Padre Pio et Leopoldo Mandic 'les saints du confessionnal' exposés dans la basilique Saint Pierre en février 2016. |
SOURCE - Disputationes Theologicae - 19 mai 2016
Au mois d’avril dernier, en l’honneur de la franchise et de la loyauté ecclésiale de Sainte Catherine de Sienne, Mgr Antonio Livi a tenu une conférence près de la Basilique Saint Jean à la Porte Latine, organisée par la “Sacra Fraternitas Aurigarum Urbis”. Nous publions la transcription de l’oral, approuvée par l’auteur, dans la certitude que son contenu contribuera à éclairer tant de laïcs (mais peut-être aussi tant de prêtres) qui aujourd’hui se sentent perdus.
Au mois d’avril dernier, en l’honneur de la franchise et de la loyauté ecclésiale de Sainte Catherine de Sienne, Mgr Antonio Livi a tenu une conférence près de la Basilique Saint Jean à la Porte Latine, organisée par la “Sacra Fraternitas Aurigarum Urbis”. Nous publions la transcription de l’oral, approuvée par l’auteur, dans la certitude que son contenu contribuera à éclairer tant de laïcs (mais peut-être aussi tant de prêtres) qui aujourd’hui se sentent perdus.
Doctrine morale et praxis pastorale dans “Amoris Laetitia”
Chers amis,
Vous m’avez demandé d’expliquer en termes simples, à vous, des laïcs - mais je vois aussi dans l’auditoire des confrères et donc des confesseurs -, pourquoi un prêtre (et théologien) comme moi a critiqué publiquement dans des occasions différentes et en divers endroits, l’exhortation apostolique Amoris laetitia du Pape François. Je vais donc vous expliquer, avec le maximum de franchise le contenu et les véritables motivations ecclésiales de ces critiques qui sont, bien sûr, toujours prudentes quant au sujet, respectueuses quant à la forme et responsables quant aux intentions. Pour commencer, je pose en prémisse, ce que l’Eglise elle-même dit, dans un célèbre document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, publié en 1990 avec la signature du Préfet de l’époque, le cardinal Joseph Raztinger:
« Enfin le Magistère, dans le but de servir le mieux possible le Peuple de Dieu, et en particulier pour le mettre en garde contre des opinions dangereuses pouvant conduire à l’erreur, peut intervenir sur des questions débattues dans lesquelles sont impliqués, à côté de principes fermes, des éléments conjecturaux et contingents. Et ce n'est souvent qu'avec le recul du temps qu'il devient possible de faire le partage entre le nécessaire et le contingent. La volonté d'acquiescement loyal à cet enseignement du Magistère en matière de soi non-irréformable doit être la règle. Il peut cependant arriver que le théologien se pose des questions portant, selon les cas, sur l'opportunité, sur la forme ou même le contenu d'une intervention. Cela le conduira avant tout à vérifier soigneusement quelle est l'autorité de cette intervention, telle qu'elle résulte de la nature des documents, de l'insistance à proposer une doctrine et de la manière même de s'exprimer [...]. Jamais en tout cas ne pourra manquer une attitude fondamentale de disponibilité à accueillir loyalement l'enseignement du Magistère, comme il convient à tout croyant au nom de l'obéissance de la foi. C'est pourquoi le théologien s'efforcera de comprendre cet enseignement dans son contenu, dans ses raisons et dans ses motifs. À cela il consacrera une réflexion approfondie et patiente, prompt à revoir ses propres opinions et à examiner les objections qui lui seraient faites par ses pairs. Si, en dépit d'efforts loyaux, les difficultés persistent, c'est un devoir pour le théologien de faire connaître aux autorités magistérielles les problèmes que soulève un enseignement en lui-même, dans les justifications qui en sont proposées ou encore dans la manière selon laquelle il est présenté. Il le fera dans un esprit évangélique, avec le désir profond de résoudre les difficultés. Ses objections pourront alors contribuer à un réel progrès, en stimulant le Magistère à proposer l'enseignement de l'Église d'une manière plus approfondie et mieux argumentée » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Donum veritatis sur la vocation ecclésiale du théologien, 24 mai 1990, n° 24; 29-30).
