SOURCE - Nicolas Senèze - La Croix - 4 avril 2017
Le pape François a décidé que les évêques pourront désigner des prêtres de leur diocèse pour célébrer les mariages des fidèles liés à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X.
Le pape François a décidé que les évêques pourront désigner des prêtres de leur diocèse pour célébrer les mariages des fidèles liés à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X.
Un petit pas de plus vers le retour des lefebvristes dans la pleine communion de l’Église catholique : c’est ainsi qu’il faut interpréter la lettre que le cardinal Ludwig Müller a, comme président de la Commission Ecclesia Dei, envoyée aux présidents de conférences épiscopales. Il y annonce que le pape François a décidé de reconnaître légitimes les mariages « de fidèles qui suivent l’activité pastorale de la Fraternité ».
Une situation canonique qui reste d’illégitimité
Cette autorisation, explique celui qui est aussi préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, « veut contribuer à rasséréner la conscience des fidèles, malgré la persistance objective, pour le moment, de la situation canonique d’illégitimité dans laquelle se trouve la Fraternité Saint-Pie-X ».
Le cardinal précise bien, en effet, que la FSSPX n’est pas actuellement pleinement intégrée à l’Église catholique, mais qu’elle en prend doucement le chemin. « Différents types de rencontres et d’initiatives sont en cours depuis longtemps pour ramener la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X dans la pleine communion », rappelle-t-il dans cette lettre.
Une nouvelle procédure
Jusqu’ici, les mariages célébrés par un prêtre de la FSSPX n’étaient pas reconnus par l’Église catholique : ce qui permettait éventuellement à un fidèle lefebvriste de se remarier religieusement dans l’Église catholique…
Concrètement, pour obtenir la reconnaissance des mariages des fidèles de la FSSPX, il reviendra à chaque évêque de désigner un prêtre de son diocèse – ou un membre d’un institut «pleinement régulier», c’est-à-dire en pleine communion avec Rome – «pour qu’il reçoive le consentement des parties».
Dans l’ancien rite, le sacrement est en effet célébré au début de la messe. « Suivra alors la célébration de la Sainte Messe votive par un prêtre de la Fraternité », explique le cardinal Müller, sans préciser que, pour l’instant, l’Église catholique ne reconnaît pas la légitimité de l’eucharistie ainsi célébrée…
La compétence du diocèse
«En cas d’impossibilité ou s’il n’existe pas de prêtre du diocèse qui puisse recevoir le consentement», l’évêque pourra « concéder directement les facultés nécessaires» au prêtre de la FSSPX. Celui-ci devra alors envoyer « au plus vite à la curie diocésaine la documentation qui atteste la célébration du sacrement ».
Façon aussi de souligner que c’est bien le diocèse qui sera compétent en cas de procédure de nullité. « De cette façon aussi, on pourra éviter les débats de conscience chez les fidèles qui adhèrent à la FSSPX et les doutes sur la validité du sacrement de mariage, tout en facilitant le chemin vers la pleine régularisation institutionnelle », estime le cardinal Müller.
Une approbation encore attendue de la FSSPX
Rien ne dit toutefois si la FSSPX acceptera l’intervention des prêtres désignés par les évêques : un certain nombre d’entre eux mettent effectivement en doute sinon la validité, du moins la légitimité, des ordinations dans le rite actuel. Mais on peut supposer que si la Commission Ecclesia Dei a fait cette proposition au pape, c’est en accord avec la FSSPX.
L’approbation, par cette dernière, de cette procédure serait donc un pas de plus vers son acceptation de la légitimité des sacrements dans le rite de Paul VI (même si elle ne les célèbre pas).
La politique de main tendue du pape François
Cette décision du pape s’inscrit clairement dans les précédentes mains tendues à la FSSPX. En 2015, il avait ainsi, pour l’Année de la Miséricorde, reconnu comme « valides et licites » les confessions de ses prêtres, faculté que la lettre Misericordia et misera avait ensuite prorogée « jusqu’à ce que soient prises de nouvelles dispositions ».
La légitimité du sacrement de l’onction des malades est aussi reconnue, mais pas celles des ordinations sacerdotales. « Le Saint-Siège permet et tolère les ordinations de la FSSPX, tout en continuant à les considérer valides mais non licites, après communication des noms des ordinands à l’évêque du lieu », avait expliqué fin janvier Mgr Guido Pozzo, secrétaire d’Ecclesia Dei.
Des questions non tranchées subsistent
Le responsable du dialogue avec les lefebvristes expliquait alors qu’un accord était en vue avec la FSSPX. « En ce moment, nous travaillons à perfectionner certains aspects de la forme canonique qui sera celle d’une prélature personnelle », expliquait-il.
Sur le fond, étaient encore « objets d’approfondissement » les questions - majeures - liées à l’œcuménisme, à la liberté religieuse et aux rapports entre l’Église et le monde… Des questions sur lesquelles la FSSPX a une approche pour le moins très différente de celle du pape François.
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LE DIALOGUE ENTRE FRANÇOIS ET LES LEFEBVRISTES
Fin 2013 : Première rencontre « par hasard » entre le pape et Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X, de passage à la Curie. Il rencontrera le cardinal Müller en septembre 2014.
10 mai 2015 : Mgr Fellay affirme avoir reçu mandat de Rome pour juger de délits commis par des prêtres de la FSSPX.
1er septembre 2015 : Dans une lettre Mgr Rino Fisichella, président du conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, le pape reconnaît « valides et licites » les confessions des prêtres de la FSSPX pendant le Jubilé de la miséricorde.
1er avril 2016 : « Rencontre privée et informelle » entre le pape et Mgr Fellay.
29 juin 2016 : Mgr Fellay accuse le pape d’encourager des « erreurs » au sein de l’Église et rejette l’idée d’un accord avec Rome.
13 octobre 2016 : Mgr Fellay rencontre le cardinal Müller au Vatican et salue brièvement le pape.
21 septembre 2016 : le pape étend, « jusqu’à ce que soient prises de nouvelles dispositions », la validité et la licéité des confessions des prêtres de la FSSPX.