avortement : « Par obéissance à la Parole de Dieu, nous
sommes aussi appelés à résister aux pratiques qui favorisent l’arrogance chez
les hommes, qui blessent ou méprisent les femmes, qui ne prennent pas soin des
plus anciens, et qui menacent la vie des innocents qui ne sont pas encore
nés ».
L’après-midi le Saint-Père
s’adressait au clergé, aux religieux, religieuses, et aux séminaristes réunis
sous un grand chapiteau, à l’école St Mary de Nairobi. Accueilli par des chants
et des danses menées par des religieuses enthousiastes, le pape a préféré
parler librement dans sa langue maternelle, traduit par un prélat de la
Secrétairerie d’Etat. Le pape a conseillé à ceux qui seraient entrés « par
la fenêtre » plutôt que par « la porte » qu’est le Christ, de
renoncer à leur vocation. « Quand on suit Jésus, il n’y a de place ni pour
l’ambition personnelle, ni pour les richesses, ni pour être une personne
importante dans le monde. Jésus, on le suit jusqu’à la dernière étape de sa vie
ici-bas, la croix. »
Le pape s’est ensuite rendu au
siège de l’ONU de Nairobi (UNON) où, devant 3.000 personnes, reprenant les
thèmes de son encyclique sur l’environnement, il a rappelé la lutte contre
la pauvreté unie à la lutte contre la surexploitation des richesses et le
dérèglement climatique. Une lutte qui exige « l’assimilation d’une culture
de protection ; la protection de soi-même, la protection de l’autre, la
protection de l’environnement ; en lieu et place de la culture de détérioration
et de rejet. »
Vendredi 27 novembre, se rendant
au quartier pauvre de Kangemi qui abrite plus de 200.000 personnes dont 20.000
catholiques, François a rencontré des fidèles de la paroisse Saint-Joseph tenue
par les jésuites. Le pape a mis en avant les valeurs de solidarité, partage,
courage, et du choix de vie. Le pontife n’a pas manqué de dénoncer l’injustice
de la marginalisation urbaine à Nairobi, où près de 60% de la population vit
dans sept bidonvilles, au milieu de la corruption, des abus sexuels, de l’addiction
à l’alcool et aux drogues, etc.
Puis François a rejoint 50.000
jeunes Kenyans dans le stade Kasarani de Nairobi. Remerciant les jeunes de
leurs rosaires récités à son intention, le pape a répondu aux questions de
Linette et Manuel. « La première chose que je répondrai c’est qu’un homme
perd le meilleur de son être humain, une femme perd le meilleur de son être
humain, quand ils oublient de prier, parce qu’ils se sentent
tout-puissants ». Le souverain pontife a appelé les jeunes à ne pas goûter
à la corruption qui détruit tout et que l’on trouve partout, y compris au
Vatican.
En Ouganda
Le 27 novembre, le Saint-Père a
quitté le Kenya pour l’Ouganda. Reçu par le président Yoweri Museveni au
palais d’Entebbe, près de Kampala(capitale de l’Ouganda), le pape François
s’adressa aux corps constitués et au corps diplomatique : les martyrs
d’Ouganda, catholiques et anglicans tués à la fin du 19esiècle lors des
persécutions du roi Mwanga II, « nous rappellent aussi que, malgré
nos différentes croyances et convictions, nous sommes tous appelés à rechercher
la vérité, à travailler pour la justice et la réconciliation, comme à nous
respecter, nous protéger et à nous aider mutuellement en tant que membres de la
même famille humaine ».
Pour conclure la journée,
François a rendu visite aux catéchistes et enseignants catholiques de Munyonyo.
Accueilli dans l’exubérance par des danses tribales et des chants
traditionnels, le pape a souligné l’importance d’apprendre aux enfants à prier,
appelant les évêques et les prêtres à assurer aux catéchistes une formation
doctrinale, spirituelle et pastorale. Il a rendu hommage aux martyrs qui ont
été disposés à verser leur sang pour demeurer fidèles à ce qu’ils savaient être
bon, beau et vrai. Grâce à leur témoignage, a-t-il fait observer, la communauté
chrétienne en Ouganda s’est accrue de façon remarquable et le roi Mwanga n’a
pas réussi dans son dessein.
