SOURCE - Paix Liturgique - lettre 527 - 25 janvier 2016
Rien n'est impossible à Sainte Rita... Y compris d'offrir à la liturgie traditionnelle une nouvelle église à Paris !
« Paris : l'église Sainte-Rita vit ses dernières heures » : par ce titre, Le Parisien annonçait le 30 septembre 2015 la destruction imminente, dans le cadre d'un projet immobilier, de cette église du Xvème arrondissement.
Pourtant, le soir de Noël, devant une belle assemblée, une Messe de Minuit a été célébrée dans la forme extraordinaire du rite romain dans cet édifice qui était auparavant un lieu de culte « gallican », réputé notamment pour ses portes ouvertes aux animaux...
La survie de cette église et l'arrivée d u culte catholique en son sein sont le fruit de la mobilisation des habitants du quartier soutenus, fait notoire !, par le maire d'arrondissement, Philippe Goujon, qui a physiquement payé de sa personne pour empêcher les ouvriers d'entreprendre sa démolition. Courant novembre, l'association des défenseurs de Sainte-Rita a passé la main à la Communauté chrétienne Sainte-Rita (qui a une page facebook de ce nom). Celle-ci, qui regroupe « des jeunes, des laïcs, souvent catholiques mais aussi simplement indignés de la tournure des événements » a demandé « à l’abbé de Tanoüarn, membre de l’Institut du Bon Pasteur de soutenir leur action en venant célébrer une messe dans la beauté et la puissance spirituelle du rite tridentin » (communiqué Facebook du 22 décembre 2015).
Certes, juridiquement, la situation s’analyse comme l’occupation d’une propriété privée. Mais s’agissant d’un lieu cultuel pouvant continuer à l'être, on comprend que les habitants du quartier, appuyés en outre par les autorités municipales, puissent justifier leur opposition à sa démolition au nom du bien commun. Même si la situation est encore instable (une ordonnance d'expulsion a été signifiée aux occupants ces jours-ci), la Sainte Messe est désormais offerte tous les dimanches et jours de fête à 16h et il est heureux que ce singulier clocher parisien soit encore debout quand tant d'églises sont détruites à travers l'Europe entière ou livrées à des activités profanes ou commerciales voire offertes par certains pasteurs confus au culte musulman.
Quel signe des temps ! Alors qu'il y a 40 ans, les catholiques traditionnels parisiens devaient occuper Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour pouvoir célébrer le culte millénaire de l'Église dans un lieu de culte digne de ce nom, ils sont aujourd'hui appelés à la rescousse par un collectif de riverains pour maintenir la destination cultuelle d'une église de quartier (et même, pour être plus précis, pour lui donner une destination cultuelle catholique) vouée à la démolition au nom d'intérêts financiers.
C'est cet aspect du sauvetage de Sainte-Rita qui nous intéresse et qui mérite nos commentaires.
LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Alors que pendant des décennies les seuls nouveaux lieux où pouvait être célébrée la tradition catholique ont été des garages ou des entrepôts, ce sont désormais d'authentiques bâtiments sacrés qui retrouvent la liturgie pour laquelle ils ont jadis été construits. Le cas de Sainte-Rita est un peu différent car la messe catholique n'y avait jamais été célébrée même si le culte gallican, dans sa forme traditionnelle, en est très proche, au point de confondre certains fidèles de passage. La création d'un nouveau lieu de culte catholique mérite toujours action de grâces. Redoublée quand la liturgie traditionnelle y trouve sa place. Prions donc pour cette nouvelle communauté née « ; aux marges de l'Église » selon le mot de l'abbé de Tanoüarn (Présent, 31 décembre 2015).
2) On se souvient que, jadis, l’abbé Henri Mouraux, un prêtre de Nancy, avait établi le culte catholique traditionnel dans un ancien temple protestant. Il est vrai qu’il en avait fait l’acquisition régulière. L'église Sainte-Rita, anciennement propriété de l'Église gallicane, une organisation entrant dans la catégorie dites « Églises parallèles », n'a aucun lien avec le diocèse de Paris. Les occupants de Sainte-Rita ne défient donc aucunement l'autorité de l'archevêque en en disposant comme bon leur semble mais juste celle des promoteurs qui l'ont acquise pour la démolir. L'archevêché ne s'est d'ailleurs pas prononcé sur la question mais gageons que, s'il devait le faire, il ne pourrait que saluer une action qui endigue le primat de la spéculation financière – si souvent dénoncée par le pape François – sur le bien commun.
3) La crise spirituelle, politique et économique qui frappe notre société pourrait paradoxalement offrir de nombreuses opportunités aux groupes de demandeurs de la forme extraordinaire du rite romain. En effet, de plus en plus d'églises abandonnées par le culte, faute de prêtres pour les desservir, versent dans l'abandon tout court puisque les mairies ont toujours moins de moyens financiers pour les restaurer, voire seulement pour les entretenir. Le recours à une communauté assurant à la fois le maintien du bâti et le renouveau du culte ne peut donc que s éduire tous les édiles qui ne se résolvent pas à voir disparaître le clocher du paysage communal. Surtout quand, comme c'est le cas avec les groupes Summorum Pontificum, ceux-ci sont dans une situation ecclésiale totalement régulière. Reste à résoudre le problème posé par la situation juridique de ces églises à l’abandon, toujours considérées comme affectées par la commune propriétaire au desservant catholique nommé par l’évêque : de fait, pour opérer une désaffectation de l’édifice et le louer ou le vendre à une association, ou bien pour que, restant « affecté », il soit confié à un prêtre venant, par exemple, d’une communauté Ecclesia Dei, l’accord de l’évêque est considéré comme n écessaire par la jurisprudence administrative.
4) Bien entendu, si l'abbé de Tanoüarn arrive dans une église « occupée », c'est aussi parce que, comme nous l'avons écrit dans nos lettres 340 et 418, il est déjà rejeté aux marges de l'Église parisienne dans l'ancien atelier du Sentier qui sert de siège et de chapelle au Centre culturel chrétien Saint-Paul. En pleine communion avec Rome et reconnu par l'archevêché, il n'a pourtant accès à aucun lieu de culte digne de ce nom. Plus largement, l'application timorée du Motu Proprio de Benoît XVI à Paris fait que la plupart des communautés Summorum Pontificum de la capitale sont à l'étroit et donc en quête de nouvelles « périphéries » à occuper...