SOURCE - Eloïse Lenesley - Le Figaro - 3 aout 2016
L'évacuation musclée par douze cars de CRS de l'église Sainte-Rita à Paris, promise à destruction, n'était certainement pas une manière de faire quelques jours après le martyr du père Hamel, remarque Eloïse Lenesley.
L'évacuation musclée par douze cars de CRS de l'église Sainte-Rita à Paris, promise à destruction, n'était certainement pas une manière de faire quelques jours après le martyr du père Hamel, remarque Eloïse Lenesley.
En ce matin nuageux de juillet, les belles paroles de François Hollande résonnent comme une insulte à la clairvoyance: «Attaquer une église, tuer un prêtre, c'est profaner la République», confiait-il quelques jours plus tôt, après le sauvage assassinat du père Jacques Hamel. Et démolir la paroisse Sainte-Rita, nichée dans le 15e arrondissement, pour y construire des logements privés et sociaux, avec un parking en bonus, qu'est-ce donc? Violenter un abbé et ses ouailles pour les jeter dehors en plein messe, qu'est-ce donc?
Les recours juridiques, la lutte des riverains, le soutien actif de la municipalité LR du 15e, s'ils ont pu retarder l'échéance, ne sont, pour l'heure, pas parvenus à vaincre l'inexorable: la cause de Sainte-Rita semble bel et bien désespérée. Pas moins de douze cars de CRS ont débarqué pour massacrer la porte à la tronçonneuse, puis expulser les occupants protégeant l'édifice, depuis des mois, de l'épée de Damoclès qui plane au-dessus de sa voûte de béton, première du genre à avoir été érigée en France. Elle n'aura hélas pas suffi à justifier une classification «bâtiment remarquable» qui l'aurait sauvée des pelleteuses.
Sur place, Olivier Rigaud, conseiller délégué chargé de l'habitat, exceptionnellement cintré de l'écharpe du maire, nous explique avoir assisté à «l'évacuation violente», au cours de laquelle le prêtre et plusieurs paroissiens ont été «traînés par terre» et où «des élus ont été malmenés». Le procédé a de quoi choquer. «J'ai été prévenu à la dernière minute, hier soir à 21h00 par la préfecture qui a manifestement attendu que je sois absent et en congés», précise le député-maire du 15e Philippe Goujon, scandalisé, qui estime, de plus, que la police a autre chose à faire en cette période d'état d'urgence. En outre, c'est le directeur de cabinet du préfet, et non le préfet lui-même, qui l'a contacté. Pas très classe. «J'ai eu honte de voir traîner un prêtre au sol, interrompre une messe, j'ai honte pour mon pays», ajoute le député Frédéric Lefebvre. De son côté, la gauche pratique la politique de l'autruche, s'appuyant sur une décision de justice confirmée par le Conseil d'État, à la demande du propriétaire, l'association des Chapelles Catholiques et Apostoliques, et du promoteur.
Quid des revendications des riverains, farouchement opposés à la destruction, et des efforts constants de Philippe Goujon pour trouver un repreneur susceptible de perpétuer ce lieu de culte? Frédéric Lefebvre dénonce «une volonté manifeste de saborder toute tentative de reprise de l'église». Pourtant, des orthodoxes ou des coptes égyptiens, entre autres, seraient intéressés. Une partie de la classe politique et médiatique de gauche s'ingénie à discréditer les défenseurs de la petite église en insistant sur le profil «catho tradi d'extrême-droite» de ses «squatteurs», et s'empressant d'oublier que bon nombre d'habitants de l'arrondissement, croyants ou pas, voient d'un très mauvais œil qu'une église néogothique datant de 1900 soit rasée. Le fait que des groupuscules radicaux se révèlent particulièrement mobilisés sur le terrain ne saurait ternir la noblesse de la bataille, celle qui veille à la sauvegarde d'un patrimoine culturel de plus en plus menacé par les idéologies et les basses manœuvres électorales ambiantes. Église gallicane, échappant au cadre de la loi de 1905, et non reconnue comme monument historique, célèbre pour les bénédictions pittoresques qu'elle accorde aux animaux chaque année, Sainte-Rita ne pourra compter que sur la pugnacité de ses partisans pour rester debout.
Au moment où la France s'émeut du martyr de Jacques Hamel, où Manuel Valls parle de financer les mosquées et la formation des imams, où Bernard Cazeneuve rêve de concordat, où François Hollande prétend adresser sa compassion aux chrétiens et honore de sa présence la messe de Notre-Dame - lui qui avait royalement snobé celle de l'intronisation du Pape François en 2013 -, on ne comprend pas que des églises soient abandonnées à leur triste sort et démolies, évacuées avec brutalité par les forces publiques, rayées de l'Histoire, broyées en tas de gravats, dans une indifférence qui tutoie le cynisme. On ne pouvait tomber plus mal.