Le lendemain 28 novembre, le pape
s’est rendu aux sanctuaires anglican et catholique des martyrs de Namugongo (22
catholiques et 23 anglicans). François a célébré la messe en plein air,
expliquant dans son sermon que : « Le témoignage des martyrs montre à
tous que les plaisirs mondains et le pouvoir terrestre ne donnent pas une joie
et une paix durables ». Au contraire, a-t-il poursuivi, « c’est la
fidélité à Dieu, l’honnêteté et l’intégrité de la vie et l’authentique
préoccupation pour le bien des autres qui nous apportent cette paix que le
monde ne peut offrir ». Avant de quitter le sanctuaire, le pape a
demandé au primat anglican de bénir avec lui les fidèles présents. L’unité
des chrétiens, a affirmé le pape, commence dans leur martyre comme en Ouganda
par le passé, et aujourd’hui en Syrie, en Irak ou en Egypte. Et, pour pousser
tous les chrétiens à se rapprocher, il a parlé d’un « œcuménisme du
sang », qui semble transcender la foi de l’Eglise catholique.
Après la messe, François regagna
Kampala pour une rencontre avec la jeunesse ougandaise. A son arrivée au Kololo
Air Strip, aérodrome désaffecté transformé en parc, le pape a été accueilli par
de nombreux danseurs traditionnels aux vêtements colorés, et par des dizaines
de milliers de jeunes réellement déchaînés. Avant de prendre la parole, le pape
a écouté deux témoignages : Winnie Nansumba, 24 ans, séropositive, et Emmanuel
Odokonyero, ancien séminariste, enlevé avec 41 autres jeunes séminaristes, en
mai 2003, par l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), organisation terroriste
extrémiste se présentant comme chrétienne. Torturé, il est parvenu à s’échapper
trois mois plus tard. « Ce ne furent pas mes propres pouvoirs mais Dieu
miséricordieux qui me guida dans ces moments éprouvants », a témoigné le
jeune homme, expliquant avoir pardonné à ses bourreaux. Prenant la parole, le
pape François a de nouveau improvisé dans sa langue maternelle, et a expliqué
que « face à des expériences si négatives il y a toujours la possibilité
d’ouvrir des horizons avec Jésus ». Car, a-t-il poursuivi, « Jésus a
vécu la pire expérience de l’histoire. Il a été insulté, rejeté, assassiné. Mais
par la puissance de Dieu, il est ressuscité. Il peut faire en chacun de nous la
même chose ». Tel un prédicateur évangélique, le pape a alors pris à
partie la foule par des questions : « Etes-vous prêts à transformer
toutes les choses négatives en choses positives ? Etes-vous prêts à
transformer la haine en amour ? Etes-vous prêts à transformer la guerre en
paix ? Ayez conscience que vous êtes un peuple de martyrs. Dans vos veines
coule le sang des martyrs ! C’est pourquoi vous avez la foi et la vie que vous
avez aujourd’hui ». Et la foule enthousiaste de répondre à chaque fois, en
chœur : ‘Oui !’. Il a ensuite encouragé à ne jamais se lasser de prier,
car la prière est la seule « baguette magique » pour « laisser
entrer Jésus ». Et puisqu’au ciel « nous avons une Mère, priez notre
Mère ».
Dans la cathédrale Sainte-Marie
de Kampala s’adressant au clergé, religieux, religieuses et séminaristes
ougandais : « Ne perdez pas la mémoire de ce qui a été semé par les
martyrs », a demandé le pape François dans un discours là encore spontané.
L’Eglise en Ouganda, a-t-il cependant prévenu, ne peut pas vivre sur ses
rentes. « Soyez témoins, comme les martyrs furent témoins de l’Evangile en
donnant leur vie », car « la terre d’Ouganda a besoin de nouveaux
témoins et de nouveaux messagers du Christ ».