Je connais bien ce document, et je l’ai étudié pendant des années. Je l’ai utilisé surtout pour dénoncer l’abus du titre de “théologien” de la part de celui qui se rebelle par principe aux enseignements définitifs du Magistère et prétend re-formuler le dogme chrétien (cf. Vera e falsa teologia. Come distinguere l’autentica “scienza della fede” da un’equivoca “filosofia religiosa”, Leonardo da Vinci, Roma 2012). Cependant maintenant, je dois me référer à ce document seulement pour légitimer mes interventions critiques face aux nombreuses ambiguïtés (dans l’encadrement pastoral) et face à l’évidente dérive relativiste (dans la doctrine morale) qui caractérisent, malheureusement, plusieurs gestes et plusieurs discours de ce Pape et en particulier l’exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia. Il s’agit de remarques critiques suggérées seulement et toujours par la responsabilité ecclésiale qui m’incombe - comme prêtre et comme théologien - surtout face à ces fidèles qui souvent manifestent en public leur trouble et en privé me confient la désorientation de leurs consciences, quelques fois peut-être jusqu’à la perte du sens du péché. Le sens du péché, nous le savons bien, est cette conscience d’être tous des pécheurs qui, une fois engagés dans la conversion intérieure, peuvent recevoir la grâce sacramentelle qui seule peut nous racheter et nous conduire au salut éternel.
Je pars du présupposé que la “note théologique” de ce document pontifical soit exactement celle indiquée au n°30 de la déclaration Donum veritatis, et donc je limite mes critiques à la “forme” de l’exhortation et à son opportunité pastorale, en tenant compte des prémisses historico-ecclésiastiques et de leurs conséquences dans la formation de la conscience des fidèles. Les prémisses historiques sont très significatives: le Pape a fait sienne une de deux opinions formellement exprimées par les pères synodaux (celle des cardinaux Schoenborn, Marx, Baldisseri et Kasper, et des évêques Forte et Semeraro, tous favorable à un changement radical de la praxis pastorale et de ses présupposés doctrinaux). Il n’a tenu aucun compte de l’opinion de ceux qui (comme les cardinaux Müller, Caffarra, Burke, De Paolis, Sarah) critiquaient avec insistance l’hypothèse de la concession de la Communion aux fidèles en état de « scandale public » pour avoir divorcé devant les tribunaux civils, pour avoir institué une communauté de vie more uxorio (laquelle détermine canoniquement le “concubinage public”), et pour avoir contracté un nouveau mariage faux et invalide, toujours devant les tribunaux civils.
En raison de ces circonstances concrètes, l’exhortation apostolique post-synodale était un document très attendu pour connaître les indications de l’Eglise suite aux deux Synodes des évêques sur la famille et face à toute la série d’interprétations de la part des évêques favorables au maintien de la discipline actuelle et de ceux qui demandaient un changement radical. Mais l’attente d’un éclaircissement a été déçue.
Certaines parties du document papal - celles dédiées à l’illustration de nouveaux critères pastoraux - sont caractérisées par l’ambiguïté de l’énoncé. Cette ambiguïté engendre des équivoques gravissimes d’interprétation, concernant précisément ce que François veut que l’on fasse dans la pratique, lorsqu’on doit décider ce qu’il faut suggérer ou prescrire aux fidèles en situation irrégulière qui manifestent l’intention de s’approcher de l’Eucharistie. Les termes « miséricorde », « accompagnement » et « discernement », quoique répétés tant de fois, ne sont jamais expliquées de manière à comprendre s’ils sont vraiment le signe d’une praxis complètement nouvelle (dans ce cas-ci ceux qui ont parlé d’une «nouveauté révolutionnaire» auraient raison) ou s’ils sont simplement des synonymes de ce que les lois ecclésiastiques en vigueur et les documents du dernier Concile appellent la «charité pastorale». Dans ce dernier cas, cela ne serait pas différent, en substance, de ce qu’on retrouve dans la doctrine théologico-pratique d’un docteur de l’Eglise comme Saint Alphonse-Marie de Liguori (auteur entre autre de la Praxis confessarii ad bene excipiendas Confessiones), dont le résultat pastoral positif est bien visible dans l’exemple des saints (que l’on pense au Curé d’Ars au XIXème ou à Padre Pio et à Saint Leopoldo Mandic au XXème).
