SOURCE - Anne Le Pape - Présent - 24 février 2017
— Monsieur l’abbé, vous avez participé à l’aventure de ce qu’il est convenu d’appeler « la prise de Saint-Nicolas ». Quels en sont vos souvenirs les plus marquants ?
— Précisons d’emblée qu’à l’époque, je n’étais pas « tradi », que je n’assistais pas à la messe traditionnelle. Le dimanche 27 février 1977, je n’étais d’ailleurs pas à Paris, mais j’ai appris les événements par la radio. Cela m’a paru intéressant, attirant, et même détonnant. J’avais beaucoup d’amis « tradi », je me suis donc rendu à Saint-Nicolas le mardi 1er mars, à la première messe de 7 h 15 célébrée, si mes souvenirs sont bons, par l’abbé de Fommervault, l’abbé Coache se trouvant dans le chœur. L’église était pleine à craquer, elle n’a d’ailleurs pas désempli, jour et nuit, durant un bon mois.Saint-Nicolas ne désemplit pas depuis 40 ans.
Je me trouvais près de la grille du passage entre le chœur et la sacristie. L’abbé Bellego, curé de Saint-Séverin-Saint-Nicolas, se trouvait dans la sacristie, dont il avait gardé l’usage. Il a passé son aube, est venu au pied du chœur, devant le banc de communion et l’immense estrade recouverte de moquette rouge sur laquelle se trouvait la « table à repasser » (comme nous disions) qui servait au nouveau rite. Il s’est mis à protester : « Je suis le curé, vous n’avez pas le droit d’être là ! » La messe était basse, sa voix pas très forte mais on l’entendait… Je n’ai pas eu le temps de me retourner que l’abbé Coache avait déjà démarré un chant : « Cœur sacré de Jésus, Que votre règne arrive… », et tout le monde a repris, noyant le discours du père Bellego. La rapidité de la réaction de l’abbé Coache m’a stupéfié, en sorte que chaque fois que j’entends ce cantique, je revois cet épisode.
— Un autre souvenir ?
— Une semaine environ après a eu lieu la conquête de la sacristie, où se trouvaient quelques dames entourant l’abbé Jean-Robert Armogathe, vicaire de la paroisse. Ils se tenaient dans le couloir qui mène à la sacristie. Je me trouvais en compagnie de quelques jeunes d’Henri IV préparant « corniche » (mais, ne jouons pas les matamores, j’étais plutôt en arrière). Chaque groupe – eux d’une part, nous d’autre part – récitait son chapelet mais n’en était pas au même mystère… Ambiance tendue et électrique. Un faux (?) mouvement a déclenché une bagarre, nous les avons poussés vigoureusement. Bref ! Ils ont été expulsés par la porte qui mène au presbytère. Nous ne pouvions pas ne pas conquérir la sacristie, où se trouvaient le tableau électrique et le chauffage…
— Cette expérience vous a-t-elle marqué profondément ?
— Je suis entré à la Fraternité Saint-Pie X grâce à Saint-Nicolas, qui a donc joué un rôle capital dans ma vie. Je me rendais tous les dimanches à cette église pour aider au service d’ordre et, de ce fait, j’assistais aux messes. Mais pour ma messe dominicale, je me rendais le soir, comme d’habitude, dans une belle chapelle où je servais la messe de Paul VI en latin, célébrée face à Dieu par un prêtre qui prêchait une bonne doctrine. L’assistance, même plus ou moins involontaire, à la messe traditionnelle a fini par me convaincre de sa valeur irremplaçable.
Propos recueillis par Anne Le Pape