En République centrafricaine
Le pape François est arrivé à Bangui,
capitale de la République centrafricaine, le 29 novembre. A l’aéroport, la
brève cérémonie d’accueil particulièrement colorée était entourée de mesures de
sécurité imposantes. Après un entretien privé avec Catherine Samba-Panza,
chef de l’Etat par interim, le pape s’adressa aux dirigeants centrafricains et
aux diplomates avant des élections législatives et présidentielles prévues fin
décembre. « C’est en pèlerin de la paix que je viens, et c’est en apôtre
de l’espérance que je me présente ». Puis il s’est rendu au camp de
Saint-Sauveur, qui abrite 3.700 personnes déplacées : « Nous devons
travailler et tout faire pour la paix, a dit le pape en italien, il n’y a pas
de paix sans tolérance et sans pardon ». François est ensuite allé visiter
la communauté évangélique centrafricaine à la Faculté de théologie
évangélique. « Depuis trop longtemps, votre peuple est marqué par les
épreuves et la violence qui causent tant de souffrances », a-t-il affirmé,
confiant que « cela rend l’annonce évangélique d’autant plus nécessaire et
urgente ». « Saluant l’esprit de respect mutuel et de collaboration
qui existe entre les chrétiens de votre pays, a assuré le pape, je vous
encourage à poursuivre sur cette voie dans un service commun de la
charité ». La population centrafricaine compte 80% de chrétiens dont 20%
de protestants.
Le premier dimanche de l’Avent le
pape François a ouvert la porte sainte de la cathédrale de Bangui « par
anticipation » du Jubilé de la miséricorde, sur « une terre qui
souffre depuis longtemps de guerre, de haine, d’incompréhension, d’absence de
paix ». Il a demandé dans son homélie de faire « l’expérience du
pardon » et de « pardonner » : « l’amour des ennemis, qui
prémunit contre la tentation de la vengeance et contre la spirale des
représailles sans fin ». « A tous ceux qui utilisent injustement les
armes de ce monde, a affirmé le pape, je lance un appel : déposez ces
instruments de mort ; armez-vous plutôt de la justice, de l’amour et de la
miséricorde, vrais gages de paix ». Puis, il est descendu au pied de
l’autel pour échanger un geste de paix avec l’imam et le pasteur
évangélique membres de la Plateforme interconfessionnelle pour la paix. Au
terme de la messe, le pape François a exhorté les jeunes à « résister
devant les difficultés », précisant que « fuir n’est pas une
solution » mais que « la prière vainc le mal ».
Le lendemain matin, le Saint-Père
s’est rendu à la mosquée centrale de Koudoukou à Bangui, dans un
grand déploiement de forces de sécurité. Accueilli par l’imam Tidiani
Moussa Naibi, le pontife était accompagné de l’évêque de Bangui, Mgr Dieudonné
Nzapalainga, ainsi que de membres évangéliques et musulmans de la Plateforme
interconfessionnelle pour la paix. « Chrétiens et musulmans nous sommes
frères. Nous devons donc nous considérer comme tels, nous comporter comme
tels », a assuré François devant 250 musulmans assis en tailleur face à
lui. Dans son discours en italien, le pontife a exhorté à mettre fin à
« toute action qui, de part et d’autre, défigure le visage de Dieu et a
finalement pour but de défendre par tous les moyens des intérêts particuliers,
au détriment du bien commun », en les invitant « à prier et à
travailler pour la réconciliation, la fraternité et la solidarité entre tous,
sans oublier les personnes qui ont le plus souffert de ces événements ».
Au terme de la rencontre, le pape s’est tenu en silence devant le mihrab(niche
qui indique la direction de La Mecque, vers où les musulmans se tournent
pendant leurs prières), au côté de l’imam.
Dernière étape en République
centrafricaine le pape François a célébré la messe dans le stade Barthélémy
Boganda de la capitale, où 30.000 personnes l’ont accueilli avec enthousiasme
et de jeunes danseuses vêtues de robes traditionnelles vert pâle, ruban blanc
dans les cheveux, ont animé la messe en effectuant des chorégraphies sur des
musiques locales. Il a encouragé les Centrafricains à « passer sur l’autre
rive », à savoir « la vie éternelle, le ciel où nous sommes
attendus », par leur « engagement missionnaire ». Il les a aussi
incités à résister à la « suggestion du démon », particulièrement agissant,
en ces temps de conflits.
Commentaire : De cette
visite pastorale, les observateurs ont retenu les paroles – souvent improvisées
– et les gestes très parlants du pape en faveur du dialogue œcuménique et
interreligieux avec les anglicans, les évangéliques et les musulmans, ainsi que
sa préoccupation constante pour l’écologie. A ce sujet, retenu par son voyage
africain, François a fait envoyer une paire de chaussures qui fut déposée sur
la place de la République à Paris, en solidarité avec les marcheurs pour le
climat, le dimanche 29 novembre.
(Sources :
apic/imedia/vis/vatican – DICI n°326 du 04/12/15)