De plus, la polémique du Pape - presque sauvage, et en même temps indéfinie - contre ceux qui à son avis seraient des rigoristes au cœur dur, des formalistes sans charité, même des « pharisiens », laisse entendre que le Pape, non seulement a favorisé une des deux opinions qui ont émergé dans les discussions synodales - celle des réformistes -, mais il a aussi enlevé toute crédibilité à ceux qui avaient présenté des objections documentées et bien étayées aux propositions de réforme (et dire que même parmi ces opposants il y avait le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi !). De plus, plusieurs évêques, en se prévalant de cette ambiguïté (voulue) du document pontifical, se sont précipités pour déclarer que le Pape par cette exhortation apostolique venait à légitimer une praxis « miséricordieuse » (c’est à dire permissive, ou mieux laxiste, ou mieux encore irresponsable) qu’ils avaient déjà permise dans leurs diocèses respectifs, en désobéissance aux lois canoniques en vigueur.
En même temps, le cardinal américain Burke et l’évêque kazakh Schneider déclaraient aux journalistes que l’exhortation apostolique de Pape François n’était pas à prendre comme un document du Magistère, tellement les références doctrinales confuses ou même erronées qu’elle contenait étaient nombreuses. Bref, l’opinion publique catholique a été induite à estimer que le Pape avait voulu abroger la doctrine chrétienne sur l'indissolubilité du mariage et la nécessité de l’état de grâce pour accéder à la Communion. Et, face à cette (présumée) “révolution” dogmatique, plusieurs personnes ont éprouvé de l’effroi, en estimant que Pape François avait été trompé par ses conseillers et avait favorisé l’hétérodoxie, alors que d’autres se sont réjouis en retenant que l’Eglise avait enfin mis de côté l'orthodoxie des conservateurs pour concéder pleine liberté aux doctrines théologiques les plus avancées, les plus conformes aux temps nouveaux et à la mentalité de l’homme d’aujourd’hui.
L’Eglise, dans son histoire bimillénaire, a vécu de nombreux événements dramatiques. L’histoire ecclésiastique relate différentes époques de confusion et de schisme, et même des pontifes qui par leur vie ont scandalisé. Pape François certainement ne scandalise pas par sa conduite personnelle, mais on doit dire que la doctrine théologique qu’il favorise, celle-là oui elle scandalise, au sens biblique du terme, au sens où elle est une “pierre d’achoppement” pour la foi des gens simples et désoriente les consciences de tous.
Cette confusion et cette désorientation de la conscience du commun des fidèles sont le résultat - peut-être voulu, peut-être imprévu, même s’il était facilement prévisible - de l’ambiguïté structurelle du document pontifical. Et c’est le motif pour lequel j’en parle, en mettant en évidence les points critiques : non pas pour manquer de respect au Magistère, ni pour prendre le parti des conservateurs contre les progressistes dans la dispute idéologique qui afflige l’Eglise depuis tant de temps, et encore moins pour vouloir opposer à la doctrine du Pape - qui devrait exprimer et interpréter avec autorité divine le dogme de la foi - une doctrine théologique qui serait mon avis personnel : mais seulement par responsabilité pastorale vis-à-vis des fidèles. Une pareille situation ne peut que provoquer des dommages gravissimes sur la conscience des fidèles, partagés entre le devoir d’obéir à l’autorité ecclésiastique quand elle commande expressément et licitement, et le devoir de respecter la nature divine des signes sacramentels, en évitant tout risque de profanation et de sacrilège.
