Le pape François a marqué samedi le 50e anniversaire de la première célébration d’une messe par un pape en vernaculaire dans le cadre des réformes liturgiques qui ont suivi Vatican II, en célébrant la messe anticipée du 3e dimanche de carême à la paroisse romaine de Tous les Saints de la Via Appia Nuova. A cette occasion, le pape a déclaré : « On ne peut revenir en arrière, nous devons toujours aller de l’avant, toujours en avant, et celui qui revient arrière se trompe. » Voilà qui est clair. La « réforme liturgique », a-t-il dit, a été un « geste courageux » de l’Eglise pour « se rapprocher du peuple de Dieu afin qu’il puisse bien comprendre ce qu’il fait, et c’est important pour nous, de suivre la messe ainsi ».
Le pape François s’exprimait en ces termes en s’adressant brièvement à la foule, à l’issue de la messe, sur le parvis de l’église de Tous les Saints qui a été érigée en diaconie par Paul VI en 1969, quatre ans après cette première messe dont une grande partie – mais point le canon – avait été célébrée en italien. Pour la petite histoire, le cardinal titulaire de cette diaconie n’est autre que Walter Kasper, aujourd’hui cardinal-prêtre, ce qui vaut à l’église son rang actuel de paroisse.
La réforme liturgique inaugurée il y a 50 ans à « Ogni Santi »
Le pape avait déjà souligné au cours de l’homélie : « C’est ici, il y a cinquante ans, que le bienheureux Paul VI a inauguré, en un certain sens, la réforme liturgique en célébrant la messe dans la langue parlée par les gens. »
« On ne peut revenir en arrière, nous devons toujours aller de l’avant, toujours en avant, et celui qui revient arrière se trompe. Allons de l’avant sur cette route » : en insistant aussi fortement sur ce qu’il faut bien voir comme un refus de la « réforme de la réforme » liturgique souhaitée par son prédécesseur, le pape François n’a donc pas craint, une nouvelle fois, de prendre le contre-pied de Benoît XVI. Chose soulignée par le choix de célébrer la messe du dimanche : oubliées, la férie du samedi de la deuxième semaine du carême, oubliée, l’éventuelle célébration de la fête de sainte Félicité et sainte Perpétue proposée dans le nouveau calendrier. Quant à saint Thomas d’Aquin, traditionnellement fêté le 7 mars, il a été renvoyé au 28 janvier. Et sorti largement des cœurs et des esprits…
Mais les paroles même du pape François à la foule, samedi soir, ont aussi d’une certaine manière posé la question de la vraie réussite – à sa propre aune – de la réforme liturgique qui faudrait mener toujours plus loin, sans « revenir en arrière » : il s’est plaint de n’avoir guère entendu chanter la foule : « J’espère que cette paroisse continuera d’être un modèle de célébration liturgique, seulement cela me ferait plaisir… cela me ferait plaisir que les chants soient un peu plus forts ? Avez-vous peur de chanter ? Car moi je n’entendais que le chœur – les gens, c’étaient un peu… à l’intérieur… Peut-être chantiez-vous, je ne sais pas… Mais grand merci, et en avant ! Courage, et en avant ! »
Le pape François ne veut pas revenir en arrière, mais le peuple suit-il ?
La « participation active » des fidèles à la messe en vernaculaire, en somme, n’est pas acquise.
Lors de cette fameuse messe du 7 mars 1965 (selon le « missel de 1965 » approuvé par Jean XXIII et entrée en vigueur ce jour-là), Paul VI avait dit d’emblée dans son homélie : « Elle est extraordinaire, la manière nouvelle de prier, de célébrer aujourd’hui la sainte messe. »
Le terme « extraordinaire » pour désigner la liturgie nouvelle ne manque pas de sel. Il est évidemment laudatif. Mais aujourd’hui, par la volonté de Benoît XVI, ce n’est pas la liturgie réformée qui est qualifiée d’« extraordinaire », mais la forme traditionnelle appelée « forme extraordinaire du rite romain ». Difficile de ne pas y voir un clin d’œil. Le pape François ne s’y montre pas sensible.