SOURCE - Marie Malzac - La Croix - 10 novembre 2016
Dans une interview à Antonio Spadaro, publiée dans le nouvel ouvrage du directeur de La Civiltà cattolica, présenté jeudi 10 novembre à Rome, le pape soutient que, dans le domaine liturgique, «parler de réforme de la réforme est une erreur».
Dans une interview à Antonio Spadaro, publiée dans le nouvel ouvrage du directeur de La Civiltà cattolica, présenté jeudi 10 novembre à Rome, le pape soutient que, dans le domaine liturgique, «parler de réforme de la réforme est une erreur».
Le pape s’exprime sur la liturgie. Dans le nouveau livre du P. Antonio Spadaro, Nei tuoi occhi è la mia parola (Dans tes yeux se trouve ma Parole, en français), présenté jeudi 10 novembre à Rome, le directeur de la revue jésuite La Civiltà cattolica, a réuni des discours et des homélies de Jorge Bergoglio prononcés lorsqu’il était encore archevêque de Buenos Aires, ainsi qu’un entretien mené avec le pape François sur différentes thématiques, dont celle-ci.
Interrogé sur l’attachement d’une partie des catholiques à certains aspects liturgiques traditionnels, le pape François répond que «Benoît XVI a fait un geste juste et magnanime pour aller à la rencontre d’une certaine mentalité de certains groupes et personnes qui ressentaient de la nostalgie et s’éloignaient. Mais c’est une exception. C’est pour cela que l’on parle de rite” extraordinaire”».
«Vatican II et la constitution conciliaire Sacrosanctum concilium doivent continuer d’être appliqués tels qu’ils sont. Parler de ”réforme de la réforme’’ est une erreur», poursuit le pape, désavouant ainsi des propos tenus récemment par le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements.
« Pourquoi tant de rigidité ? »
En effet, lors d’un discours prononcé à Londres (Royaume-Uni), en juillet dernier, le cardinal guinéen avait assuré qu’à l’occasion d’une audience quelques mois plus tôt, le pape lui avait confié la mission «d’étudier la question d’une réforme de la réforme et de voir de quelle manière les deux formes du rite romain pourraient s’enrichir l’une l’autre».
A la suite de cette intervention, le Saint-Siège avait publié un communiqué pour rappeler que «certaines expressions» du cardinal Sarah avaient pu être «mal interprétées» et qu’aucun changement n’était à prévoir.
«J’essaie de comprendre ce qu’il y a derrière des personnes qui sont trop jeunes pour avoir vécu la liturgie pré-conciliaire mais qui la veulent quand même», se questionne le pape dans son entretien avec le P. Spadaro. «Parfois, je me trouve face à des personnes très rigides, face à une attitude de rigidité». «Et je me demande : pourquoi tant de rigidité?», poursuit-il, indiquant que celle-ci cachait «toujours quelque chose : de l’insécurité, ou même autre chose». Et d’ajouter: «La rigidité est défensive. Le véritable amour ne l’est pas». Pour le pape François, le «traditionalisme rigide n’est pas bon». Au contraire, «la tradition fleurit», si elle se fonde sur la «fidélité».
En octobre, à l’occasion de la présentation à Rome de son dernier livre, La force du silence, le cardinal Sarah était notamment revenu sur cette question de la «réforme de la réforme» liturgique. «ce que je vais dire maintenant n’entre pas en contradiction avec ma soumission et mon obéissance à l’autorité suprême de l’Église», affirmait-il. «Mais voici mon espérance: si Dieu le veut, quand Il le voudra et comme Il le voudra, en liturgie, la réforme de la réforme se fera. Malgré les grincements de dents, elle adviendra, car il en va de l’avenir de l’Église.»
Le cardinal Sarah exprimait son souhait d’une réforme en douceur, sans bouleversements, pour retrouver l’importance du «silence» dans la liturgie, souvent trop «bavarde».
« L’homélie est toujours politique »
Dans l’ouvrage réalisé par le P. Spadaro, le pape revient aussi sur la façon dont il prépare ses homélies, dès «le jour d’avant», en lisant les textes, en relisant «à voix haute le morceau choisi». «J’ai besoin d’entendre le son, d’écouter les mots, poursuit-il, puis je souligne dans le petit carnet que j’utilise celles qui me frappent le plus, et j’entoure les mots qui me frappent le plus». «Puis, décrit le pape, pendant le reste de la journée, les pensées vont et viennent alors que je fais ce que je dois faire». Parfois, pourtant, les idées ne viennent pas, et le pape arrive au soir sans savoir ce qu’il dira le lendemain pendant la messe. «Alors je fais ce que dit saint Ignace: je m’endors dessus. Et quand je me réveille, subitement, alors me vient l’inspiration».
«L’homélie est toujours politique, indique encore François, car vous la faites au milieu de la Polis, au milieu du peuple ». À l’occasion de la présentation de Nei tuoi occhi è la mia parola, le cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago, a toutefois souligné que le pape ne proposait pourtant pas de «politiser l’Évangile».
Marie Malzac