A vous qui êtes ici présents, j’adresse un vibrant appel : ne pensez pas que le document pontifical, en matière de Sacrements (Mariage, Pénitence, Eucharistie), vous oblige à croire quelque chose de différent que ce que vous avez toujours cru, ni à faire quelque chose de différent que ce que vous avez toujours fait. Au contraire, je vous dirai même davantage. L’exhortation apostolique n’est pas une nouvelle loi ecclésiastique : elle n’ordonne rien du tout à qui que ce soit dans l’Eglise catholique; elle est, précisément, seulement une exhortation, une invitation, un encouragement, adressée aux Pasteurs (évêques et prêtres) pour qu’ils pratiquent leur ministère avec attention aux situations spécifiques de leurs fidèles, en les aidant aussi par la direction spirituelle personnelle (le “for interne”) et toujours avec un esprit de miséricorde. Donc ce sont surtout les prêtres en charge d’âmes qui doivent appliquer dans leur service quotidien (catéchèse et administration des sacrements) les critères indiqués par le Pape. C’est moi, et avec moi tous mes confrères dans le sacerdoce, dans la communion avec nos évêques respectifs, qui devons recevoir et acter ces conseils pastoraux, sans mettre de côté - personne ne peut nous le demander, et le Pape ne nous l’a pas demandé- les critères théologico-moraux et les normes canoniques en vigueur. Ces critères de base, toujours valides, sont ceux avec lesquels j’ai exercé le ministère de la Confession jusqu’à aujourd’hui, pendant mes 55 ans de sacerdoce. Ces critères m’empêchent de mal comprendre (ou d’entendre selon l’interprétation des “réformistes et progressistes”) certains passages ambigus de l’exhortation apostolique. Je veux maintenant les analyser pour vous fournir l’unique interprétation admissible au point de vue de la praxis sacramentelle, respectueuse du dogme et des principes moraux définitivement établis par l’Eglise.
Je lis de prime abord le § 305:
«À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église» (François, Exhort. Ap. Amoris Laetitia, § 305).
A ce point le document est accompagné d’une note :
«Dans certains cas, il peut s’agir aussi de l’aide des sacrements. Voilà pourquoi, “aux prêtres je rappelle que le confessionnal ne doit pas être une salle de torture mais un lieu de la miséricorde du Seigneur” […] Je souligne également que l’Eucharistie “n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles” [Exhort. ap. Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, §. 44 et 47 : AAS 105, 2013, p. 1038- 1039]» (François, Exhort. Ap. Amoris Laetitia, § 305, note n. 351).
Le paragraphe et la note sont insérés dans le chapitre VIII dédié aux «situations irrégulières», c’est-à-dire à la communauté de vie et surtout aux nouvelles unions civiles suite au divorce dans le cas où le mariage précédent est canoniquement valide. Dans le texte on fait référence à l’hypothèse d’une situation objectivement désordonnée (une nouvelle union civile après divorce) mais dont le sujet (le fidèle catholique divorcé remarié) ne semble pas en être conscient. Une fois cette hypothèse posée, le Pape suggère, comme instrument pastoral pour cette condition particulière, l’administration des sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie. La suggestion a un sens seulement si dans le cas en question, le divorcé-remarié est reconnu comme se trouvanten état de grâce parce que dépourvu de responsabilité subjective par rapport à sa condition objectivement désordonnée. En l’absence de pleine advertance sur la matière grave ce fidèle ne serait pas en état de péché mortel, ergo il pourrait communier.
Voilà maintenant un autre passage du document qui semble confirmer l’intention du Pape d’insinuer une solution de ce genre:
«Il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les “valeurs comprises dans la norme morale” [Jean-Paul II, Exhort. ap. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 33 : AAS 74 (1982), p. 121]» (François, Exhort. Ap. Amoris Laetitia, § 301).
