Ce dimanche 27 février 1977, au fur et à mesure que les fidèles convoqués par Mgr Ducaud-Bourget pour une réunion très importante arrivent à la Mutualité, ils sont orientés vers l’église voisine. Après être entrés dans Saint-Nicolas, certains sont surpris et viennent voir Mgr Ducaud-Bourget : « C’est la nouvelle messe ! » Il les rassure : « Nous, c’est après. »
L'abbé Coache a demandé au Mouvement de la jeunesse catholique de France d’assurer le service de la messe. Le président du MJCF, Jean-François Chassagne, m’a demandé de participer au service d’autel. On était arrivé avec toutes les valises du matériel liturgique. Une fois habillés, nous attendons dans le hall de la Mutualité. Mgr Ducaud-Bourget nous donne ses consignes : « On va célébrer une messe qui n’est pas prévue, pas acceptée par le clergé local. Donc respectez pour le mieux les règles liturgiques, mais surtout vous empêchez que quelqu’un puisse me retirer de l’autel ».
La procession quitte la Mutualité pour entrer à Saint-Nicolas par la porte de droite, mais en pénétrant dans l’église la foule est si compacte que le cortège perd de sa dignité… Le thuriféraire balance son encensoir pour frayer un passage. Ignorant le podium et l’autel de la nouvelle messe, la procession se dirige vers le maître-autel. Dans le chœur, tout était occupé, même les stalles. La première messe fut haute en couleur au point de vue liturgique ! Ce qui fut plus émouvant encore, ce sont les jours et les semaines qui ont suivi, car il y avait chez les fidèles un enthousiasme incroyable, qu’on a du mal à concevoir aujourd’hui.
Pour compliquer une éventuelle expulsion, les prêtres faisaient alterner sans interruption messes, chants, chapelets, heures de l’office, saluts du Saint-Sacrement. L’assistance des fidèles, elle aussi, fut permanente : des centaines de personnes, de tous âges et de toutes conditions, étaient présentes à toute heure du jour et de la nuit. Grâce à cet élan extraordinaire, à cette ferveur qui bravait la fatigue, l’église reconquise put être conservée.
Un exemple : le père Barbara est venu dans les premiers jours. Vers 23 heures il a fait un sermon impressionnant sur la confession. Il fallait occuper les fidèles : au cœur de la nuit ‒ il y avait 300 ou 400 personnes ‒, il a commencé le chemin de croix, qui a duré des heures. Les gens sont restés toute la nuit. Pour imaginer l’ambiance des premiers jours, il faut savoir que les tableaux électriques étaient dans la sacristie. Le clergé qui s’y était retranché avait coupé l’électricité et le chauffage. Pour éclairer, il y avait des bougies partout dans l’église. La première nuit, des hommes retirèrent l’autel « face au peuple ». Quelques jours plus tard, ils enlevèrent l’énorme podium sur lequel il était placé. Mgr Ducaud-Bourget était bien ennuyé, car il pensait ne rester là que quelques jours, mais finalement il accepta l’état des choses. La sacristie put être récupérée le jeudi, et avec elle l’électricité et le chauffage.
Le dimanche qui suivit, 6 mars, 7000 hosties avaient été préparées et ont été consacrées, et bien que les prêtres aient brisé les hosties, il n’y en eut pas assez. Les premiers dimanches l’église était comble, il y avait du monde debout dans toutes les allées, et même dehors sur le parvis ! On voyait des gens très humbles, qui venaient quelquefois de loin, et qui sacrifiaient leur jour de repos pour entendre la messe tridentine. Il fallait voir les gens pleurer d’émotion. Quelle joie sur ces visages priant et chantant dans un lieu consacré à la prière, alors qu’ils en étaient privés, réfugiés où ils pouvaient ! Quand on entonnait le cantique « Catholiques et Français toujours », tout vibrait.
J’ai eu la joie de servir les cérémonies de la première semaine sainte à Saint-Nicolas. Le regretté abbé Schaeffer, alors juste clerc, était le cérémoniaire et nous faisait répéter. Plusieurs des jeunes qui servaient alors sont maintenant prêtres.Le sommet a été atteint quand Mgr Lefebvre a eu le courage de venir donner la confirmation au mois de mai suivant. La foule était énorme ! Quand il est reparti, les gens pleuraient : c’étaient des pleurs de gratitude envers lui. On n’a jamais revu des foules et des ambiances comme ça.
Aujourd’hui que la Fraternité Saint-Pie X a pu acquérir ou construire nombre de belles églises, on a du mal à se figurer ce que représentait Saint-Nicolas pour les traditionalistes d’alors, habitués à assister le plus souvent au saint sacrifice dans des locaux de fortune aménagés : garages, entrepôts, caves… La messe traditionnelle semblait presque enterrée, vouée à disparaître. L’occupation de Saint-Nicolas du Chardonnet a frappé les esprits, elle a été une protestation officielle du droit des catholiques d’assister à la messe dans les églises construites pour cela. Une réaction profonde, résolue se produisait contre la dictature épiscopale. L’événement eut une portée considérable, les retombées médiatiques de l’époque le montrent. Cette restauration du culte catholique authentique était la revanche des parias, maltraités, exclus de leurs paroisses, désemparés devant les désastres de la nouvelle messe. Et d’innombrables catholiques privés de la messe, des sacrements, du catéchisme, retrouvaient des pasteurs pour leurs âmes, et l’espérance. Oui, Saint-Nicolas a donné du bonheur à tant de gens !