En d’autres termes, selon ces suggestions papales, le confesseur pourrait juger non entièrement responsable le pénitent s’il était en mesure de vérifier dans le “for interne” et au cas par cas que le pénitent se trouve dans un état d’erreur au sujet de sa condition. Mais comment est-il possible d’effectuer une pareille vérification sinon en ayant recours à la traditionnelle “praxis confessariorum” ? On a toujours su que la dite «ignorance invincible» doit être constatée de façon responsable par le ministre de la Pénitence. Mais le confesseur peut aussi considérer coupable cette ignorance, étant donné que la répétition de péchés consciemment commis peut conduire à l’obscurcissement de la conscience de la personne. Dans un tel cas le confesseur arrivera à la conviction que le sujet en question ne peut pas être considéré par l’Eglise en état de grâce. Et ensuite, même en admettant que l’ignorance invincible de ce sujet déterminé soit vraiment telle qu’elle ne le rendrait pas subjectivement coupable (hypothèse que j’estime seulement théorique et impossible à retrouver dans la vie réelle des fidèles qui fréquentent les sacrements), tout prêtre sait bien que ce qu’il est appelé à juger (dans le tribunal de la Pénitence le confesseur est le juge au nom de l’Eglise) n’est pas la conscience du pénitent et encore moins l’action de la grâce en elle, mais seulement les manifestations extérieures du repentir et la volonté de remédier au mal commis, en relation à la situation (externe, parfois même publique) du pénitent. Si de telles constatations portent le confesseur à conclure qu’il n’est pas possible d’absoudre une telle personne, il prendra soin d’expliquer avec le maximum de délicatesse au pénitent que c’est à lui de commencer et de porter jusqu’au bout sa propre conversion, en sachant bien qu’entretemps il ne lui est pas permis de recevoir la communion. Il lui expliquera aussi que ce qui ne le rend pas encore “digne” de la Communion eucharistique est sa condition externe, visible, signe de ses conditions intérieures encore imparfaites : recevoir sacramentellement le Christ exige une condition de vie personnelle qui ne soit pas objectivement en contradiction avec la sainteté du Christ.
C’est ainsi que tout prêtre qui est vraiment responsable, s’il est appelé par l’évêque ou même par les fidèles à donner son jugement sur le sujet, ne conseillera jamais aux concubins et aux divorcés remariés qui ne vivent pas chastement (ou qui vivent chastement mais qui devraient interrompre leur relation parce que sur eux n’incombent pas des obligations morales particulières) de s’approcher de la Communion, parce que de telles conditions sont objectivement contraires à la volonté de Dieu, c’est-à-dire à sa miséricorde envers nous les hommes. Le prêtre doit éclairer la conscience du pénitent en lui rappelant que notre vie personnelle et sociale doit être conforme à l’ordo amoris, une très sage orientation de toute chose à la gloire du Créateur et au bien des créatures. La loi naturelle et la révélation divine nous font savoir, avec certitude de raison et de foi, qu’il y a des actes qui sont en soi en opposition avec cet ordo. C’est exactement le cas des rapports sexuels en dehors des rapports conjugaux : de tels actes ne sont pas conformes au plan de Dieu - c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être sanctifiés et ils ne sont pas sanctifiants - et par conséquent ils posent la personne qui les accomplit volontairement dans une condition qui de fait est incompatible avec l’ordo amoris, et cela au-delà de la plus ou moins grande conscience de leur gravité. Cela comporte pour le confesseur - responsable direct du culte divin dans la célébration de la Pénitence - le gravissime devoir ministériel de ne pas absoudre le fidèle “divorcé-remarié” qui ne voudrait pas dans les faits changer sa situation. Pour administrer validement l’absolution il manquerait en effet les conditions essentielles, c’est-à-dire le sincère repentir et la volonté deréparation.
On ne peut pas constater qu’il y ait du repentir lorsque le fidèle ne déclare pas au confesseur vouloir sortir de son propre état de “divorcé-remarié” en rompant le rapport avec le/la concubin/concubine et en œuvrant pour revenir avec le conjoint légitime, ou quand il ne se propose pas de réparer les dommages causés au conjoint légitime, aux enfants éventuels, au concubin qu’il a induit au péché, à l’entière communauté chrétienne à laquelle il a causé du scandale. En l’absence de ces conditions - lesquelles, au point de vue théologique, constituent la “matière” propre du sacrement de la Pénitence - le confesseur est obligé de refuser, pour le moment, l’absolution, qui ne serait pas un acte de miséricorde mais une tromperie (parce que l’absolution serait illicite et surtout invalide).
Antonio Livi