Il faut rendre hommage au militantisme exemplaire de beaucoup de catholiques à cette époque. Ainsi la garde de nuit, pour assurer la sécurité de l’église, a duré des années. C’est cette foi vivante, ardente, combative, qui permit les bénédictions innombrables répandues depuis dans cette église, tous les miracles de la grâce accomplis dans le secret des cœurs.
La procession quitte la Mutualité pour entrer à Saint-Nicolas par la porte de droite, mais en pénétrant dans l’église la foule est si compacte que le cortège perd de sa dignité… Le thuriféraire balance son encensoir pour frayer un passage. Ignorant le podium et l’autel de la nouvelle messe, la procession se dirige vers le maître-autel. Dans le chœur, tout était occupé, même les stalles. La première messe fut haute en couleur au point de vue liturgique ! Ce qui fut plus émouvant encore, ce sont les jours et les semaines qui ont suivi, car il y avait chez les fidèles un enthousiasme incroyable, qu’on a du mal à concevoir aujourd’hui.
Pour compliquer une éventuelle expulsion, les prêtres faisaient alterner sans interruption messes, chants, chapelets, heures de l’office, saluts du Saint-Sacrement. L’assistance des fidèles, elle aussi, fut permanente : des centaines de personnes, de tous âges et de toutes conditions, étaient présentes à toute heure du jour et de la nuit. Grâce à cet élan extraordinaire, à cette ferveur qui bravait la fatigue, l’église reconquise put être conservée.
Un exemple : le père Barbara est venu dans les premiers jours. Vers 23 heures il a fait un sermon impressionnant sur la confession. Il fallait occuper les fidèles : au cœur de la nuit ‒ il y avait 300 ou 400 personnes ‒, il a commencé le chemin de croix, qui a duré des heures. Les gens sont restés toute la nuit. Pour imaginer l’ambiance des premiers jours, il faut savoir que les tableaux électriques étaient dans la sacristie. Le clergé qui s’y était retranché avait coupé l’électricité et le chauffage. Pour éclairer, il y avait des bougies partout dans l’église. La première nuit, des hommes retirèrent l’autel « face au peuple ». Quelques jours plus tard, ils enlevèrent l’énorme podium sur lequel il était placé. Mgr Ducaud-Bourget était bien ennuyé, car il pensait ne rester là que quelques jours, mais finalement il accepta l’état des choses. La sacristie put être récupérée le jeudi, et avec elle l’électricité et le chauffage.
Le dimanche qui suivit, 6 mars, 7000 hosties avaient été préparées et ont été consacrées, et bien que les prêtres aient brisé les hosties, il n’y en eut pas assez. Les premiers dimanches l’église était comble, il y avait du monde debout dans toutes les allées, et même dehors sur le parvis ! On voyait des gens très humbles, qui venaient quelquefois de loin, et qui sacrifiaient leur jour de repos pour entendre la messe tridentine. Il fallait voir les gens pleurer d’émotion. Quelle joie sur ces visages priant et chantant dans un lieu consacré à la prière, alors qu’ils en étaient privés, réfugiés où ils pouvaient ! Quand on entonnait le cantique « Catholiques et Français toujours », tout vibrait.
J’ai eu la joie de servir les cérémonies de la première semaine sainte à Saint-Nicolas. Le regretté abbé Schaeffer, alors juste clerc, était le cérémoniaire et nous faisait répéter. Plusieurs des jeunes qui servaient alors sont maintenant prêtres.Le sommet a été atteint quand Mgr Lefebvre a eu le courage de venir donner la confirmation au mois de mai suivant. La foule était énorme ! Quand il est reparti, les gens pleuraient : c’étaient des pleurs de gratitude envers lui. On n’a jamais revu des foules et des ambiances comme ça.
Aujourd’hui que la Fraternité Saint-Pie X a pu acquérir ou construire nombre de belles églises, on a du mal à se figurer ce que représentait Saint-Nicolas pour les traditionalistes d’alors, habitués à assister le plus souvent au saint sacrifice dans des locaux de fortune aménagés : garages, entrepôts, caves… La messe traditionnelle semblait presque enterrée, vouée à disparaître. L’occupation de Saint-Nicolas du Chardonnet a frappé les esprits, elle a été une protestation officielle du droit des catholiques d’assister à la messe dans les églises construites pour cela. Une réaction profonde, résolue se produisait contre la dictature épiscopale. L’événement eut une portée considérable, les retombées médiatiques de l’époque le montrent. Cette restauration du culte catholique authentique était la revanche des parias, maltraités, exclus de leurs paroisses, désemparés devant les désastres de la nouvelle messe. Et d’innombrables catholiques privés de la messe, des sacrements, du catéchisme, retrouvaient des pasteurs pour leurs âmes, et l’espérance. Oui, Saint-Nicolas a donné du bonheur à tant de gens !
Il faut rendre hommage au militantisme exemplaire de beaucoup de catholiques à cette époque. Ainsi la garde de nuit, pour assurer la sécurité de l’église, a duré des années. C’est cette foi vivante, ardente, combative, qui permit les bénédictions innombrables répandues depuis dans cette église, tous les miracles de la grâce accomplis dans le secret des cœurs.